CHRONIQUE DE MAREME
Pour moi l’amour se traduit par le fait de ne pouvoir vivre sans l’autre, le mariage par le sacrifice de soi à l’autre.
Malick : Aïcha et rien qu’Aïcha
Il n’y a que l’amour qui provoque cette émotion si intense qui envahit tout mon être depuis ce matin. La vie est pleine de rebondissements. Si on m’avait dit hier que j’allais me marier avec Aicha aujourd’hui, je ne l’aurais pas cru. En tout cas, son père ne badine pas, un vrai taliban. J’ai vraiment cru qu’il blaguait quand il m’a dit d’envoyer ma famille. Mais ma plus belle surprise c’est Aicha qui a dépassé sa peur d’aimer et d’être aimée. Quand ma voiture a fait un tonneau, Aicha est la seule personne à qui j’ai pensé avant de sombrer dans l’inconscient. Ce sont les cris d’Abi qui m’ont réveillé, mais c’est la voix d’Aicha, me disant à quel point elle m’aimait et qu’elle regrettait d’avoir été si naïve, qui m’a donné envie d’ouvrir les yeux. Après j’ai voulu faire le fier en refusant de la voir. Plus les jours passaient, plus j’étais énervée par son silence. Elle me manquait terriblement mais il était hors de question que je fasse le premier pas comme à chaque fois. Elle est venue, pas comme je le pensais mais comme je l’ai toujours rêvé. Je n’arrive toujours pas à croire qu’on va se marier, mon Dieu. Un sentiment de joie mélangé à de la peur me submerge depuis ce matin. Et si elle changeait encore d’avis, et si je rêvais et si… Je regarde ma montre toutes les cinq minutes et je l’appelle toutes les vingt minutes. Et à chaque fois je lui promets de ne plus le faire.
Après le départ de ma mère, j’ai demandé à Suzanne de rappliquer au plus vite avec mon chéquier. Il me fallait de la liquidité pour la dot et de l’argent de poche. Je lui ai ensuite demandé d’amener ma femme chez Jour J et de lui acheter une belle robe de marier. Là nous sommes en train de parler au téléphone du gâteau de mariage et de ce qui va avec. C’est un mariage à la va-vite, n’empêche je voudrais qu’elle ait le minimum. Mouhamed entre dans la chambre le sourire aux lèvres. Dès que je raccroche il attaque.
- Eh bien, dis donc, moi qui croyais que tu blaguais tout à l’heure au téléphone. Ton accident t’a fait perdre complétement la tête. Loye dawe baye danou (pourquoi t’empresses-tu).
- Pourquoi attendre quand on est sûr, la vie est trop courte pour ne pas vivre ses rêves et Aicha est mon rêve.
- Chititite écoutez le, on dirait Roméo. Bienvenu dans le club, tu vas galérer grave mec je te dis. Les femmes sont machiavéliques quand elles détiennent ton cœur. Regarde Ndoumbé, elle va tuer cette bonne femme à force de jouer avec moi.
- Tu as une femme merveilleuse qui accepte tes bêtises et tes caprices de gamin et monsieur continue à faire l’imbécile. Tu vas regretter le jour où elle tournera définitivement ta page.
- Tu crois, demande-t-il d’une voix espiègle. A voir son sourire, il y a quelque chose.
- Ne me dis pas que… Non, elle va m’entendre. Elle m’avait promis de ne pas flancher.
- Quoi ? Donc c’était un complot ? Au lieu d’être de mon côté, tu manigances avec ma femme.
- Je ne serais jamais du côté des faibles et si le fait qu’elle reste chez elle peut te rouvrir les yeux, je suis pour. Déjà que tu focalises toute ton énergie à reconquérir ta femme jusqu’à oublier tes suceuses d’hommes.
- Donc vous vous parlez au téléphone ? Qu’est-ce qu’elle te dit, demande Mouha en venant s’assoir sur le lit, les yeux grandement ouverts par l’émotion. J’éclate de rire, la flèche de cupidon ne l’a vraiment pas ratée.
- On se parlait presque tous les jours, mais plus depuis l’accident. Par contre toi, tu l’as vu alors accouche.
- En fait, après ton accident, comment dire. J’ai profité de ma détresse pour m’approcher d’elle. Ne me regarde pas comme ça, j’étais vraiment triste et elle voulait juste me consolait.
- Oui c’est ça oui, dis-je faisant semblant d’être vexé.
- Je te jure Malick, Aicha n’est pas la seule que ton accident a réveillé. Pourquoi continuer à se faire autant de mal pour juste des futilités. Ce qu’elle demande, ce n’est rien, juste vivre en paix avec moi. Bref j’ai déjà payé la caution d’un appartement. Le propriétaire m’a donné les clés, il y a trois jours. Là je suis en train de vider le reste de mon compte pour le meubler.
- Al hamdoulilah, al hamdoulilah, al hamdoulilah, enfin. Merci Dieu, finis, je de façon théâtrale. Il sourit rêveusement avant d’ajouter. Par contre je ne l’ai pas encore dit à ma mère. Tu vas m’accompagner pour le faire.
- Pour supporter ses insultes, jamais. Boy assume jusqu’au bout et je te jure que tu auras mon respect total. C’est comme l’initiation des hommes chez les Djoolas. On les amène à la forêt et à leur retour, ils sont considérés comme de vrai hommes non pas à cause de la circoncision mais parce qu’ils ont réussi à dépasser toutes les épreuves qu’on leur a infligées.
- Si gatal dal (en un mot) à tes yeux je suis un gamin.
- Pire, pour moi, tu es un bébé de cinq ans qui tète toujours les seins de maman.
- Chii, tu es méchant dé. Walay tu vas voir, dit-il en se relevant. Je ris sans le faire exprès, je crois que je l’ai vexé, tant pis.
- Ecoute, l’heure urge, dis-je en regardant la montre. Tu dois être chez Aicha à 17 h, donc tu as assez de temps pour faire quelques trucs pour moi. Il croise les bras et regarde ailleurs.
- Tu te fâches parce que je te traite de gamin. La bouderie est un geste typique de gamin alors ne viens pas te plaindre qu’on te traite de gamin. Niake foula, viens ici. Je lui remets la dot en lui donnant les numéros de téléphone de mes deux oncles et nous commençons à planifier le reste. Une demi-heure plus tard, nous avions fini. Avant qu’il ne parte, je lui demande de m’appeler le docteur. Il a éclaté de rire sachant où je voulais en venir et a commencé à me taquiner.
- Reste tranquille car tu es toujours en convalescence.
