Après le retrait de son permis d’exploitation aérienne par l’Anacim, l’Etat a retiré à Senegal Airlines ses droits de trafic. Totalement dépouillée, la compagnie aérienne file tout droit vers un dépôt de bilan. Mais, pour de nombreux spécialistes aéronautiques, «cette précipitation» notée dans la «liquidation», cache un deal en haut lieu. Surtout que le dossier a été exclusivement piloté par le ministère de l’Economie et des Finances qui a, dans la foulée, annoncé la création d’une nouvelle compagnie sans l’implication du ministère en charge du secteur.
C’est presque un crime. Les évènements qui ont signé l’arrêt de mort de la compagnie nationale Senegal Airlines se sont précipités d’une telle manière qu’ils laissent penser à un deal savamment orchestré. Ce que confirment d’ailleurs certaines sources de Walf. Lesquelles confient que le retrait par l’Agence nationale de l’aviation civile et de la météorologie (Anacim) du Permis d’exploitation aérienne (Pea) et la rupture unilatérale de la convention de concession des droits de trafic signée le 22 juillet 2009 avec la compagnie aérienne, annoncée, hier en début de soirée par le ministère du Tourisme et des Transports aérien, étaient planifiés pour liquider la compagnie et en créer, sur ses cendres, une nouvelle, «probablement avec la Turquie où se rend le chef de l’Etat demain», selon des sources bien au fait du pilotage du dossier.
Si la liquidation de cette compagnie surendettée à hauteur de 65 milliards de francs Cfa n’est pas une surprise, la précipitation avec laquelle l’Etat a annoncé la création d’un nouveau porte étendard sénégalais laisse sceptiques nombre de techniciens du secteur qui estiment ne rien comprendre du nouveau modèle annoncé par le gouvernement. «Pour créer une nouvelle compagnie, il faut faire des études pendant au moins deux ans, faire des études de lignes, des choix de flotte et recruter les bons profils», explique un professionnel du secteur, sous couvert de l’anonymat, contacté par Walf Quotidien. «On est en train de brader les droits de l’air du Sénégal avec la création de cette nouvelle compagnie, exactement comme ce qui s’est passé avec le pétrole», ajoute notre interlocuteur. Qui souligne que la Royal Air Maroc vient 19 fois par semaine au Sénégal, qu’Air France et Corsair viennent tous les jours. Ce qui montre le potentiel extraordinaire du pays que seuls les Sénégalais ne voient pas encore. «Si on ne voit pas ça, on n’a pas besoin de parler d’émergence, on devrait plutôt parler d’immergence», observe-t-il.
Un autre spécialiste contacté soutient que le dossier a été piloté dans la plus grande discrétion au ministère de l’Economie, des Finances et du Plan qui «a débauché un garçon de la fondation Bill et Melinda Gates pour régler le problème de la compagnie». Ce que semble corroborer l’annonce de la création de la nouvelle compagnie par Amadou Bâ, lors de sa conférence de presse avec son homologue français, Michel Sapin. «Concernant Sénégal Airlines, je peux confirmer que le permis a été retiré. Le Sénégal a engagé le processus de création d’une nouvelle compagnie aérienne. Dans les prochains jours, on devrait avoir une nouvelle compagnie aérienne», a dit l’argentier de l’Etat avant que son collègue du Tourisme et des Transports aériens ne diffuse dans la soirée un communiqué de presse pour annoncer le retrait des droits de trafic accordés à la compagnie et de recevoir quelques syndicalistes pour sauver la face. «L’Etat a pris les dispositions pour mettre en place un pavillon national fort qui s’inscrira dans les objectifs prioritaires du projet de relance du hub aérien régional du Plan Sénégal Emergent, et permettra de capitaliser sur la compétence et l’expertise des ressources sénégalaises en matière de transports aériens», lit-on dans le document des services de Maïmouna Ndoye Seck qui n’ont rien dit sur la manière dont les droits des 250 personnes mises sur le carreau vont être soldés. Surtout quand on sait que ceux d’Air Afrique ou de Air Sénégal international ne sont toujours pas liquidés.
Seyni DIOP (WALF quotidien)