En grève de la faim depuis dix jours, neuf ex-travailleurs d’Ama Sénégal ont été évacuées vers des structures sanitaires. C’est le bilan qu’ils ont tiré de leur mouvement d’humeur, lors d’une conférence de presse tenue, hier, dans leurs locaux. Très remontés contre les autorités qu’ils accusent de n’avoir fait aucune réaction face à leurs doléances, ces ex-agents de la société de nettoiement en question, qui réclament trois milliards à l’Etat, menacent de paralyser le système de ramassage des ordures, dans les prochains jours. Ibra Ndiaye, l’un des syndicalistes, s’en explique : «Jusqu’à ce jour, il n’y a aucune réaction de ces autorités qui ont démontré à la face du monde qu’elles n’ont aucune considération pour ces braves travailleurs dont certains sont à la retraite». Pour sa part, Madani Sy, secrétaire général du Syndicat national des travailleurs du nettoiement (Sntn), d’ajouter : «Nous allons passer à la vitesse supérieure dans les prochains jours. De Dakar à Yenne, on se fera entendre».
Ces agents du nettoiement qui se disent indignés par le mutisme des autorités déplorent le manque de volonté politique du gouvernement à résoudre leur problème. «Pour 12 milliards, l’Etat paye Bictogo. Mais pour trois milliards que l’on doit à des travailleurs qui ont rendu un service émérite à la Nation, ces autorités font la sourde oreille. C’est inhumain et antirépublicain», dénonce encore Madani Sy. Et Ibra Ndiaye de renchérir : «Je suis meurtri et sidéré. Je ne trouve pas les mots pour le qualifier. Car je ne peux pas comprendre que des Sénégalais qui, toute leur vie, ont travaillé pour épargner les gens de certaines maladies soient privés de leurs droits pour des raisons injustifiées. C’est injuste».
Cette situation a fini par installer ces ex-travailleurs d’Ama dans un drame social. Certains d’entre eux éprouvent d’énormes difficultés pour subvenir aux besoins de leurs familles, d’autres sont contraints de verser dans des pratiques contraires à leur dignité pour survivre. Plusieurs d’entre eux sont décédés, laissant derrière eux des familles exposées à la précarité. C’est dans cette logique qu’il faut inscrire ces propos d’Ibra Ndiaye, au sujet des difficultés sociales rencontrées par ses camarades. «Il y en a parmi eux qui ont leurs familles disloquées. Leurs enfants sont exclus du système éducatif car n’ayant plus de moyens de payer la scolarité. C’est un désastre», explique-t-il. Pour rappel, ces grévistes de la faim, au nombre de 1 177, réclament trois milliards Francs Cfa à l’Etat qui leur a seulement versé 120 millions. Aujourd’hui, le non-respect de ces promesses constitue l’étincelle qui met le feu aux poudres.
Le non-paiement des indemnités des ex-travailleurs d’Ama Sénégal refait surface, 10 ans après la liquidation de cette société survenue en 2006. Ama avait signé un contrat de 25 ans avec l’Etat du Sénégal, mais l’ancien régime a résilié ce contrat en moins de 5 ans. Une situation qui n’est pas sans conséquence car 1 800 travailleurs ont perdu leur emploi. Tandis que 327 agents licenciés ont reçu leurs droits légaux, 1 500 d’entre eux ont été repris par l’Etat, par le biais de l’Entente Cadak-Car.
Théodore SEMEDO