Le préfet de Mbour, Saer Ndao a interdit la sortie du kankourang et autres activités afférentes sur les voies publiques de la commune. L’arrêté préfectoral pris samedi est diversement appréciée au sein de la communauté mandingue de Mbour dépositaire de ce patrimoine immatériel de l’humanité classé en 2005 par l’Unesco. Secrétaire exécutif de la collectivité mandingue de Mbour, Cheikhou Dabo et les siens vont se plier à l’interdiction en tant que «collectivité organisée et disciplinée». Selon eux, cet acte est une première. «C’est inédit dans l’histoire de la commune de Mbour. Nous ne sommes pas contents, parce que nous n’avons pas compris pourquoi une majorité comme la collectivité mandingue, composée de plus de 500 000 personnes, hommes et femmes, peut être sanctionnée pour le simple plaisir d’un individu qui s’est constitué en dissident et a voulu nous narguer», se plaint le secrétaire exécutif de la collectivité mandingue de Mbour.
Cheikhou Dabo alerte sur les conséquences que pourraient engendrer une telle décision. «Les motivations, ayant poussé l’autorité à prendre une telle décision, relèvent de son pouvoir discrétionnaire. Le fait de ne pas organiser le kankourang cette année ne nous gêne pas, mais cela aura des conséquences sociales, économiques et politiques», déplore Dabo. «C’est regrettable de proclamer ainsi la mort d’une activité consacrée par l’Unesco», poursuit le porte-parole de cette frange de la communauté mandingue.
On applaudit le préfet dans l’autre camp opposé. La décision de l’autorité administrative ne déplait pas au «dissident» Dioudiou Cissé Counda. Mieux, il décerne un satisfecit aux autorités pour avoir prononcé cette sentence. «Nous remercions le préfet Saer Ndao pour cette décision d’interdire le Kankourang. Nous savons qu’il n’a pas pris cet arrêté de gaieté de cœur, mais plutôt pour consolider la paix», se réjouit Ousmane Cissé, porte-parole du vieux mandingue Dioudiou Cissé Counda qui sort parallèlement son «kankourang» au même moment. Ce qui n’est pas du goût du reste de la collectivité mandingue. Ce désaccord avait failli tourner au drame l’année dernière. «Cette activité a connu beaucoup de soubresauts et des évènements négatifs qui ont menacé la sécurité publique avec une situation insoutenable. Nous avons frôlé le pire», regrette le responsable du commissariat urbain de Mbour, Mamadou Tendeng.
Répondant à ses détracteurs, Dioudiou Cissé Counda soutient : «La question sur l’ancienneté dans la ville est un faux débat. On ne peut plus être étranger dans une ville où sont nés ses enfants et petits-enfants puisqu’on s’y est installé avant leur naissance».
Les Mbourois partagés
Certains mbourois sont secoués et déçus par l’interdiction. Ils risquent de ne pas profiter du «septembre kankourang». Car la manifestation était organisée durant tout le mois de septembre. Cette effervescence gagnait en cette période presque tous les quartiers de Mbour. De Thiocé à 11 Novembre, en passant par Diamaguene, Santessou, Oncad, Tefess, Grand mbour, les habitants étaient dans les festivités du kankourang. «Je suis déçu et déboussolé par une telle décision. C’est un coup dur porté à notre culture, à notre ville. Mbour ne mérite pas cela», s’insurge un mbourois qui a préféré garder l’anonymat. La déception est plus palpable chez les jeunes. Car la popularité qu’est le «septembre kankourang» concernait plus cette catégorie de la population. Pour exprimer leur mécontentement, ils ont improvisé dimanche un rassemblement ayant mobilisé une foule. «Nous sommes les grands perdants. Le kankourang, c’est notre culture, c’est un patrimoine, personne ne doit nous priver de cela», martèle Mor, un jeune mbourois rencontré au centre-ville.
Dans cette désolation ambiante, on retrouve quelques Mbourois qui se disent en phase avec l’arrêté préfectoral. Saliou Diouf, un sexagénaire, estime qu’avec les menaces qui pèsent sur l’ordre public, le préfet a fait preuve de sagesse avec cette interdiction.
El Hadji Alassane DIALLO, correspondant