Aborder le titre de la présente contribution revient à parler de la situation de mon pays où l’Etat nation suit toujours un processus de gestation. Dans la vie de tous les jours, cet Etat se dérobe de ses prérogatives républicaines en libérant des hommes puissants de prison, tape sur d’honnêtes citoyens qui dénoncent des pratiques nébuleuses au sein même de l’appareil d’Etat et protège des vociférateurs à la solde d’un appareil politique en dérive. S’il est vrai, comme il est bien précisé dans le Code pénal et le Code de procédure pénale, que «le vol est la soustraction frauduleuse de la chose d’autrui», l’application de la loi dans ce type de délit et/ou de crime laisse perplexe bon nombre de citoyens. Nous préciserons alors, plus à l’endroit des voleurs de milliards que l’Etat est une grandeur impersonnelle. Au surplus, si la révolution des mentalités tant rêvée est en marche, l’obligation de reddition des comptes publics ne sera plus une exception, mais une simple règle de gestion de nos deniers publics dans une expression sans complexe de la légitimité du peuple souverain.
En termes de proposition et de contribution, nous attendrons de l’Etat qu’il puisse rétablir le principe d’égalité de tous les citoyens devant les lois de la République sans distinction de classes sociales, d’ethnies, de confréries et surtout d’appartenance politique. Les lobbies politiciens sont connus de tous. Ils vivent de cette moralité honteuse que refuseraient même les chiens. Des ex-socialistes qui se fondent comme du beurre dans les prairies bleues pour échapper à la prison, des caciques du régime libéral méconnaissables au sein même du parti présidentiel et d’autres sans attendre l’embarcadère quittent le navire Wade comme des rats. Par conséquent, nous ne sommes pas d’accord avec le président de la République sur son apparent soutien de ce type de comportement qui déshonore la République.
Dans de nombreux pays, cette situation dichotomique a provoqué l’apparition d’un fort courant d’opinion en faveur d’un changement au signet d’une obligation de reddition des comptes et de déclaration de patrimoine. La disparition à termes de ce type d’individus aussi rapaces et voraces que les meutes de loups de la Sibérie orientale doit se faire sans parti pris et sans état d’âme. Alors, nous exigerons de l’Etat une vraie culture de reddition des comptes publics. Au surplus, c’est l’existence même d’énormes disparités de puissance et de ressources entre une élite prédatrice et des citoyens conditionnés à leur tendre leur sébile, qui encourage la persistance d’un profond dénuement des masses populaires.
La dynamique doit être portée par une justice libre et équitable, car c’est dans la symbolique de la répression des actes délictuels et/ou criminels que se profile l’intériorisation des normes de conduite par les voleurs. Nous comprenons alors aisément que partout où des problèmes de gouvernance et de gestion de l’argent public ont été posés, l’inégalité a servi paradoxalement de prétexte au processus de marginalisation, en servant de fondement au processus de pénalisation de ces actes délictuels et criminels. Dans cette dialectique du politicien et du citoyen, le voleur de milliards, c’est le politicien qui arrive au pouvoir et aux postes de responsabilité, le fils du président et parfois son frère ( ?), certains ministres et députés, et les vendeurs d’illusions. Autour de ces personnalités se construit alors une vraie mafia des seigneurs d’en haut.
Tandis que le voleur de milliards peut rendre visite à son marabout à Ndiassane, Tivaouane, Médina Baye, Touba ou Médina Gounass, aller consulter ses xamb, son kéréoungak dans le bois sacré et autres pangols, le voleur d’âne est battu à mort et lynché par un public en furie. Finalement, par la force de la dynamique sociale, le voleur de milliards est adulé et cité en exemple, sa fonction de voleur anoblie. Il force le respect de sa communauté trahie et gagne le cœur de ses membres les plus ethnicistes. Le voleur d’âne, quant à lui, devient le grand voleur. Il meurt souvent de la suite de ses blessures. En proclamant le durcissement de la loi contre le vol de bétail, le voleur de milliards appuie et se frotte les mains sur le dos du président de la République. Le voleur d’âne, lui, se contente d’applaudir parce que le voleur de milliards est ovationné.
Dans cette configuration, en devenant une cible populaire, le voleur d’âne apparaît au grand jour. Il est corvéable et manipulable, prêt à se tuer et à tuer pour son faux marabout ou son politicien. Le voleur d’âne vit dans la promiscuité de sa chambre, de sa maison, voire de son quartier. Il reste mobilisable lors des meetings et autres concerts religieux des vendeurs d’illusions. Parfois, il est recruté comme membre de la milice de son marabout ou s’engage comme rebelle dans les rangs du Mfdc. Au moment où le voleur de milliards distribue des liasses de billets de banque, le voleur d’âne reste incapable de payer pour son foyer, les factures d’eau et d’électricité. Par ailleurs, ce sont les voleurs d’ânes qui peuplent Rebeuss et les prisons du pays alors que les voleurs de milliards sont élargis dans des compartiments hôteliers ou des endroits paradisiaques. Ils peuvent même prendre des avions en catimini pour aller se reposer en famille à Dubai. «Belle» et triste réalité au pays de la Téranga.
Sawrou FAL
Doctorant en Histoire Ucad
Professeur HG à Niodior