CHRONIQUE POLITIQUE
Il a décidément le don de faire sortir de leurs gonds Macky Sall et ses snipers. A chaque fois qu’Idrissa Seck ouvre la bouche pour émettre des critiques sur la gestion du président de la République, il déclenche une bordée d’invectives et d’injures de la part de responsables de l’Alliance pour la République. Qu’importe s’il n’est que dans son rôle d’opposant au régime. Qu’importe s’il n’y a nulle trivialité dans ses propos, mais également nulle insolence dans ses critiques, pour acerbes qu’elles soient. Il provoque, à chacune de ses sorties, une volée de bois vert de la part des «apéristes» qui semblent lui dénier tout droit d’exercer son devoir d’opposant à Macky Sall. Et quand ils s’y mettent, c’est généralement dans une cacophonie. On dirait que c’est à qui se mettrait le plus en évidence dans la virulence des propos, sans se préoccuper outre mesure de la pertinence des réponses à apporter aux critiques du président de Rewmi.
En fait, le drame pour ces responsables de l’Apr, c’est qu’Idrissa Seck a l’art de dire les mots qui irritent au plus haut point leur mentor. C’est moins ses mots qui choquent que cette condescendance qui les sous-tend, qui blesse. Quand le président de Rewmi dénonce la gestion de Macky Sall, les proches de ce dernier ont la nette impression qu’il s’adresse moins au président de la République qu’à cet ancien du Pds à qui il a fait la courte échelle pour aider à son ascension politique fulgurante au sommet du parti et de l’Etat. C’est Idrissa Seck qui avait imposé Macky Sall comme président de la Cellule Initiative et Stratégie regroupant les cadres du Pds. S’il est devenu, à la survenue de l’alternance politique en 2000, directeur général de la Société des pétroles du Sénégal (Petrosen) où il est exercé pendant des années comme simple chef de division, c’est également grâce à celui qui était alors le jardinier des rêves du président Abdoulaye Wade dont il était le numéro deux au Pds. C’est lui aussi qui l’a fait entrer au gouvernement pour la première fois en mai 2001. Tout novice qu’il était, l’alors homme fort du régime de Wade en avait fait le ministre des Mines, de l’Energie et de l’Hydraulique en remplacement du leader de la Ld/Mpt, Abdoulaye Bathily, dont le rôle joué dans la survenue de cette alternance avait été prépondérant.
Il le fera ensuite élever au rang de ministre d’Etat de novembre 2002 à août 2003, avant de le propulser à la tête du ministère de l’Intérieur et des Collectivités locales d’où il portera la parole du gouvernement d’août 2003 à avril 2004, date du limogeage de son mentor d’alors. Malgré tout, il n’avait pas hésité à convoquer tout ce que Dakar comptait de représentations diplomatiques en 2005 pour déclencher la chasse à courre dans l’affaire dite des chantiers de Thiès qui l’enverra en prison. Ce que Idrissa Seck avait assimilé à de la traitrise qu’il ne lui a jamais pardonnée.
Pour nombre de proches du président de la République, le président de Rewmi peine surtout à oublier que ces temps-là, où Macky Sall avait besoin d’être chaperonné par lui, sont à jamais révolus. Qu’il est désormais le chef de l’Etat du Sénégal, celui-là même qui définit la politique de la nation et nomme à toutes les fonctions de la République. Qu’il est, par ce fait, la plus haute institution de la République, bien loin de ce jeune loup aux dents longues des années 90-2000 prêt à faire quelques courbettes pour accéder au saint des saints. A les en croire, Idrissa Seck vit au passé, sur ses rêves évaporés de devenir le successeur de son père spirituel, Abdoulaye Wade, à la tête de l’Etat. Et le tort de Macky Sall est d’être devenu ce qu’il aurait voulu être, sans avoir besoin du coup de pouce d’un quelconque mentor. Il n’a cru qu’en lui, qu’en son parti et en ses alliés de Macky 2012 pour amener leur père spirituel à Idrissa Seck et à lui, au second tour de la présidentielle de 2012.
Mais le président de Rewmi n’en a cure. Pour blessantes que puissent être les réactions de certains responsables de l’Apr, surtout ceux d’entre eux qui n’ont que l’insulte à la bouche, il est conscient d’être le seul responsable de l’opposition à les empêcher de tourner en rond et n’entend pas leur laisser de répit. D’autant qu’il se voit dans les habits du chef de l’opposition radicale et se comporte comme tel. C’est ainsi qu’il n’a pas hésité à remonter les bretelles à certains de ses alliés de «Gor ci wax ja», accusés de n’avoir pas joué franc jeu avec son parti. On a l’impression que Idrissa Seck se sent bien dans ce rôle qu’affectionnait son ancien mentor durant les années de braises et compte sur son éloquence et sur la pertinence de ses critiques pour continuer à faire mouche. Et les réactions désordonnées et disproportionnées de ses contempteurs de l’Apr ne font que rendre encore plus audible son discours auprès de l’opnion publique.
Par Abdourahmane CAMARA
Directeur de publication de Wal Fadjri Quotidien
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