- Tu me connais, sinon réserve moi un séjour d’une semaine dans un joli hôtel pas trop fréquenté.
- Hôtel diam, tu veux décéder dit- il, en se tordant de rire.
- Je prends le risque, en plus je suis sûr que ça va me soigner au contraire, ha ha ha. Il s’est encore moqué de moi avant de partir en me jurant que le médecin n’allait pas me laisser faire. C’est ce que l’on verra dis-je tout bas. Une demi-heure plus tard Docteur DIA entrait dans la chambre toujours avec son sourire si accueillant.
- Il parait que vous vouliez me voir.
- C’est exacte Docteur, figurez-vous que je me marie ce soir alors je voudrais que vous me signez mon bon de sortie.
- Je vous demande pardon ? Je vous arrête tout de suite, vous n’êtes pas encore complétement guéri monsieur Kane. Certes votre état s’est considérablement amélioré mais de là à parler de…
- Vous savez très bien qu’il y a eu plus de peur que de mal. Je suis sous surveillance depuis quinze jours et rien, donc je crois que je peux continuer ma convalescence chez moi. Ma question est de savoir si je peux faire l’amour oui ou non. Il toussote comme si je venais de dire un gros mot, moo.
- Quoi ? Non…bien… sûr bégaya-t-il.
- Pourquoi lui demandais- je, en croisant les bras pour contrôler cette colère montante.
- Tout simplement parce que votre corps ne doit pas subir une telle turbulence après le choc qu’il a eu.
- Tur bu lence, épelais-je le mot.
- Ecouté monsieur Kane, quand vous faites l’amour, votre corps libère de l’adrénaline provoquant une augmentation de la respiration, de la tension musculaire et de la tension sanguine. Certaines parties de votre corps vont se contracter sous forme de spasme et au fur et à mesure de l’acte, une grande tension nerveuse et musculaire va se former, allant crescendo…
- Vous voulez bien arrêter vos charabias et me dire si oui ou non je peux le faire.
- Je ne sais pas, cela dépendra de ce que vous ressentez en le faisant. Je ne peux pas prendre la responsabilité de vous dire oui et qu’après…
- Donc je peux le faire ? Il me sourit en secouant la tête.
- De toute façon même si je vous dis non, vous allez le faire vu votre tête. Si vous éprouvez une quelconque douleur quelque part alors ne forcez pas et n’exagérez pas petit. Je vais me redire encore mais votre corps a reçu un choc traumatique important M. Kane et même si vous vous sentez guéri, il faudra que vous dépensiez moins d’énergie au moins pendant les deux mois à venir.
- Ne vous inquiétez pas, je vais me ménager. Encore merci pour tout et à jamais finis – je. Il éclate de rire avant de me dire qu’il partait faire mon bon de sortie. Si je l’écoutais, je serais dans cette clinique pour un mois encore. Les cliniques sont devenues plus des établissements hôteliers qu’autre chose. Il essaye toujours de vous retenir même si vous êtes guéri juste pour augmenter la facture. Une heure plus tard, je prenais un taxi direction la maison. En route, j’ai fait appeler Moussa mon chauffeur d’occasion. Je ne l’appelle que quand j’ai besoin de ses services. Je ne veux pas conduire, je garde mon énergie pour…vous savez quoi. Chez moi, je ne retrouve que la bonne, comme d’habitude. Cette femme ne reste jamais à la maison. Je profite de son absence pour prendre quelques affaires. Heureusement pour moi, Abi est arrivée au moment juste où je revenais de la voiture après avoir mis ma valise dedans. Je me suis répété au moins cent fois ce que j’allais lui dire. Mais quand elle est sortie de sa voiture le visage en feu, j’ai tout oublié. J’ai fait comme si je ne l’avais pas vu parce que je ne voulais pas qu’elle fasse scandale devant les employés. Mais avant même que je m’asseye sur le canapé, elle lançait déjà ses phrases acerbes. Je l’ai laissée se défouler pendant presque dix minutes avant de s’effondrer sur le divan en pleurant. Je m’en veux d’être la cause de tant de souffrance mais je n’ai pas le choix car il est hors de question que je passe au-dessus de ce que je vis avec Aicha. Je me lève et vient m’assoir à côté d’elle.
- Viens ici, lui dit – je en la soulevant et en la prenant dans mes bras. Son cœur bat tellement vite, c’est normal vu toute l’énergie qu’elle vient de dépenser. Je la berce dans mes bras jusqu’à ce qu’elle se calme.
- Quoi que je puisse dire ou faire cela ne changera en rien la souffrance que je suis en train de t’infliger et j’en suis profondément désolé Abi.
- Tu vas me quitter, je le sais articula – t – elle.
- Regarde-moi Abi, elle continue de pleurer sans lever la tête. Je la force à me regarder en prenant ses joues entre mes mains : jamais, je dis bien jamais je ne te quitterais Abibatou Cissé. Tu es et restera ma femme, la première, celle avec qui j’ai partagé les plus beaux moments de ma vie. Le plus beau jour de ma vie a été quand tu m’as tendu mon premier enfant. Tu as été présente pendants mes débuts avec le cabinet, tu as supporté mes nuits blanches sans rechigner ni te plaindre. Tu m’as soutenu jusqu’à la réussite de mon cabinet. Tu connais ma famille plus que moi-même et même si j’ai trouvé au début cela bizarre j’ai fini par comprendre que c’était une manière pour toi de me montrer ton amour. Tu fais partie intégrante de ma vie et te quitter c’est comme renoncer à une partie de moi. Le fait de prendre une seconde épouse ne changera en aucune manière ma vie avec toi. D’accord ? Elle fait oui de la tête faisant tomber encore quelques larmes. Je lui donne une bise sensuelle avant de les effacer d’un revers de main. J’encercle mes bras sur son épaule et dépose sa tête sur ma poitrine. Il fallait que je la console, que j’apaise son anxiosité, sa peur de me perdre. Quoi que l’on dise j’ai fini par m’attacher à elle et avoir des sentiments pour elle et le fait de la voir si triste m’affecte. Elle n’a jamais fait battre mon cœur, ni m’empêcher de dormir la nuit mais comme j’ai dit, elle fait partie de ma vie, elle a une partie de mon cœur.
- Qui t’a dit pour le mariage, lui demandais – je.
- Tante Kiné murmure-t-elle. Je serre les poings, c’est la petite sœur de mon père, une vraie peste. Abi est très influençable et si elle reste seule en mon absence, elle risque de faire une bêtise. Les femmes font toujours des bêtises quand elles sont désemparées. Au Sénégal, quand on te prend une seconde épouse c’est comme si tu avais un deuil, les gens viennent te voir pour soit disant te remonter le moral mais au lieu de ça ils te donnent de mauvais conseils. Une idée me vient.
