Me Ousmane Ngom n’a pas seulement ouvert la boîte de pandore. Il a réécrit l’histoire pour s’adjuger du plus glamour des rôles. Une posture que lui refusent Mes Abdoulaye Babou et Souleymane Ndéné Ndiaye qui réfutent tous deux le bon rôle que le fondateur du Pls s’arroge. Si le premier trouve qu’il a raconté des «bobards» aux Sénégalais, l’ancien Premier ministre pense qu’il n’aurait pas dû l’ouvrir.
Ousmane Ngom, Souleymane Ndéné Ndiaye et Abdoulaye Babou ne partagent pas uniquement le métier d’avocat. Les trois hommes ont été au cœur du dispositif d’un Me Wade vivant ses dernières heures au pouvoir. Ils ont surtout été là quand l’ancien président de la République a tenté de défigurer une nouvelle fois la Constitution en y greffant de lugubres dispositions. Le 16 juin 2011, le Conseil des ministres adoptait le projet de loi constitutionnelle instituant un ticket devant élire simultanément, au suffrage universel, un président et un vice-président de la République. La loi prévoyait de baisser la majorité absolue à une majorité qualifiante de plus de 25 pour cent des voix. Souleymane Ndéné Ndiaye, en tant que Premier ministre, avait supervisé ce processus. L’étape des ministres dépassée, Me Abdoulaye Babou, en tant que président de la Commission des lois de l’Assemblée nationale, a tenté de convaincre les députés réticents. Faisant office de ministre de l’Intérieur, Me Ousmane Ngom avait la lourde charge de tranquilliser les nombreux Sénégalais que ce sinistre projet de loi mécontentait.
Seulement, quand il s’agit de revenir sur ce projet de loi dont la tentative d’adoption a précipité la débâcle du régime de Me Wade, les trois hommes ne s’entendent sur rien du tout. En déclarant avoir clamé sa désapprobation du projet de réforme à Me Wade, Me Ngom a fait sortir Me Babou de ses gonds. Joint au téléphone par Walf Quotidien, l’ancien président de la Commission des lois trouve qu’Ousmane Ngom a fait preuve «d’une mauvaise foi manifeste». Pour lui, c’est pour dire que «je suis le sauveur de la République» que Me Ngom a fait cette déclaration. «Il veut faire comprendre à Macky Sall que si vous êtes élu, c’est grâce à moi. Car j’ai refusé que l’on confisque votre pouvoir», déclare Me Babou. Concernant la journée du 23 juin et le rôle que l’ancien ministre de l’Intérieur aurait joué pour faire retirer le projet, Me Babou nie en bloc et estime que Me Ngom n’a jamais demandé le retrait dudit projet de loi. «Me Ousmane Ngom a vanté le projet de loi du 23 juin en des termes tellement élogieux que c’était quelque chose d’extraordinaire, que ça pouvait passer (…) et pour les députés qui étaient contre les 25%, Ousmane Ngom a préconisé en disant au président que si les députés ne sont pas contents, on pouvait augmenter jusqu’à 33% », réfute Me Babou. Poursuivant, il ajoute : «Maintenant, s’il veut rétorquer, il n’a qu’à trouver d’autres arguments au lieu de prendre comme témoin Me Souleymane Ndéné Ndiaye qui n’était même pas présent à cette réunion. S’il veut prendre des témoins, il n’a qu’à prendre Mamadou Seck et Doudou Wade mais pas quelqu’un qui n’était pas sur les lieux».
Joint au téléphone, Me Souleymane Ndéné Ndiaye, le témoin de Me Ousmane Ngom, a nié la tenue même de cette réunion. «Ce que Me Babou dit n’est pas vrai. Il n y a rien qui s’est passé quand j’étais Premier ministre dont je n’étais pas au courant. Me Babou n’a pas raison. Le jour du 23 juin, il n’y avait pas de réunion au Palais. J’étais dans mon bureau, je me souviens même que j’accordais une interview à Pape Alé Niang et dernière ma fenêtre j’apercevais ce qui se passait devant l’Assemblée nationale. Et c’est vers 17 heures que Abdoulaye Wade m’a appelé pour me dire qu’il venait d’appeler le ministre de la Justice, Cheikh Tidiane Sy, et le président de l’Assemblé nationale qui défendaient le projet de loi pour leur demander de le retirer. Le lendemain 24 juin, on s’est réuni et Me Babou n’y était pas. C’est de l’Assemblée nationale que Cheikh Tidiane Sy et le président de l’Assemblée avaient suspendu la séance après une conversation avec Me Wade. Wade avait retiré ce projet parce que les incidents étaient éminents. Les gens étaient même en train de secouer les grilles de l’Assemblée nationale», déclare l’ancien Premier ministre.
S’agissant de la déclaration de Me Ousmane Ngom, Souleymane Ndéné Ndiaye estime que celui-ci n’aurait jamais dû dire cela même si c’était vrai. «Je ne sais pas pour quelle raison Me Ousmane Ngom l’a dit mais, il n’aurait jamais dû le dire parce que cela n’apporte que de la confusion dans ce qui est en train de se faire», soutient l’ancien maire de Guinguinéo qui affirme qu’il n’y avait pas un seul parmi eux qui était contre l’intégralité du projet.
Des déclarations les unes s’opposant aux autres. Si Me Ousmane Ngom cherchait à faire diversion, avec une déclaration dont l’opportunité et la pertinence sont toujours à rechercher, il a pratiquement réussi son coup. Entre démentis et dénégations, les trois avocats écrivent l’histoire sans être les vainqueurs.
Mame Birame WATHIE