L’exploitation du zircon ne fait pas que des heureux dans la région de Ziguinchor. Hier, quelques dizaines de personnes en provenance de Niafrang, zone d’exploitation dudit minerai, ont battu le macadam dans la capitale régionale pour manifester leur opposition au projet.
Ils étaient une quarantaine de personnes, peut-être même un peu moins, à arpenter les rues de Ziguinchor pour dire halte à l’exploitation du zircon dans la zone de Niafrang, localité située dans le département de Bignona. Si le défi de la mobilisation n’a pas été relevé à cause en partie de l’indifférence des populations de la capitale du sud, il reste que le comité de lutte contre l’exploitation du zircon en Casamance et pour la préservation de Niafrang maintient la mobilisation. Car, pour les plaignants, il s’agit là d’une question de survie.
De l’hôpital de la paix à la gouvernance de Ziguinchor, les marcheurs ont exprimé leur opposition et leur détermination à défendre leurs terres. Un combat qui a démarré en réalité depuis 2004. Cette année-là, le gouvernement donne sa caution au lancement d’une opération d’exploration dans la zone de Niafrang, située dans la commune de Kafountine, contre un autre décret qui fait de cette localité une zone marine protégée. Depuis lors, les habitants de ce village ne cessent de se braquer contre les autorités. Plusieurs manifestations, dont des marches, sont organisées pour faire reculer le gouvernement dans sa volonté de faire exploiter le zircon de Niafrang. De l’avis des plaignants, les préoccupations ne sont pas les mêmes. «Pour l’Etat et surtout pour Astron, multinationale australienne basée en Chine (Hong-Kong), les bénéfices attendus se chiffrent en millions de FCfa», alors que pour les défenseurs de l’environnement, de la biodiversité, et du développement durable, «l’enjeu est ailleurs : après la destruction de la forêt et des ressources halieutiques, la destruction des ressources naturelles de la Casamance se poursuit, pour répondre à une demande extérieure, chinoise pour l’essentiel, au détriment des populations». Ce qui est en jeu à Niafrang, à en croire le porte-parole du comité, «c’est la sauvegarde d’un écosystème riche et complexe, mais fragile, associant océan, mangrove et dune, qu’une aire marine protégée (Amp) devrait en principe sanctuariser». Ce que nous refusons, se défend Ousmane Sané, «ce n’est pas le développement, mais des logiques privilégiant la recherche du profit à court terme au détriment d’un développement durable car préservant les ressources pour les générations futures». A en croire ce dernier, les populations n’opposent nullement pas l’intérêt de quelques milliers de villageois à celui de 15 millions de Sénégalais : «Nous ne sommes pas contre tout projet minier, mais, sur la base d’informations scientifiques, nous sommes contre le démarrage de ce projet précis dans cet environnement précis, en raison des risques qu’il ferait courir à cet environnement et aux populations qui y vivent», précise le porte-parole du comité. Du coup, les marcheurs qui ont remis un mémorandum au gouverneur appellent l’Etat à respecter ses engagements (transparence dans les dossiers miniers, concertation, développement durable), tant envers ses citoyens qu’envers les institutions internationales (Nepad, COP21…), mais aussi, la société civile et les représentants des populations, ou ceux qui aspirent à leur devenir, à signer cet appel et à tout faire pour s’opposer pacifiquement au démarrage des travaux et pour qu’un véritable débat s’engage, sur la base d’une information objective.
Mamadou Papo MANE (Correspondance)