Chronique de WATHIE
Aujourd’hui samedi 4 juin, s’ouvre, à Dakar, la 49ème session ordinaire de la conférence des chefs d’État et de gouvernement de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao).
Macky Sall, le président en exercice, va céder son fauteuil à un autre de ses homologues anglophones. Un départ qu’il ne cherchera certainement pas à prolonger. Pris entre deux feux à Ouagadougou, impuissant à Bissau malgré ses nombreuses rencontres avec José Mario Vaz, désorienté face à Banjul, Macky Sall aura à cœur de refiler la patate chaude qu’est devenue la présidence de ladite conférence. En un mandat d’un an, il aura titubé et buté à de nombreuses reprises.
Il avait mal enfourché son cheval. Contre toute attente, le président Macky Sall avait rendu visite à Goodluck Jonathan, à une semaine de la présidentielle nigériane. Pendant que tous ses homologues africains prenaient leur distance, s’accommodant de la posture de l’observateur, il osa un pari qui s’est révélé dévastateur. En effet, renseigné par on ne sait quel sondage, le chef de l’Etat sénégalais se précipita dans les bras du président sortant qui, selon les Marocains qui ont décliné son invitation, cherchait à afficher sa proximité avec des chefs d’Etats musulmans à la veille d’une élection cruciale que le vote musulman pouvait faire basculer. Ne pouvant ignorer les enjeux, Macky Sall pariait sur un candidat qui, élu, aurait pu lui valoir bien des satisfactions dans une Afrique occidentale où il se retrouvait de plus en plus esseulé. Entre un Yahya Jammeh aux humeurs caméléonesques, un Ibrahim Boubacar Keita resté longtemps revanchard, un Condé peinant à oublier Ebola, la sous-région devenait de plus en plus petite pour le président sénégalais. Huit jours seulement après la visite de Macky Sall, Goodluck Jonathan était battu à plate couture. Deux mois plus tard, le 19 mai 2015 précisément, Muhammadu Buhari, qui avait remporté l’élection, devenant ainsi le président du Nigéria, la locomotive de la Cedeao avec ses plus de 170 millions d’habitants, observait Macky Sall être élu président en exercice de la conférence des chefs d’Etat et de gouvernement de l’organisation sous régionale.
Une entrée en matière annoncée par un véritable raté diplomatique que Macky Sall va pourtant répéter. Le monde n’avait pas fini de s’indigner contre le coup d’Etat du jeudi 17 septembre 2015 et l’emprisonnement du président de la Transition burkinabé, Michel Kafando, que Macky Sall se rendit à Ouagadougou. Foulant du pied le protocole et brandissant sa casquette de président en exercice de la Cedeao, le chef de l’Etat sénégalais se fit accueillir par un général putschiste dans les habits d’un président ne souffrant d’aucune illégitimité. Macky Sall n’avait pas seulement, par ce geste, mécontenté de nombreux Burkinabés. Après une mission de trois jours, il va, au lieu de montrer la porte de sortie aux putschistes et condamner leur coup, produire « projet d’accord politique de sortie de crise» qui taillait la part belle aux éléments du Régiment de la sécurité présidentielle (RSP). Un texte que Chérif Sy, le président de l’Assemblée nationale de la transition, va qualifier de projet « compromis indécent qui encourage l’impunité». Embouchant la même trompette, Michel Kafando, qui a été présenté comme partisan du «projet d’accord politique de sortie de crise», va publiquement désavouer le médiateur Sall. « Je peux vous dire simplement que, la veille, samedi, j’ai reçu la visite des deux médiateurs, c’est à dire le président Macky Sall et le président Yayi Boni qui sont venus me rendre visite. Nous en avons profité pour discuter de la situation. Après leur départ, je n’ai plus été recontacté. Il est vrai que le bruit a couru et qu’il a été dit que le projet m’a été envoyé pour que je donne mon avis mais je n’ai jamais reçu un tel projet et je vous confirme que ce n’est que ce lundi matin seulement que j’ai eu copie de ce projet d’accord qui a été proposé par la médiation de la Cedeao», expliquait le président de la transition burkinabé. Suffisant pour que les Burkinabés ruent dans les brancards, dénonçant l’impartialité du président sénégalais. Ce dernier contesté, Muhammadu Buhari va prendre le dossier en main et réussir à réinstaller le président déchu au cours d’une manifestation que Macky Sall va bouder.
Ce n’est pas seulement « au pays des hommes intègres» que Macky Sall va manquer d’imposer l’autorité (ou l’influence) que lui confère son statut de président en exercice de la Cedeao. En Guinée-Bissau, malgré plusieurs audiences accordées au président José Mario Vaz, le chef de l’Etat sénégalais ne va jamais réussir à concilier les parties prenantes de la crise qui mine le pays de Cabral depuis le mois de mai 2015 avec la destitution de Carlos Correia du gouvernement. Pourtant, tous les observateurs s’accordent sur un putsch pouvant intervenir à tout moment dans ce pays habitué aux coups de force des militaires.
Le «pouvoir» du président en exercice de la conférence des chefs d’État et de gouvernement de la Cedeao sera aussi mis à rude épreuve par Banjul. En décidant de façon unilatérale de faire passer le coût de la traversée du Fery de quatre mille à quatre cent mille F Cfa, Yahya Jammeh a allumé la première mèche ayant conduit au blocus de la transgambienne qui empêche la libre circulation des personnes et des biens dans l’espace Cedeao prônée par l’organisation sous régionale.
Autant de dossiers complexes qui ont rendu incommodant le mandat du président Macky Sall qui ne risque pas de se plaindre en cédant son fauteuil de président en exercice.
Par Mame Birame WATHIE