- Je voudrais que tu partes en vacance à Dubaï avec ma sœur. Elle sursaute et se relève. Tu en as toujours rêvé non ?
- Tu veux me chasser ? Ces yeux lançaient des éclairs. Hé merde.
- Non, c’est juste que je n’ai pas envie de te laisser seule à te morfondre ici.
- Parce que tu vas me laisser seule ?
- Oui et tu le sais très bien Abi. Je pars pour deux semaines tout au plus…PAF une gifle, là j’ai vu rouge et j’ai répondu direct paf. En tout cas, elle l’a senti.
- Tu lèves la main encore sur moi et tu vas regretter d’être née. Et puis quoi encore, tu es folle ou quoi ? C’est la deuxième fois en moins d’un mois. Je me lève en prenant mon portable énervé au plus haut point. Dans cet état, je ne peux rien faire. Mieux vaut que je parte avant que les choses ne s’enveniment.
- Tu n’es qu’un menteur, un salaud Malick, vas-y et ne reviens plus crie t – elle.
- Tu es en train de prendre de mauvaises habitudes Abi, les insultes n’ont jamais rien résolu encore moins la violence. Ne perd pas le respect que j’ai toujours eu envers toi et reste la femme digne, généreuse et honnête que tu as toujours été. J’ai tourné les talons et suis parti sans me retourner. Il lui faudra du temps pour accepter tout ceci, pour l’instant je ne peux rien faire. Mais je ne veux pas qu’elle reste seule alors j’appelle ma mère pour lui dire. Quand j’eu fini de lui raconter ce qui venait de se passer, prenant le soin de sauter la scène du gifle car quoi qu’on dise je le regrette. C’est elle la victime dans cette histoire donc j’aurais dû juste encaisser. En plus, c’est la première fois que je lève la main sur une femme, ma femme. Merde. La voix de ma mère me fait revenir à la réalité.
- J’imagine qu’elle doit être anéantie dit – elle dans un souffle. Elle a toujours eu beaucoup d’affection pour Abi qui est devenue presque sa fille.
- Maman, je voudrais que tu viennes vivre avec elle, le temps que je revienne.
- Chi ne me demande pas ça, je ne saurais quoi faire. J’ai trop honte. Demande à sa mère.
- Sa mère serait une mauvaise conseillère pour elle vu son antécédent avec son mari. Je sais que dès demain, ses amis et mes tantes vont se pointer à la maison et elle risque de faire des bêtises en les écoutant.
- Du genre ?
- Tu sais combien les Sénégalaises deviennent parano quand elles entendent le mot coépouse. Tout de suite, c’est le maraboutage assuré plus des bonus de magouilles. Abi est très influençable, elle est vulnérable ; alors je veux que tu sois à ses côtés et que tu l’as pousse à faire ce voyage à Dubaï. Si elle ne veut pas, au moins ta présence limitera les dégâts.
- Je ne sais pas trop Malick, tu sais j’avais promis à sa mère que tu ne divorcerais jamais d’elle ni qu’elle n’aura de coépouse.
- Ah bon, t’aurais pas dû maman. On ne sait jamais ce que la vie nous réserve, en plus j’avais signé polygame.
- Je le reconnais, j’ai eu tort, toi mon fils avoir une seconde épouse, faut le voir pour le croire. Vous les hommes il ne faut jamais jurer de rien, de vrai traitre.
- Mon père ne t’a jamais trouvé de coépouse maman alors…
- Tu crois ? Mon cœur fait boom.
- Qu’est – ce que tu veux dire par là ? Elle ne parle pas. Maman ?
- Bof rien mon fils. Sinon tu pars pour combien de temps ?
- Deux semaines tout au plus. Je l’entends prendre un grand air après silence total. Toi aussi je vais te payer ton voyage à la Mecque pour ton oumra, ajoutais – je.
- Walay?
- Juré Maman.
- Je fais mes bagages alors, cria t – elle. J’éclate de rire, lui donne les dernières instructions concernant Abi avant de raccrocher. Je sens que je vais bien saigner avec ce mariage mais comme on dit « lako diar moko diar» (l’amour en vaut la peine).
Aicha : Mme KANE
J’ai l’impression de rêver debout. Je m’étais levée ce matin avec une intention féroce : reconquérir Malick par la séduction. Depuis que Suzanne m’a donné feu vert, c’est – à – dire hier, je n’ai pas arrêté de faire des recherches sur Google en tapant comment reconquérir son mec lol. Il faut dire que je suis novice dans cette démarche. Sur les 89% des articles que j’ai lus, le mot séduire était la lettre d’or. Alors j’ai pris un taxi à la recherche d’une boutique ouverte à 20 h à Dakar et heureusement pour moi je l’ai trouvée. J’ai beaucoup hésité à prendre la robe noire mais quand j’ai pensé à ces deux semaines atroces qui venaient de se passer sans lui, je l’ai prise. Moi Aicha Ndiaye, essayer de jouer de mon charme pour reconquérir un homme, il n’y a que l’amour qui peut nous pousser à une telle extrémité ; le monde à l’envers je vous dis. Je ne me suis même pas regardé dans la glace de peur de changer d’avis. Et le résultat escompté va au-delà de mon espérance. On va se marier et je n’ai jamais été aussi heureuse, aussi sûre d’avoir fait le bon choix. Malick est l’homme de ma vie et il est hors de question que je vive encore une journée de plus sans lui. Je regarde ma montre, ça fait deux heures qu’il ne m’a pas appelé et contrairement à ce matin, ça me fait peur. Il m’avait appelé vers 13H avant de quitter l’hôpital pour me dire qu’il allait chez lui. Il voulait le dire à Abi avant que quelqu’un ne le fasse à sa place. Maintenant, je n’ose pas l’appeler de peur de mal tomber. Peut – être que ça a mal tourné, peut – être qu’il a changé d’avis, peut – être…. Mon Dieu je n’ai jamais été si stressée de toute ma vie à part ce fameux jour avec… Je balaie tout de suite cela de ma tête, il ne faut pas j’y pense.
- Aicha, Aicha, crie Menoumbé. Je sors en trombe de la chambre et faillis renverser ma mère qui revenait de je ne sais où. Depuis que je suis à la maison, je ne l’ai aperçue que deux fois. J’entre précipitamment dans le salon d’où venait l’appel de mon frère.
- Que se passe-t-il encore ?
