CHRONIQUE DE WATHIE
Très enthousiastes, les professionnels de la Presse ont oublié leurs divergences, qui ne se fondent que sur la concurrence, pour arpenter les artères de Dakar, scandant les mêmes slogans. Concernant la question du Code de la Presse, l’Etat n’a pas attendu que la mobilisation des journalistes prenne forme pour donner, par la voix de son chef, des gages. A en croire le président SALL, le projet dudit Code, élaboré en 2010, sera adopté par cette XII législature. Un engagement sous-tendu par une soudaine prise de conscience de la nécessaire organisation du secteur ou une démarche politique de laquelle naitrait une nouvelle contestation.
Moins de quarante-huit heures après la marche des acteurs de la Presse sénégalaise, les journalistes ivoiriens ont pris d’assaut leur Assemblée nationale pour protester contre le projet de loi sur la presse que le gouvernement présentait aux députés en vue de son étude et de son adoption. Pour l’Union nationale des journalistes de Côte d’Ivoire (UNJCI), ledit projet comporte des dispositions mortifères. A son appel, les professionnels de la presse se sont mobilisés pour dire non à l’article 90 qui stipule que «est puni par un emprisonnement de 1 à 5 ans, et d’une amende de 300 000 à 3 millions de francs CFA quiconque par voie de presse incite au vol et au pillage, au meurtre, incite à la xénophobie, à la haine tribale… ».
De prime abord, les journalistes sénégalais ne devraient pas être confrontés à la même problématique. La concertation qui a fait défaut aux Ivoiriens a été mise au Sénégal. Un séminaire de concertation sur le projet du Code la presse a été organisé au mois de septembre dernier. Et, durant trois jours, journalistes, patrons de presse, autorités étatiques ainsi que d’anciens ministres de la Communication, entre autres, ont échangé avant de s’accorder sur un texte définitif devant régir le secteur. Un texte, soit dit en passant, comporte beaucoup de pièges mais qui n’ont jusque-là pas incommodé les journalistes. Au-delà de la forme, nous pouvons citer les articles 45, 46, 47, 48, 124, 125, 159 et bien d’autres qui feront, à coup sûr, parler les jours, mois ou années à venir. Depuis, le projet, dont les premières lignes ont été écrites sous le régime de Me WADE, en 2010, est rangé dans les tiroirs.
C’est le président de la République qui a remis le sujet au-devant de l’actualité. Entouré de ses alliés de Benno Bokk Yaakaar, le 22 avril dernier, Macky SALL a renseigné que le projet du Code de la Presse allait bientôt être soumis aux députés. Il occultait ainsi l’étape du Conseil des ministres pour, sans doute, incomber le retard de l’adoption à l’Assemblée nationale. Une méprise qui n’a pas échappé à certains observateurs et acteurs qui se sont dépêchés de rappeler au chef de l’Etat qu’avant l’Assemblée nationale, c’est le Conseil des ministres qui doit d’abord l’examiner et l’adopter. « C’est un défi que je lance. Il n’y a pas de texte sur un nouveau code de la presse à l’Assemblée nationale. Les journalistes ont été nargués, il ne peut plus avoir un nouveau code de la presse avec cette législature qui sera renouvelée sous peu », avait réagi Doudou WADE, ancien président du groupe parlementaire des Libéraux et Démocrates.
Macky SALL va se reprendre. Le 1er mai dernier, recevant les organisations syndicales, le Syndicat des professionnels de l’information et de la communication du Sénégal (SYNPICS) notamment, le chef de l’Etat a indiqué que «le projet du Code de la presse a été examiné mercredi en Conseil des ministres ». Pourtant, dans le communiqué qui a sanctionné la réunion du Conseil des ministres du mercredi 26 avril, à aucun moment il n’est fait mention du Code la presse. Concernant les textes législatifs et réglementaires adoptés, le communiqué a souligné : « Projet de loi modifiant la loi n° 65-60 du 21 juillet 1965 portant code pénal ; le Projet de loi autorisant la cession définitive et à titre gratuit de terrains domaniaux à usage d’habitation et son décret d’application ; le projet de décret portant convocation du corps électoral pour l’élection des députés ; le projet de décret portant création et fixant les règles d’organisation et de fonctionnement de la Maison de la Presse (MP) ; le projet de décret portant création et fixant les règles d’organisation et de fonctionnement du Grand Théâtre national ». Le projet de Code de la presse ne pouvant se contenir dans la Maison de la Presse (MP), on se donne le temps de l’examen et de l’adoption. Soit ! Là n’est pas le plus important. Seulement, pour un texte dont l’élaboration a réuni tous les acteurs du secteur, Macky SALL s’est ouvert une porte de laquelle tout peut sortir. «Il y a des choses à revoir. Nous avions exigé nous-mêmes que le projet de Code soit présenté. Il est dans sa dernière mouture, nous allons enlever les scories et ce qui ne paraît pas être conforme à l’esprit de la Constitution et des lois. Et si cela est fait dans pas longtemps, nous allons l’adopter formellement et l’envoyer à l’Assemblée nationale et demander son vote… Il y a eu des amendements puisque nous devons veiller sur certains concepts qui sont en contradiction avec d’autres lois », a affirmé Macky SALL.
Le président SALL entend donc apporter des changements à un texte consensuel sans que cela n’interroge. Les acteurs de la presse pousseraient-ils le ridicule au point de marcher pour l’adoption d’un texte avant de revenir encore manifester contre certaines de ses dispositions ? Si la dernière mouture, dont le président Macky SALL a fait état, ne fait pas l’objet d’une nouvelle appréciation, il ne faut guère écarter que ledit Code entérine des dispositions pernicieuses.
Par
Mame Birame WATHIE