Les femmes journalistes peuvent compter sur l’ancien Premier ministre du Sénégal Aminata Touré pour défendre leur cause. Cette dernière s’engage à combattre l’inégalité dans le secteur de la presse sénégalaise, notamment la sous représentabilité des femmes dans les médias. L’ancien Premier ministre, Aminata Touré a démontré que les femmes des médias en plus d’être exploitées par leur employeur sont sous représentées dans les organes de presse. Panéliste de la conférence inaugurale des 44e assises de l’Union de la presse francophone qui s’est déroulée à Lomé du 25 au 29 novembre dernier sur le thème : «Femme et médias», elle soutient que les femmes ne représentent que 24 % dans la presse écrite et l’audiovisuel et 23 % dans l’ensemble des médias.
«Si la proportion de femmes présentée ou dépeinte dans des rôles de travailleuses ou de cadres a augmenté dans certaines catégories de métier, dans l’ensemble, les femmes et les filles continuent d’être représentées d’une façon traditionnelle et stéréotypée qui ne fait pas justice à leur diversité et à leurs compétences, ni à la réalité de leur vie», déclare Aminata Touré. Toutefois, Mme Touré a tenu à préciser que les Etats, dans leur large majorité ont déploré lors du débat à l’Assemblée générale des Nations Unies «la persistance de représentations dégradantes, discriminatoires et hypersexualisées des femmes et des filles dans les médias, également représentées comme des objets, avec une tendance à la multiplication des images misogynes et violentes, notamment dans les médias sociaux». D’après Aminata Touré, la facilité d’accès à ces images grâce à Internet et aux téléphones portables a des conséquences sur les plans social et émotionnel, notamment chez les jeunes dont la personnalité est en construction. L’ancien Premier ministre se dit navré que «les médias aient le pouvoir du coup de projecteur et que les femmes n’aient pas le pouvoir qu’elles méritent». Postes clés dans les médias en 2014 : 87 % aux hommes et 13 % aux femmes Seulement ajoute-t-elle, «il faut reconnaître que la représentation professionnelle des femmes au niveau des médias s’est améliorée au cours de la dernière décennie bien que la parité soit encore loin d’être atteinte, surtout au niveau des postes à responsabilité». Citant le rapport 2014 de la Fédération internationale des journalistes, Mme Touré soutien que le document indique que les femmes sont présentes dans tous les types de médias : Quotidiens, magazines, radios, télévisions et presse en ligne. Mais les postes clés demeurent en effet entre les mains des hommes (soit 87 % du pouvoir aux hommes et 13 % du pouvoir aux femmes). «De plus, les femmes des médias sont affectées par la ghettoïsation des questions féminines dans les organes de presse et font l’objet de discrimination quant aux opportunités professionnelles. Encore aujourd’hui, les rubriques femmes sont confiées aux femmes journalistes, les rubriques culturelles également», constate Aminata Touré. La formation comme solution d’équilibre En guise de solution, Aminata Touré propose la formation et la sensibilisation massive sur les questions d’égalité de genre aussi bien dans le cadre de leur formation initiale que du renforcement périodique de leurs capacités techniques. «Il faut renforcer les cadres juridiques et réglementaires contre les images dégradantes, misogynes et violentes à l’encontre des femmes et des filles, ce qui, à mon avis, devrait relever du délit de presse». Pour la panéliste, il y a une opportunité à saisir avec les Codes de la presse en discussion dans de nombreux pays africains. «Il faut également des mesures d’incitation visant à promouvoir une image juste et pluridimensionnelle des femmes et des filles dans tous les médias et sur tous les sujets traités et les contenus diffusés. Cela pourrait être un des critères d’éligibilité à l’appui financier public aux organes de presse», propose Aminata Touré. Par ailleurs Mme Touré croit que les femmes travaillant dans les médias peuvent être des alliées importantes pour la promotion de l’image de la gent féminine. «Entendre ou voir des femmes journalistes sur des sujets d’intérêt national projette l’image positive d’une prise de responsabilité des femmes. Et pour cela, il faut que les femmes constituent une masse critique au niveau des médias», fait savoir l’ex-ministre de la Justice. Des mesures incitatives pour promouvoir les femmes des médias Selon elle, les rédactions devraient mieux aider les femmes à concilier les rôles de mère et d’épouse que leur assigne la société en attendant que celle-ci évolue vers un meilleur partage des responsabilités domestiques entre hommes et femmes. Pour ce faire, l’ancienne chef du gouvernement invite les patrons de presse à améliorer leurs politiques internes et leurs pratiques en matière de recrutement des femmes journalistes. Une palette de mesures incitatives est énumérée par Aminata Touré. Il s’agit de promouvoir les articles écrits par des femmes, en négociant de meilleures conditions de travail à celles-ci ; les établissements de formation aux médias doivent s’ouvrir plus largement aux femmes et intégrer la problématique hommes-femmes dans leurs programmes. Il faudrait également des distinctions, comme l’octroi de récompenses officielles aux médias particulièrement ceux soucieux de la problématique hommes-femmes, des concours et des prix aux journalistes devraient être institués pour encourager à promouvoir l’égalité de genre.
Paule Kadja TRAORE