- Je sens que je vais être un griot aujourd’hui. Ton mari ne badine pas dé. Viens voir, dit-il en me tirant par la main vers notre petit balcon. En bas, je vois garé un petit camion sur lequel il est écrit Mamie – traiteur. Je comprends maintenant pourquoi il a insisté pour que ma mère ne cuisine rien pour les invités. Mais elle a tenu à faire les fameux beignets symboliques que l’on emballe dans de jolis sachets et que l’on distribue aux invités et autres. Elle m’a dit qu’elle ferait deux grands bols de beignets contenant chacun cent cinquante sachets. Le premier sera distribué aux invités et aux voisins, l’autre sera donné à la délégation pour la belle famille. J’en ai parlé à Malick et il m’a demandé de ne rien faire parce que dès que l’on commencera ces trucs, c’est fini. Sa mère va vouloir nous remercier pour le cadeau et ce sera partie pour les térangas (distribution de bien) en à plus finir. Mais la mienne a refusé de m’écouter et vu comment elle était fâchée contre papa qui m’avait donnée en mariage comme si j’étais une marchandise, je n’ai pas insisté.
- Je suis fière de toi petite sœur, si je savais, longtemps j’aurais prié pour que cet accident arrive plus tôt, tu…
- Dis astahfiroula, l’interrompt mon père. Il tire une oreille de Menoumbé qui crie bien fort Astahfiroula. Ne t’avise surtout pas de me faire la honte devant les invités avec ta langue de vipère et va m’enlever ton habit de junky là qui descend jusqu’à tes fesses. Soit un homme et habille toi convenablement avec un joli boubou, finit mon père qui criait jusqu’à percer les murs. Menoumbé s’en va en maugréant des mots inintelligibles.
- Papa toi aussi, c’est mon mariage et tu lui cries dessus comme ça.
- Walaye, je déteste sa manière de s’habille, on dirait que les jeunes d’aujourd’hui ont la constipation aigue et qu’ils éprouvent le besoin de faire descendre leur pantalon au-dessus de leur fesse pour faire passer l’air. J’éclate de rire. Il en fait de même.
- C’est juste une mode, ça va leur passer.
- Amine, amine ma fille, rétorque-t-il en levant les bras au ciel avant d’ajouter : c’est à cause de la perte totale des valeurs des jeunes d’aujourd’hui que le monde est plombé dans une telle morosité économique.
- Thièy Papa avec ses théories.
- Tu ne me crois pas ? Je t’assure….
- Laisse ta fille avec tes bêtises, sa collègue vient d’arriver avec la robe de mariée, dit ma mère en me tendant sa main. Tu dis que tu veux un mariage simple et mademoiselle se confectionne une robe de cette beauté rouspète – t – elle. Ce n’est pas moi mais Malick, voulus – je protester mais vu comme son visage sortait du feu, je me suis ravisée. Sur la demande de Malick, Suzanne m’avait amenée ce matin dans une boutique de marié ou j’avais choisi une belle robe qui me donnait l’air d’une princesse. Seulement on devait la réajuster à ma taille. Ensuite, toujours sur demande de mon autoritaire de mari qui ne veut rien entendre de mes récriminations, Suzanne m’avait amenée dans un salon où l’on m’avait fait une belle coiffure de mariée. Je n’ai pas voulu qu’on me fasse de faux cils ou faux-ongles, je déteste cela. Quand j’ai quitté le salon, il était presque midi. J’ai pris rapidement un taxi direction Parcelles où ma mère m’attendait furax.
Il y avait déjà du monde à la maison, j’ai rien compris. Ma tante maternelle est venue me saluer avec tellement de jovialité que je n’ai pu m’empêcher de le dévisager. Elle vit à Dakar et je l’ai vu deux fois en cinq ans. La fois où elle est venue nous voir en faisant ses chichis critiquant tout, l’exiguïté de l’appartement, la déco, la nourriture tout. La deuxième fois, sous insistance de ma mère, je suis allée la voir et elle m’a si froidement accueillie. Je ne n’ai plus remis les pieds chez elle. Elle pensait peut – être que j’étais venue lui faire la lèche-botte vu qu’elle faisait partie des plus nantis de la famille, pif.
A la maison, il y avait aussi cinq autres femmes qu’on m’a présentées et dont j’ai entendu vaguement les noms. Malick n’arrêtait pas de m’appeler. Du côté de mon père, il y avait son frère qui vivait lui aussi à Dakar et ses deux amis avec qui il trainait dans le quartier. L’imam est arrivé avec trois autres personnes, ensuite quelques voisins, des copines à ma maman habitant le quartier. Bref, la maison se remplit de plus en plus jusqu’à obliger ma mère à aménager le couloir pour recevoir les invités. Mais d’où vient tout ce monde ?
J’avais presque fini de m’habiller quand on me dit que la délégation de Malick est arrivée. Ils sont bien en avance, il reste une trentaine de minutes de l’heure qu’ils avaient fixée. Or au Sénégal, il faut toujours ajouter deux heures de plus à celle qu’on donne.
- Ils sont combien, demandais – je à Menoumbé.
- A peu près une dizaine.
- Ah bon ? Malick m’a dit qu’il allait envoyer ces deux oncles et Mouha.
- Il y sept hommes et trois femmes, son ami m’a dit que l’une est une griotte et les deux autres sont des tantes à Malick, répondit mon frère.
- C’est ce qu’on appelle le ‘bayré’ du mariage. On est en Afrique Aicha. Tu auras beau vouloir faire quelque chose de simple mais tu te retrouves vite envahi, dit Suzanne dans sa jolie robe en bazin bleu cousu de fil doré.
- De quoi tu te plains moo. Ton mari a pensé à tout, j’adore ce mec wallahi: dix moutons bien dorés, 50 poulets, 2 tables remplis de toutes sorte de nourriture et de collation. Je ne parle même pas du gâteau. Thiou, Goor piire (un vrai homme). Nous avons tous éclaté de rire.
- Menoumbé arrête de parler si fort, papa va te chicoter dé.
- Qu’il me tue laa wakhe (c’est moi qui le dis) aujourd’hui je suis ton griot. Il commence à chanter en sérère. J’essaye de garder mon sérieux mais avec ce fou impossible, Suzanne quant à elle, se tord de rire.
- Tais-toi bahna, avertis – je une dernière fois.
- Mané que l’on m’entende. Tu as décroché le gros lot walay. De ma vie, je n’ai jamais vu cela. Tu as le beurre et l’argent du beurre alors savoure rèk et tais-toi, renchérit Menoumbé avec des pas de danse. Ma mère est entrée en trombe dans ma chambre, juste un regard et le gars se cache derrière moi.
