Les 4 procureurs ont émis de sérieuses réserves sur l’enquête de personnalité de Habré. Même si l’auteur a exposé les contraintes dans la réalisation de son travail, des critiques ont été formulés par les représentants du Parquet général près le Tribunal spécial.
Le rapport d’enquête de personnalité d’Habré produit par Yakhara Gassama, enseignante à l’Ecole nationale des travailleurs socio-spécialisés (Entss) a vivement été critiqué par le procureur général. Les investigations se sont limitées seulement à sa situation familiale et sociale actuelle au Sénégal. Elles ne parlent ni du passé pénal de l’homme, ni de son enfance encore moins de l’origine de son patrimoine au Sénégal. Toutes les parties au procès ont relevé que «les informations ne révèlent pas l’origine de ses ressources». Mieux, le rapport ne contient aucune version de la personne concernée encore moins celle des membres de sa famille ou son voisinage, notamment les notables de Ouakam et Almadies. Ce que l’auteur du rapport reconnaît elle-même.
Ce travail jugé insuffisant a soulevé la remarque des représentants du Parquet général, même si certains reconnaissent les difficultés auxquelles l’enquêteuse a été confrontée. «Nous n’avons pu rencontrer qu’un membre de sa famille. La communauté tchadienne vivant au Sénégal est très réservée. Les rares gens qui acceptent de parler le font dans l’anonymat», a expliqué la psychologue. Le procureur général n’a pas trouvé professionnel le fait que l’intéressé lui-même n’ait pas été entendu dans le rapport d’enquête de personnalité. «Il a refusé de nous voir et de recevoir quand nous avons voulu le rencontrer», s’est justifiée la sociologue.
Autre manquement relevé, c’est l’absence d’investigations menées au Tchad où Habré a, selon le procureur Mbacké Fall, «passé le plus clair de son temps». Ce que l’enquêteuse justifie par des raisons de sécurité. «Ce rapport aurait pu être beaucoup plus complet si Habré et ses approches avaient accepté de collaborer», a reconnu l’enseignante à l’Entss.
Grandeur et décadence d’un ex-chef de guerre
Par ailleurs, l’enquête de personnalité révèle que Habré est marié à deux épouses tchadiennes. La première, ancienne Première Dame, est présentée comme «une dame réservée et difficile de caractère». La seconde répondant au nom de Fatimé Habré est décrite comme «une grande intellectuelle ayant acquis la nationalité sénégalaise, engagée dans la lutte pour la libération de son mari». Habré est décrit comme «généreux» au point que «ses voisins bénéficiaient de ses largesses».
Le rapport présente l’ancien du Tchad comme «un homme très calme qui s’emporte rarement, d’une extrême courtoisie et de correction envers les autres, et qui ne reste jamais assis pour saluer quelqu’un, il se lève toujours. Il raccompagne toujours ses hôtes. Il est loyal en amitié et nommait même ses compagnons avec qui il était en désaccord».
Parlant des défauts de l’ancien président du Tchad, l’enquête de personnalité le présente de manière «tenace et implacable envers ses ennemis». «Il ne recule devant rien et n’a pas l’habitude de regretter. Il assume ses propos et comportements. Il a une très haute estime de soi qui frise l’orgueil avec une grande assurance en lui», mentionne le document lu par sa réalisatrice.
En milieu carcéral, on ne lui reconnaît aucune activité. Selon Yakhara Gassama, «il reste enfermé dans sa cellule et ne recevait personne sauf sa famille et ses avocats. Il garde toujours son chapelet par devers lui avec un exemplaire du Coran. Il a toujours respecté les pratiques cultuelles de l’Islam».
Pape NDIAYE