Il aura fallu près de dix minutes, dix longues minutes pour égrener le prénom, le nom et l’âge des 130 victimes des attentats du 13 novembre. Figée par la solennité de l’instant et le froid glacial de ce vendredi 27 novembre, la cour pavée de l’hôtel des Invalides à Paris s’est drapée d’un silence de cathédrale tandis que résonnait l’identité de chaque disparu sous le regard affligé des quelques 2000 invités de cet hommage national. C’est pourtant bien la vie qui a le plus résonné en ce jour de deuil tricolore.
Le regard hagard, visiblement éprouvé par l’émotion, le président de la République François Hollande a pris la parole pour saluer cette “génération” qui, malgré les larmes, “est aujourd’hui devenue le visage de la France”. Une allusion au “visage de la France” de Jean Moulin célébré en son temps par André Malraux. “C’est parce qu’ils étaient la vie qu’ils ont été tués”, a-t-il rappelé. Les terroristes “ont le culte de la mort. Nous, nous avons l’amour, l’amour de la vie”, leur a-t-il opposé avant de promettre aux disparus que “la France demeurera elle-même”. “Nous multiplierons les chansons, les concerts, les spectacles. Nous continuerons d’aller dans les stades”, a juré un François Hollande rassembleur et déjà tourné vers demain. Car, “après avoir enterré nos morts, il nous faudra réparer les vivants”. “Vivre et donner avec ivresse” Unique écart à cette ode à la vie, le président de la République, encadré par deux drapeaux tricolores devenus les symboles de la résistance française à la terreur, a promis de “détruire Daech”, une “armée de fanatiques”, “une horde d’assassins” qui a frappé la France “au nom d’une cause folle et d’un Dieu trahi”. Mais non pas pour répondre à la violence par la guerre: “la liberté ne demande pas à être vengée mais à être servie”. La cérémonie, d’une sobriété étincelante, avait débuté à 10h30 dès l’arrivée du chef de l’Etat. Entre la gravité de Bach et le chant libérateur de Verdi, les voix des artistes ont elles aussi célébré la vie dans une émotion palpable, comme un écho à la musique qui rassembla les martyrs du Bataclan. Le magnifique “Quand on n’a que l’amour” de Jacques Brel fut ainsi entonné par la chanteuse franco-israélienne Yaël Naim, Nolwenn Leroy et Camelia Jordana. Et c’est à la cantatrice Natalie Dessay qu’est revenu l’honneur de reprendre le très émouvant “Perlimpinpin” de Barbara. “Pour qui, comment quand et pourquoi? Contre qui? Comment? Contre quoi? C’en est assez de vos violences. D’où venez-vous? Où allez-vous? Qui êtes-vous? Qui priez-vous? Je vous prie de faire silence”, affirme cet hymne à l’innocence. Car seul compte de vivre, “Vivre, vivre avec tendresse, vivre et donner avec ivresse.”