- Bilaye ya niake diom (aucune fierté), lui dit mère avant de se tourner vers moi. Laisse ton débile de frère ici et viens saluer les invités avant qu’ils ne partent à la mosquée. J’ai pris Suzanne par la main et nous avons quitté la chambre. Mon cœur battait très fort, encore plus quand j’ai vu que le salon était bondé. L’appartement est très petit, en faisant le calcul dans ma tête, il y a à peu près cinquante personnes ici. J’entendais juste des exclamations et des félicitations quand j’essayais tant bien que mal de me frayer un chemin. C’est Mouhamed qui fait les présentations, un de ces oncles me dit que Malick a tellement insisté, le pressant de venir que son portable s’est déchargé. Comme si c’était un signal, tout le monde s’est mis à raconter comment il les avait pressés, la honte. Je comprends maintenant pourquoi il ne m’a pas appelé. C’est dans cette humeur que j’ai enfin osé lever les yeux pour regarder les gens qui m’entouraient. Là, j’ai croisé le regard haineux d’une femme, la cinquantaine. Sûrement une des tantes, je ne sais même plus ce que j’ai sorti de la bouche devant elle. J’ai salué tout le monde avec de grosse génuflexion et à la fin j’avais mal aux genoux et à la hanche. Après cela les hommes sont partis à la mosquée. Moi, je me suis vite installée dans la chambre de mes parents où je n’avais plus le droit de me lever du lit tant que le mariage n’est pas ficelé, encore une tradition à respecter. Je me suis tout de suite tournée vers Suzanne pour lui demander qui étaient ces femmes dans le salon.
- Hé ma fille, ce sont les deux tantes de ton mari. Il les déteste, de vraies vipères, arrivistes de surcroit. Je suis sûre qu’elles ont forcé pour venir histoire de voir qui est l’heureuse élue et si possible tisser un lien. Mais je te préviens tout de suite, si tu veux être heureuse avec ton homme, éloigne toi d’elles.
- Tu sais, j’ai peur, je ne sais pratiquement rien de Malick, juste que je l’aime. C’est vraiment partir à l’aventure. Elle vient s’assoir à mes côtés, en prenant ma main.
- Ce sera une belle aventure si tu acceptes dès le début que Malick soit le capitaine de ton navire. Tu vas entrer dans une famille étrangère, dans la mesure où tu es sérère et eux toucouleurs de surcroit très conservateurs. Mais comme je te l’ai dit, tu as la chance d’avoir un mari qui sait faire la part des choses. Mon portable sonne à cet instant, c’est lui, je décroche le sourire aux lèvres.
- Salut mon amour.
- Salut bébé, il parait que c’est bientôt l’heure ?
- Oui, j’ai hâte de devenir Mme Kane.
- Moi j’ai hâte de te prendre dans mes bras, dit – il d’une voix grave. Les images de ce matin me reviennent et mon cœur commence à accélérer son rythme.
- Tu veux que je t’envoie une photo de moi sur WhatsApp comme ça tu vas voir combien je suis belle dans la robe que tu m’as offerte.
- Ce n’est pas la peine, je suis déjà en route. Là mon cœur fait carrément un grand bond. Silence total. Allo, tu es là ?
- Tu viens ici ? Ma voix tremble.
- Oui, il faut bien que je récupère mon bébé walah.
Panique totale, là je me rends vraiment compte qu’on ne badine plus, le gars dit qu’il vient récupérer sa femme. Sa femme avec un grand F, tu voulais séduire, tu es entrée direct dans la gueule du loup, assume rèk.
Ma mère entre dans la chambre affolée me faisant des gestes pour raccrocher avec Malick qui avait repris ses appels intempestifs. Je lui dis rapidement que je dois saluer des invités qui venaient d’arriver avant de raccrocher le cœur battant.
- J’étais avec les tantes de ton mari et elles veulent faire un genre de protocole.
- Comment ça un protocole ?
- Tu sais dès que la délégation est arrivée, ses oncles ont donné la dot. Ton mari est généreux machallah, deux millions de francs CFA et une belle parure en or, dit – elle en le sortant de l’armoire pour me la montrer. Je suis ébahie par la beauté du bijou tout en complet. Mais j’étais trop pressée de savoir ce qui se passe pour m’attarder sur le bijou. Ma mère continue. Dès que les hommes sont partis, la griotte m’a convoquée à une réunion avec les tantes de ton mari. Je ne peux même pas répéter tout ce qu’elle m’a dit, tellement la liste est longue. Mais elles ont des réclamations sur la dot et pas des moindres. Tu me connais, j’ai répondu direct que je n’étais pas dans ces trucs et avant même que je ne développe, la Kiné là m’a coupé pour me dire qu’il n’y avait pas de négociations et que je devrais remercier Dieu que leur fils demande ta main. Walaahi si ce n’était pas ma sœur, j’allais leur montrer la colère d’une sérère, ish. C’est quoi ces sous – entendu comme si tu n’étais pas digne de Malick. Une fille aussi bien que toi, c’est Malick qui a décroché le jackpot oui. Tu….
- Qu’est-ce que tu vas faire, lui coupais – je. Je connais ma mère quand elle va dans ses délires, elle peut parler une heure de temps.
- J’allais leur dire que je ne ferais rien de ce qu’elles ont dit mais elles ont dit qu’elles ont été envoyées exprès par la mère de Malick qui tient très à cœur à ces coutumes.
- Je connais bien tante Soukey et je vous assure que c’est une vraie femme du monde qui allie tradition et modernité. Tradition dans la mesure où elle voudrait que tout se fasse dans leur coutume peulh, modernité elle aime les choses fastidieuses. Si vous entrez dans leur jeu, non seulement vous perdrez les trois-quarts de la dot mais surtout vous fâcherez beaucoup Malick, dit Suzanne.
- Je ne veux pas que ma fille vit la même chose que moi car mes parents n’ont pas suivi le protocole de ma belle-famille et elles m’en ont fait voir de toutes les couleurs.
- Mais vous n’avez pas perdu votre mari et c’est ça qui est important. Qui n’a pas subi la pression familiale, il faut juste encaisser et se focaliser sur l’essentiel : le mari. Et je peux vous assurer que si vous voulez que votre fille soit heureuse dans son ménage, laisse Malick être son bouclier, explique Suzanne. Moi je ne fais que les écouter. Ma mère reste une minute concentrée comme si elle résout une opération mentale avant de se lever et de se tourner vers moi.
