Selon une étude du Cevipof, 57% des policiers sont prêts à voter FN à la présidentielle de 2017, alors qu’ils n’étaient que 30% en 2012.
La manifestation des policiers dans la nuit de lundi à mardi a surpris. A six mois de la présidentielle, les membres des forces de l’ordre sont à bout. A tel point qu’ils sont redescendus dans la rue, dans la nuit de mardi à mercredi, contre l’avis de leur hiérarchie. L’événement de Viry-Châtillon, il y a plus d’une semaine, ne passe pas: après avoir été attaqué par des jeunes, l’un de leurs collègues se trouve toujours dans le coma.
Dans leur colère, les policiers sont soutenus par la droite, mais aussi par le Front national.
“Leur colère est légitime devant le laxisme inouï des gouvernements successifs avec les délinquants et les criminels qui pourrissent la vie des Français et transforment les forces de l’ordre en cibles à abattre”, écrit le FN dans un communiqué paru lundi.
Après des années à proférer un discours peu engageant vis-à-vis des fonctionnaires, le FN a changé de stratégie et commencé à s’en rapprocher, jusqu’à en faire une cible électorale privilégiée. La stratégie est payante: le FN est devenu l’un de leurs trois partis préférés, selon une enquête menée par le Cevipof, le centre de recherche politique de Sciences Po.
Les policiers et militaires n’échappent pas à cette tendance. Menée en décembre 2015, à l’occasion des élections régionales, l’étude montre que 51,1% des policiers ont voté pour des listes FN, contre 30% seulement à la présidentielle de 2012. Ils sont 57% aujourd’hui à se dire prêt à voter pour le parti de Marine Le Pen, soit deux fois plus que les Français dans leur ensemble.
Déception politique
Une situation qui s’explique par plusieurs facteurs, comme la déception des gouvernements successifs, de gauche comme de droite. La note du Cevipof indique que fin 2015, les policiers n’attribuaient qu’un 2,5/10 à l’action du gouvernement. Ils ne sont d’ailleurs que 5,7% à vouloir voter pour François Hollande.
Les différents plans du gouvernement pour faire face au terrorisme ont mis les policiers en première ligne, impliquant des heures supplémentaires souvent payées en retard. L’actualité n’a pas aidé non plus: “Policiers et gendarmes s’en sont pris plein la figure ces derniers temps, entre les attentats, les manifestations contre la loi Travail et les guet-apens dans les quartiers chauds”, rappelle un historien spécialiste de la police dans L’Express.
Nicolas Sarkozy, qui recueille les faveurs de 21% des policiers, ne profite pas vraiment de l’impopularité de François Hollande chez les forces de l’ordre. Il reste assez mal considéré, notamment en raison de la RGPP, la loi menant à la suppression de 150.000 fonctionnaires entre 2007 et 2012.
Une situation économique difficile
Outre la déception politique, le vote FN des policiers est aussi la conjugaison de deux tendances: “un débat politique qui porte sur des valeurs politiques assez orientées sur l’ordre et la sécurité”, et “une situation économique souvent difficile dans les catégories les moins qualifiées de la fonction publique, avec notamment des heures supplémentaires pas payées”, analyse Bruno Cautrès, chercheur au CNRS, sur BFMTV.
Chez les fonctionnaires, “le niveau de vote pour le FN diminue à mesure qu’augmentent le niveau de diplôme comme le niveau de vie”, analyse-t-il dans son étude. Une analyse qui vient corroborer le constat de Luc Rouban: parmi les policiers, ce sont surtout les moins-gradés qui ont tendance à choisir le parti de Marine Le Pen.
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