CHRONIQUE DE SIDI
Ibrahim, par sa piété et son engagement, est celui qu’on confond avec la divinité (Al Khalil). Dès son plus jeune enfance, il a commencé à s’interroger sur ce qui l’environne. Entre curiosité et sagacité débordante, Abraham se posait de nombreuses questions sur lui-même, sur ses proches et sur la classe dirigeante. Il avait remarqué dans son milieu un commerce assez florissant de statues et de statuettes. Il était prétendu que chacune de ces sculptures était en communion avec un élément de la galaxie symbolisant un dieu. Et Abraham, pour y croire, scruta le ciel cherchant à communiquer avec étoiles, lune et soleil. Mais, à chaque fois, qu’un de ces astres disparaissait, il se posait la question de savoir : Comment un astre aussi accidentel qu’éphémère peut être considéré comme une divinité ? Finalement, il se résolut à l’idée que la seule véritable divinité est celle qui le nourrit quand il a faim, qui lui donne à boire quand il a soif, qui le guérit quand il est malade, qui accepte ses erreurs. Avec cette déduction et la lumière qu’il a reçue, il prit le parti de retourner vers sa société, dans son terroir de Fadan Aram qui se trouvait à côté de Alphrat en Mésopotamie. Toujours aussi intrigué, il interpella sa mère en lui posant une question : qui est mon Créateur ? Sa mère lui répondit : c’est moi-même qui t’ai mis au monde. Il posa la même question à sa mère : et toi, qui est à la base de ton existence ? Elle répondit : ton père qui me fait vivre. Abraham poursuivit son questionnement : et mon père, qui l’a créé? Sa mère répondit : c’est le roi qui nous sécurise et qui est à la base de tout. Abraham insista : Et qui a créé le roi ? Alors sa mère rétorqua : cette question ne se pose. L’intonation de la réplique était si forte qu’elle fit le tour des maisons.
Mais Abraham, loin d’être découragé et toujours à la recherche du savoir, ne s’arrêta pas à sa mère. Il posa les mêmes questions à son père, concernant son fonds de commerce, la vente des statues. Abraham lui demanda si les statues inanimées qu’il commerçait pouvaient réellement résoudre les problèmes des hommes. Son père, sculpteur de profession, répondit que non (Chapitre 6 versets 74…83). Avant de poursuivre en indiquant qu’il s’agissait de leur gagne-pain et cela permettait à tout le monde d’y croire. Abraham mit le doute dans la tête tout le monde, en remettant en cause le fait que ces statues puissent permettre à quiconque de vivre. Mais sa pertinence avait fait que ces questions faisaient l’objet de débat un peu partout. Son succès était grand et tout le monde parlait de sa perspicacité. Les idées débattues parvinrent à l’oreille du roi qui commença dès lors à se poser la question : qu’est-ce qu’il faut faire avec cet enfant ? Abraham gagnait du terrain et constituait un danger pour son royaume dont le peuple était gouverné dans la routine et amadoué dans l’illusion ? Mais, puisque le père d’Abraham était un fidèle, le roi prit la résolution de le ménager. Il fallait juste le ridiculiser. Ainsi, il fut déclaré qu’Abraham souffrait de problèmes psychiques et que les statues pourraient le soigner. Ibrahim fut enfermé avec des statues qui devaient lui faire changer d’idées. Abraham, enfermé avec les idoles, se mit à démolir les statues les unes après les autres. Et à la dernière, la plus imposante des statues, il laissa une petite égratignure dans le dos.
Quand le roi et ses sujets se réveillèrent le lendemain, ils firent un désagréable constat qu’ils qualifièrent de catastrophique. Ils accusèrent tous Ibrahim. Quand on lui posa la question pour savoir s’il est à l’origine de cette barbarie, Abraham demanda qu’on interroge la plus grande des statues. Avant d’observer que c’est peut-être celle-là qui, par jalousie, a massacré les autres. Face à la défiance d’Abraham le roi l’appela pour lui demander s’il contestait son statut de seigneur qui donne la vie. Ibrahim rétorqua : j’ai remarqué que celui qui donne la vie et qui met fin à la vie est le vrai Seigneur. Le roi fit alors sortir deux condamnés. Il fit libérer l’un et ordonna l’exécution de l’autre. Ibrahim, qui ne jetait pas les armes, observa : On voit le soleil apparaitre à l’est et disparaitre à l’ouest. Sauriez-vous changer cet ordre ? Après l’avoir écouté, il était désormais question, pour le roi, de laver l’affront en punissant Ibrahim pour donner l’exemple. Ibrahim avait choisi l’argument et la raison. Avec une méthode qui commence avec les plus petits détails jusqu’aux plus grandes considérations. Et vice-versa. Il faisait face à la routine qui se trouvait à la base de l’égarement. Le roi finit par considérer le problème comme politique et sortit le bâton. (Chapitre 2, verset 258). Après avoir été sauvé par le seigneur, Ibrahim devait prendre le chemin de l’épreuve avec un exil qui marquera le début de la fin.
A lire chaque vendredi…
Par Sidi Lamine NIASS
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