- Ton amie a raison, déjà que ce matin, tu me disais que ton mari ne voulait même pas que l’on envoie un bol de beignets alors si je me mettais à exécuter ce qu’elles disent là, il risque de se fâcher. Je vais faire comme si elle n’avait rien dit et à la fin je leur donne mon présent. Je vais juste ajouter un bol avec deux moutons et quelques poulets, deux caisses de boissons et 100 000 F CFA pour le transport. Advienne que pourra.
Après cela, un photographe est arrivé, me fait faire des poses de toute sorte jusqu’à me causer un torticolis. Aussi mon père revient avec les invités et les félicitations fusaient de partout. Ma mère vient m’embrasser, les larmes aux yeux. Elle esquive une petite dance sérère. Sa sœur entre dans la dance. C’était une manière à elles de me montrer leur joie. J’ai remarqué que toutes les femmes avaient été installées maintenant dans le couloir, ce qui donnait plus d’espace dans le salon. Les tantes de Malick m’ont, à leur tour, félicitée sans aucune tendresse tandis que les autres m’enlaçaient dans leurs bras. Pif tant pis pour elles, elles ne vont pas gâcher ma joie. Je leur ai sorti mon plus beau sourire en leur disant merci avant d’aller au salon. Mon père n’a pas attendu que j’y arrive pour se lever et me prendre dans ses bras. C’est la première fois que je le vois les larmes aux yeux. Il est tellement ému. J’ai craqué à ce moment et c’est dans ce brouillard de larmes que Malick fait son entrée. Il est beau comme un Dieu dans son grand boubou blanc qui rehausse si bien son teint. Il se dirige direct vers nous en lançant des salamaleykoums d’usage sans pour autant s’attarder sur les gens qui étaient assis autour. Il n’avait d’yeux que pour moi. En face de moi, il fait sa mimique craquante avant de lancer à mon père :
- C’est un crime de faire pleurer une si belle mariée beau-père. D’un geste lent, il essuie mes larmes et me fait une bise légère sur les lèvres. Un brouhaha set lève et morte de honte je baisse la tête comme une Autriche. Il éclate de rire en ajoutant : Quoi ? J’ai le droit d’embrasser ma femme non ? On est au Sénégal où la pudeur est de vigueur et lui il s’en fiche. Comme dit Menoumbé, un vrai toubab. Les gens autour de nous rient avec timidité. Il fait lui aussi son tour d’honneur me tenant très fort la main comme s’il avait peur que je l’échappe. Arrivé devant ses tantes, je vois son visage se crisper.
- Ce n’était pas la peine de venir, lance-t-il direct.
- On aurait manqué cela pour rien au monde, mon fils. En plus, ta femme est très belle machAllah lance avec joie celle-là même qui me snobait. La griotte avec qui elles étaient venues s’est levée et a commencé à chanter les louanges de Malick qui d’un seul regard la fait taire. C’est un de ces trucs que j’aime chez lui. Goor Foula (homme de caractère)
- J’espère bien que vous n’avez pas essayé d’imposer quoi que ce soit à ma belle-mère, dit Malick d’un ton sec. Elles me regardent avec effroi avant de balbutier des inepties. Comprenant qu’elles l’avaient fait, mon mari se dirige vers ma mère lui demandant de lui parler.
- Premier jour seulement et madame veut nous mettre en mal avec notre fils, thieuy khalé tèye yi (quelle nouvelle génération).
- Excusez-moi ma tante mais je ne suis pas une balance, vous vous êtes grillé vous-mêmes. Maintenant si vous voulez bien m’excuser. Celle qu’on appelle tante Kiné me retient par la main en me lançant d’un ton acerbe :
- Si tu crois qu’une banlieusarde sortie de je ne sais d’où vas nous dicter nos lois, alors tu te goures. Si tu ne nous respectes pas et ne fais pas ce que l’on veut, ce mariage fera long feu parole d’une Linguère. Elle vient de dire Linguère dé, le temps que je me ressaisisse de ses mots Malick était de retour. Il les regarde une à une, moi-même j’ai eu la chair de poule.
- Ma belle-mère souhaite offrir quelques présents à ma mère et j’aimerais que vous l’apportiez, leur dit – il.
- Bien sûr, incha allah dès que nous dinons, on se mettra en route, répond rapidement la griotte.
- Elle a mis tout ce qu’il faut pour que vous ayez un bon diner. Je n’aimerais que vous arriviez tard chez maman, alors si vous voulez bien prendre tout de suite la route.
- C’est que nous sommes venues dans la voiture de oncle et…
- Mon chauffeur va vous ramener. Deux femmes tenant chacune à leur tête un bol viennent se mettre devant nous. Ma mère, hésitante vient avec une enveloppe à la main. Quand elle a voulu la donner à la griotte, Malick l’arrête, lui disant qu’il leur donnerait le transport. J’ai regardé Malick les yeux grands ouverts ; j’ai pincé son bras à plusieurs reprises mais c’est comme si le mec était une statue. Ses tantes se lèvent pour prendre congé, les visages en feu et moi, j’essayais de mon mieux de les retenir. Il faut bien que je joue à la gentille kèh kèh kèh mais nak mon mari va m’entendre. Croyant que c’était fini, il leur lance devant la porte d’entrée.
- Au fait, dites à ma mère que c’est moi – même qui ai interdit les demandes que vous avez formulées pour la dot. Cet argent, je l’ai offert à ma femme, à elle seule. Compris ? Chi, cette fois, je voulais vraiment ne pas être là. Il remet une somme à la griotte qui fait un grand sourire. Quand la porte s’est refermée et que je me suis tournée pour l’attaquer, le gars m’a pris dans ses bras. Vous l’avez bien entendu, il m’a embrassé avec tout l’arsenal, langue, bouche, dent, tout. Des cris d’horreur ont fusé derrière moi et quand le gars m’a lâché, il n’y avait pratiquement personne dans le couloir. Suzanne riait à en plus finir.
- Hé Malick, arrête tes trucs de blanc là, les mamans ont détalé comme des fusées. Toi aussi ah ! Je t’assure que ta belle-mère a failli tomber de sa chaise, tu t’imagines, dit – elle en riant de plus belle.
Le reste de la soirée se passe dans la bonne humeur avec Menoumbé et Mouha qui n’arrêtaient pas d’enchainer blague sur blague. Malick, quant à lui, tient trop à cœur son rôle de mari aimant, cajolant et surtout tendre. Caresse, petite bise par ci et par là, mots doux, tout y passe. A un moment mon frère lui lance.
- Beau-frère, ma sœur n’est pas un bonbon, laisse la respirer oh.
- Tu devrais dire à ta mère de servir le diner au lieu de t’occuper de ce qui ne te regarde pas, lance-t-il tout en me caressant le long du bras et ce regard oh. Je n’arrête pas de transpirer.
