Témoin au procès d’Hissène Habré, Brahim Tassi a vu son rapport sur les crimes commis au Tchad faire l’objet de critiques de la part des juges et du procureur général. Le Tribunal spécial lui reproche de s’être basé sur des témoignages, en lieu et place d’investigations dignes de ce nom.
Brahim Tassi est un témoin bien particulier. Coordonnateur de la Commission d’investigations du Réseau des associations des droits de l’homme au Tchad, Tassi et ses collaborateurs ont eu à dérouler des enquêtes sur les exactions commises au Tchad par le régime de Habré. Dans leur rapport, ils ont chargé l’ancien président du Tchad.
Sauf que l’équipe n’a pas assisté à ces crimes, tortures et exactions qui seraient commis sous le régime d’Hissène Habré. Ils ont, en effet, entamé leur travail 14 ans après les faits. Lequel a été réalisé sur la base de témoignages recueillis sur des victimes déclarées du régime de Habré. Ils n’ont trouvé ni ossements, ni vestiges des crimes qui seraient le fruit des hommes de Habré.
Ils n’ont également pas effectué un travail scientifique sur les 13 charniers qu’ils ont révélés et qui se seraient déroulés sous le régime de Habré. Les investigations qu’ils ont exposées n’ont été réalisées que sur la base de témoignages. Même s’ils ont exposé, dans leur rapport, l’existence de près de 13 charniers, cela ne s’est réalisé que sur la base de constatations à la suite de témoignages faits par des victimes déclarées de Habré.
Avant même que l’exposition de son rapport ne s’achève, le témoin a été pris pour cible par le juge et ses assesseurs. Sous le feu roulant des questions des membres du Tribunal spécial, Brahim Tassi a reconnu que la commission d’investigation n’a pas procédé à des excavations et à l’exhumation de cadavres des 13 charniers qu’ils ont découverts.
Il a également reconnu que leurs investigations se sont déroulées sur la base de témoignages de victimes. Ces témoins n’ont pas de dépositions. Quid d’une formation pour dérouler les investigations ? Tassi reconnaît que l’équipe n’a pas subi de formation pour pouvoir dérouler les investigations. Démoli par le juge Gustave Kam et ses assesseurs, les avocats commis d’office qui l’ont considéré comme un «témoin par procuration» ont préféré ne pas lui poser de questions. Me Mounir Ballal qui s’est adressé à la Chambre africaine extraordinaire d’assises estime qu’«un témoin est une personne qui a vu et attendu. Nous n’avons pas de questions à demander à un témoin par procuration». Sous ce rapport, la Chambre de jugement a exigé des observations écrites de la défense avant d’en prendre acte.
Toutefois, à travers les témoignages recueillis sur les victimes déclarées du régime d’Hissène Habré, le rapport établi par la Commission d’investigation du Réseau des associations des droits de l’homme au Tchad a exposé les pires formes de tortures et exactions commises au Tchad entre 1982 et 1990. Dans leur travail, ils ont visité 79 sites avec six endroits d’abattages et 13 fosses communes. Ils ont également fait cas de «combattants des forces de l’opposition torturés et exécutés». Toujours dans les témoignages recueillis par cette commission, Tassi a fait part «d’un détenu dont le pénis a été coupé, d’une femme enceinte dont le ventre a été déchiré par les tortionnaires et une balle tirée sur le nouveau-né devant sa mère». Brahim Tassi qui a n’a pas assisté à ces faits a fait part à la Cour d’un détenu écartelé par un véhicule.