A 81 ans, le sculpteur sénégalais Ousmane Sow tire sa révérence. Il est parti laissant orphelins ses personnages géants qui ont fait avec lui le tour du monde. Connu et reconnu, le premier africain élu à l’Académie des Beaux-Arts de Paris est décédé hier à Dakar.
Grande figure de l’art contemporain africain, le sculpteur Ousmane Sow a disparu hier à Dakar. Aucune information n’a filtré sur son lieu de décès, ni pour son inhumation dans la capitale sénégalaise. Né dans le quartier de Rebeuss en 1935, l’homme est connu pour ses sculptures monumentales. A Dakar, tous ont salué la mémoire de ce «grand artiste» qui s’est révélé au monde en 1987 au Centre culturel français de Dakar devenu aujourd’hui l’Institut français de Dakar. Le grand public de l’époque découvre et admire ses statues de lutteurs Nouba qui le révéleront dans le monde entier. Il parcourt les continents de l’Europe à l’Asie en passant par l’Amérique. Dans sa biographie décrivant son parcours, on lit qu’en 1988, il présente la série Massaï. Trois ans plus tard, la série Zoulou et, en 1993, Peuls. La Documenta de Kassel en Allemagne, puis la Biennale de Venise le célèbrent comme l’un des artistes contemporains majeurs. Le succès international est ancré définitivement sur le Pont des Arts de Paris, en 1999, où il expose ses pièces et notamment La bataille de Little Bighorn, célébration de la résistance des Indiens d’Amérique et de la victoire de leurs chefs Sitting Bull et Crazy Horse face aux troupes du général Custer. Trente-cinq pièces où s’entremêlent la violence et la sensualité.
«Je n’ai pas de statue ici… Cela ne me chagrine pas»
Ce succès retentissant le mène en décembre 2013 à l’Académie des Beaux Arts de Paris, où il est élu à l’unanimité comme le premier africain. Le sculpteur Ousmane Sow produit presque exclusivement pour l’étranger. Il a des œuvres aux Etats-Unis, au Japon et même à Genève, un Immigré devant la gare. Mais au Sénégal, disait-il en 2011, «je n’ai pas de statue ici. Sauf au lycée Jean Mermoz. Cela ne me chagrine pas». L’artiste semble être méconnu du grand public. Et ses relations avec l’ancien régime de Wade n’ont pas facilité les choses. «Je me demande si, avec ceux qui sont à la tête du pays aujourd’hui, j’aurais accepté une commande de leur part. J’aime savoir que, lorsque je fais une chose, elle est appréciée par ceux qui connaissent. Tant que ce régime sera là, je ne ferai absolument rien», répondait-il pour expliquer l’absence de ses sculptures dans son propre pays. Mais depuis le départ de Wade les choses semblent revenues à la normale. Car son œuvre Le paysan de cinq mètres de haut orne le Centre international de conférence Abdou Diouf depuis 2014.
Il a révolutionné la sculpture
Ses matériaux de travail ont toujours suscité la curiosité chez le public mais aussi les critiques. Un secret que celui qui a dompté le corps humain n’a jamais révélé. Ses sculptures sont à son image, discrètes mais imposantes au regard. «Il y a dans mes sculptures une exagération. C’est voulu. C’est la recherche de la puissance et de la traduction de la vie. Ce qui m’intéresse, c’est la vie. Que les gens ressentent cette sorte de flux qui passe entre les sculptures et eux», explique Ousmane Sow lors d’une de ses nombreuses expositions dans le monde. «On dit souvent que la sculpture est une soustraction d’une forme piégée dans un objet, il fait opposition à cela en disant que c’est un rajout. C’est un débat important qu’il a eu à poser», fait savoir le plasticien Viyé Diba qui l’a longtemps côtoyé. Pour le peintre Soly Cissé, «Ousmane Sow était quelqu’un qui maîtrisait sa technique. C’était un artiste-chercheur. Nul n’ignore qu’il avait sa propre matière…C’était un père spirituel, quelqu’un de très important pour nous». Son métier de kinésithérapie exercé avant a contribué à développer son sens des formes et sa précision du geste.
Son projet de musée d’art inachevé
A son retour au Sénégal depuis 2012, il ambitionnait de créer un musée d’art en y rassemblant toutes ses sculptures. Mais ce projet muri dans sa tête restera certainement toujours en l’état avec la disparition aujourd’hui de l’artiste.
Walf Quotidien