- Regarde comme elle transpire, laisse cette pauvre fille tranquille. Autant de voracité ce n’est pas bien dé, réplique Mouha.
- Surtout que vous avez toute la vie devant vous pour faire vos trucs, reprend Suzanne…
Plus ils me taquinent, plus je me rends compte que j’allais bientôt rester seule avec Malick. Alors la panique a commencé à me gagner et je n’étais pas pressée que le diner soit servi. Vers 20 H, on appela les hommes pour qu’ils fassent ensemble la prière du Timis. Dès que je suis restée seule avec Suzanne, elle me lance.
- Ça va ? Elle a deviné mon tract.
- J’ai peur soufflais – je.
- C’est normal mais vu comment tu t’émoustilles déjà avec ses caresses, ce sera facile pour lui de te faire oublier tes mauvaises expériences sur le sexe. J’ouvre grand les yeux et la bouche avant de regarder vers la porte. Elle éclate de rire en me tapant l’épaule.
- Je vais aller prier, dis – je en me précipitant au dehors pour camoufler ma honte. Donc on remarque mon excitation face à ses caresses. Il va falloir qu’il arrête avec ça, surtout les bises au cou ish.
Dès que la prière est terminée, je vois les femmes commençaient à mettre les nappes. Malick s’approche de moi et me chuchote à l’oreille.
- Mon chauffeur est prêt, il est à l’entrée de Parcelles. Nous partons juste après le diner. Tandan, au secours, ai – je voulu crier. Je n’ai plus rien suivi après cela. Les gens autour de moi se régalaient, riaient aux éclats, racontaient des anecdotes. Moi j’étais figée comme une statue. Dès qu’on a débarrassé, le gars s’est levé pour faire son au revoir. Chi, je suis vraiment dans la merde moi. Je me dépêche d’aller dans la chambre le cœur battant très fort. Une minute plus tard, ma mère me rejoint et sans rien dire, elle me prend dans ses bras.
- Ne t’inquiète pas, cette fois ça ne sera pas pareil ma fille. J’ai vu comment vous vous regardiez, vous vous aimez d’un amour rare et j’en suis si heureuse. Avec lui, tu vas dépasser cet obstacle et t’épanouir dans le mariage, je te le promets. Dieu t’a récompensé en te donnant un homme bien, ne le déçois pas. Je t’aime ma fille.
- Je t’aime aussi maman, répondis – je en pleurant de plus belle. Suzanne entre dans la chambre nous obligeant à revenir à la réalité. Elle nous dit que Malick nous attend et me lance un clin d’œil.
Tout le monde est descendu avec nous pour nous dire au revoir et cette fois c’était dans la joie et l’humeur. A un moment Malick est venu me tirer la main et nous sommes montés à l’arrière de la voiture. Dès que la porte s’est enfermée, il m’a pris dans les bras dans un grand baiser passionnel. Heureusement que les vitres étaient teintés sinon on allait encore assister à un marathon. Quand il m’a relâché, j’avais du mal à reprendre mon souffle et lui aussi.
- J’ai hâte de t’enlever cette robe, dit – il d’une voix hyper sensuelle. Je frissonne quand il dit cela. Tu as peur ajoute-t-il. Je fais oui de la tête. Surtout pas, on va prendre tout notre temps mon amour, dit – il en m’embrassant encore. Il a une façon si douce de m’embrasser et de me caresser. Il y a le chauffeur, ce qui m’empêche de me détendre complétement mais Malick s’en fout. Quand il glisse sa main sous la robe, je prends toute mon énergie et recule jusqu’à la porte. Quoi, demande-t-il d’une voix embuée de désirs.
- S’il te plait, dis – je en regardant vers le chauffeur. Il sourit et me tire la main.
- D’accord bébé, attendons d’être à l’hôtel.
- Tu ne m’as pas dit comment ça s’est passé avec Abi, demandais – je pour changer de sujet. Il me raconta avec peine tout le déroulement de la scène me disant qu’il s’en voulait d’avoir répondu à sa gifle. Finalement, il avait demandé à sa mère de l’attendre là-bas parce qu’il avait peur que la colère lui fasse faire une bêtise.
- La pauvre, j’imagine dans quel état elle doit être en ce moment.
- Oui, répond-il lui aussi avec tristesse avant d’ajouter. Par contre je comprends pourquoi maman a voulu attendre jusqu’à demain pour rejoindre Abi. Je te préviens tout de suite, je ne veux pas de ses trucs chez moi. Maintenant que nous sommes mariés Aicha, je ne veux pas qu’il y ait de secret entre nous car le mensonge est l’opium du mariage.
- Moi aussi je déteste le mensonge.
- Je veux vraiment que ça marche entre nous deux et pour cela il faut que tu saches tout de moi et vice-versa. Pour commencer, je tiens à t’avertir que je ne veux pas que tu te lies d’amitié avec mes tantes qui sont venues à ton mariage aujourd’hui
- C’est déjà mort de toute façon et je lui raconte ce qu’elles m’ont dit.
- Plus snob qu’elles, tu meurs. Pourtant si tu voyais où elles habitent, les pauvres de la famille. Tante Kiné est à son troisième divorce et elle est tellement aigrie qu’elle risque de mourir avant ses soixante ans. Dès qu’elle a appris le mariage, elle a couru le dire à Abi. Là où je te parle je suis sûr qu’elles ont déjà tout déballé à Abi.
- C’est mesquin ça.
- Tu l’as dit, la mesquinerie fait partie de leur nature et elles vont essayer de tisser des relations avec toi dans le but de te soutirer de l’argent toutes les fois qu’elles en auront besoin. Si tu acceptes d’être leur larbin, tu vas t’en mordre les doigts parce que plus voraces qu’elles tu meurs et ma mère incluse. C’est ça qui a détruit ma relation avec Abi et…. Je dépose un doigt sur ses lèvres roses l’incitant à se taire.
- Je sais Malick, ne t’inquiète pas. Sache que je t’appartiens, je ne ferai et ne dirai rien sans ton aval. Je serai ta partenaire dans la vie, ta confidente, ton amie.
- Hum dis-moi que je ne rêve pas.
- Tu ne rêves pas mon amour. Je t’aime
- Je t’aime et nous nous embrassons encore et cette fois avec plus de fougue. Les sens se réveillent encore, nos souffles se perdent, nos cœurs s’emballent. A un moment Malick se relève et recule. Ces lèvres complétement rosies, il les mord et ferme les yeux.
- Moussa, pourquoi ai – je l’impression que tu conduits trop doucement, dit – il sans tourner son regard de ma poitrine qui se soulève tellement je respire fort.
