Il ne passait pas inaperçu lors des cérémonies culturelles avec sa silhouette, mais surtout ses prises de position pour un rayonnement du théâtre sénégalais. Le chorégraphe et metteur en scène, Mamadou DIOP, décédé samedi à Dakar et enterré le même jour à Pikine, se préoccupait toujours de la formation en art dramatique. Son ultime combat a été la réouverture de la section d’art dramatique de l’Ecole nationale des arts (Ena) fermée pendant plus de dix ans. Une bataille qui a porté ses fruits aujourd’hui puisqu’elle a été ouverte cette année. Car pour le défunt chorégraphe qui a dirigé cette section d’art dramatique de son retour de Moscou dans les années 80 jusqu’à sa retraite il y a une dizaine d’années, «au théâtre on ne forme pas que des comédiens, mais des gens, des citoyens». Pour le metteur en scène Seyba Lamine TRAORE, la formation était une passion chez M. DIOP. «Il s’est beaucoup investi dans la formation des jeunes et a encadré beaucoup de troupes théâtrales», témoigne son collègue. L’on se rappelle surtout de cette journée de conclave du 26 mars 2014 où devant les acteurs du théâtre sénégalais voire africain, emporté dans une colère, il a dénoncé le mutisme des autorités administratives. Pour lui, il est anormal que les gouvernants gardent dans les tiroirs depuis 2005 les réformes sur la formation en art théâtral commandées. «Il y a de quoi se suicider pas seulement d’être désolé de cette ignorance de nos institutions», réagissait Mamadou DIOP face à la réponse de autorités répondant à chaque interpellation : «C’est dans le circuit» pendant neuf ans. «Il n’y a pas dans un pays, une institution qui ne secrète pas de la culture et nous, négros africains, nous avons le théâtre, soyons sérieux ? Le théâtre est régulateur de société, de mœurs. Pourquoi le laisser en rade quand nous savons que tout est en déperdition dans notre pays ? Où allons nous quand nos enfants marchent en faisant tomber leur pantalon, ou ils se percent les fesses», s’interrogeait le défunt chorégraphe dans le manifeste sur le théâtre remis en 2014 au ministre de la Culture lors de la célébration de la journée du théâtre. Parce que Mamadou DIOP estimait que 90 % des problèmes du quatrième art relevaient de la formation. Conscient du rôle qu’il pouvait jouer dans ce volet, l’enseignant en art dramatique a sillonné le Sénégal pour aller former les jeunes. Il était pour une multiplication de l’Ena dans les régions, car la demande était toujours croissante. «Le président Senghor avait mis en place l’Ena pour six millions de Sénégalais, aujourd’hui qu’on est plus de dix millions d’habitants il faut au moins cinq écoles d’art dramatique dans le pays, à l’est, au nord, Sud, ouest, centre», préconisait-il. Aujourd’hui, l’enseignant Mamadou DIOP compte beaucoup de «disciples» dans la profession théâtrale. On peut citer Ibrahima Mbaye de Sorano, Ibrahima MBAYE SOPE, Pape Meïssa GUEYE, feu Macodou MBENGUE, etc. Même s’il a été directeur de la section art dramatique de l’Ena, M. DIOP a formé beaucoup de comédiens du théâtre populaire lors d’ateliers et de sessions spéciaux. Parmi les premiers étudiants formés en art dramatique et danseur de ballet classique à l’Institut national des arts de Dakar dans les années 60, Mamadou DIOP a bénéficié d’une bourse d’échange pour aller étudier à Moscou. Il est rentré avec le diplôme de docteur en mise en scène et chorégraphie. Il a dirigé la section art dramatique de l’Ena de 1978 jusqu’à la retraite dans les années 80. Il était dans la première troupe Tréteaux de Sorano avec les Assy DIENG, Youssou DIONE… Il avait mis en place Daaray Xamlé (école faire savoir) et a mis en scène la pièce La légende du fusil présenté au Sommet de la Francophonie à Dakar en novembre 2014. .
WALF