- Je suis à 100 km/heure monsieur. Nous sommes presque arrivés.
- Shiip, fait – il en croisant les bras comme un enfant. Je ricane sans le faire exprès. Un vrai gamin.
- Ris bien qui rira le dernier me lance-t-il, mon sourire s’est de suite effacé.
Dix minutes plus tard, la belle Mercedes belge se gare devant une somptueuse demeure où il est écrit Résidence la lune. Mais la dernière phrase de Malick m’empêche de savourer la beauté de l’endroit. Surtout qu’il me tire la main avec empressement en se dirigeant vers la réception. La clé en main, il reprend la même course folle. Je commence à avoir vraiment peur et je ne reconnais plus l’homme tendre qui était dans la voiture. Mon cœur bat très vite quand il entre dans la chambre et ferme à clé en jetant le sac qu’il avait pris de la malle. Une pluie de baisers s’abat sur moi comme une tornade. Quand il a commencé à descendre ma fermeture, j’ai poussé un cri sans le faire exprès en reculant. Il me prend la main m’empêchant d’aller plus loin, c’est la panique totale. Toutes les images du maire me tirant, me giflant, me pénétrant avec violence me reviennent. Malick voit ma frayeur et recule à son tour d’un pas en levant la main.
- Hé hé héy, calme-toi, dit – il avec douceur. Je reste comme une statue et mes larmes commencent à couler. Non chut, dit – il en s’approchant à une vitesse hallucinante et me pris très fort dans ses bras. Pardon mon amour, mon Dieu pardonne moi de t’avoir fait peur avec mon empressement. On va prendre tout notre temps bébé. S’il te plait arrête de pleurer. Je te ferai l’amour que quand tu seras prête, pas avant je te le jure. Sa dernière phrase eu le don de m’apaiser et j’enroule mes bras autour de sa taille. Nous restons ainsi un bon moment. Après cette brève crise de nerf, Malick me propose de prendre une douche. L’eau froide me fait du bien et arrive à me détendre. Je pris la plus grande serviette qui m’arrive que jusqu’à mi- hanche. S’il me voit dans cette tenue, l’eau ruisselante, il va encore me désirer. De toute façon, je n’ai pas le droit de lui priver de moi, je suis sa femme non. Je sors de la douche d’un pas hésitant, serrant encore plus la serviette. Malick est en train de se déshabiller et je ne peux m’empêcher de regarder l’ossature de son dos et les muscles saillants de ses bras. Sentant mon regard, il se retourne et me sourit malicieusement. Je pose sans vergogne mon regard sur lui alors qu’il enlevait son pantalon.
- Si tu continues à me dévorer du regard, je ne réponds plus de moi bébé.
- Je je je..
- Je sais, je suis à craquer, mais tu n’es pas mal aussi, dit – il en me déshabillant à son tour du regard. Je vais moi aussi prendre une douche, j’ai mis ton sac dans l’armoire.
- Quel sac ?
- Celui que ta mère m’a donné pour toi, je le tenais tout à l’heure.
- C’est vrai, je n’ai pas pensé à cet aspect, les choses se sont passées tellement vite.
- En tout cas elle a bon gout, marmonne-t-il à mon oreille avant de déposer un baiser sur mon coup. Tout mon corps s’électrifie d’un coup. C’est fou comme une simple bise ou une simple caresse a le pouvoir de faire réveiller tout un corps. Je ne suis pas habituée à cela et à chaque fois je sursaute. Je me dépêche d’aller regarder dans l’armoire ce que ma mère a pu bien m’acheter et tombe de nue. Des chemises de nuit les unes plus sexy que les autres, astahfirouah, hi maman. Je suis choquée, mieux vaut être nue que de porter ces chiffons. Lahirayo, je m’assois sur le lit ne sachant quoi faire. Finalement, je prends un des tee-shirts de Malick que j’enfile rapidement. J’étais en train de chercher une culotte quand il sort de la douche.
- Tu cherches quoi ?
- Une culotte. Je l’entends ricaner mais je n’ose pas me retourner.
- Je n’en ai pas amené répond-il. Résignée, je me dirige vers le lit en m’asseyant et en fuyant toujours son regard. Quand je me décide enfin à lever les yeux, il était là, adossé à la porte de la douche, la tête un peu penchée, une main retenant à peine la petite serviette autour de sa taille. Je suis le parcours d’une gouttelette d’eau traversant sa poitrine, son ventre bien dessiné et disparaitre sous la serviette où je pouvais deviner ce qu’il y a en-dessous.
- Tu sais que tu es belle Aicha, murmure-t-il en s’approchant de moi d’un pas félin. Ces yeux brillent d’un marron plus sombre, sa lèvre est plus rosie et ce corps une vraie invite à la caresse. Je ne pensais pas que le corps d’un homme pouvait me plaire autant. J’aime ce que je vois. Pourquoi j’ai si chaud tout d’un coup. Je regarde le clin qui est pourtant allumé.
- C’est ce qu’on appelle la chaleur du désir. Cela envahit tout ton corps, dit Malick en s’asseyant à genou devant moi. Il écarte doucement mes jambes tout en me regardant fixement. Je baisse les yeux et les rouvrent rapidement quand ses mains douces glissent sur mes hanches et remontent doucement vers le haut. Spontanément, j’arrête son exclusion, mon cœur bat tellement vite que je suffoque presque.
- Ca ne sera pas pareil Aicha, fais-moi confiance, chuchote – il en déposant une bise mouillée sur mon bras tout en remontant vers le cou. Avec moi tu vas découvrir les plaisirs de la chair humaine, continue – t – il en glissant ses mains dans mes cheveux, m’obligeant à lever la tête. Maintenant, nous sommes à un centimètre l’un de l’autre. Tu vas t’étouffer, trembler, gémir, crier et cette fois ça ne sera pas de douleur mais d’un plaisir immense qui va te transporter, souffle – t – il tout en entourant mes jambes sur sa taille. Quand j’en aurai fini avec toi, tu vas me supplier de te reprendre. Toujours cette chaleur qui monte en moi. Laisse-moi te faire découvrir ce monde que tu ne connais pas. Laisse-moi t’amener vers les rives de l’orgasme bébé finit-il en enroulant complétement ses bras autour de moi attendant impatiemment que je lui donne mon feu vert. La respiration haletante je lui dépose une petite bise hésitante sur la bouche, tout en souriant. Il prend ma bouche. Je frissonne quand tout son corps se plaque contre mien. Le recule n’était plus possible. FIN
A lire tous les lundis…
Par Madame Ndèye Marème DIOP
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