Ce qui devait être une simple manœuvre pour échapper à la justice s’est transformé en une affaire rocambolesque mêlant politique, manipulation, fausses promesses et escroquerie. À Guédiawaye, Ndèye Fatou Ba, 69 ans, présentée comme une militante influente de Maggi Pastef, a été condamnée pour avoir extorqué de l’argent à Ndèye Ngoné Dieng, plus connue sous le nom de « Linguèrou Saliou », une TikTokeuse visée par plusieurs procédures judiciaires.
Tout commence en juin dernier, lorsque Ndèye Ngoné, sous bracelet électronique pour une affaire de tontine portant sur 16 millions FCFA, est en attente de son passage devant le juge. C’est dans les locaux du commissariat de Guédiawaye qu’elle fait la connaissance d’Assane Kane, un politicien des Parcelles Assainies également en détention provisoire. Se montrant compatissant, Kane lui promet un appui grâce à une connaissance haut placée.
Quelques jours plus tard, il revient vers elle avec un nom : Ndèye Fatou Ba, prétendument « honorable députée », investie en troisième position sur la liste nationale de Pastef aux dernières législatives. Cette dernière se présente comme disposant d’un accès direct à un procureur influent capable de faire lever les mesures judiciaires contre « Linguèrou Saliou ».
Le stratagème est lancé. La première rencontre entre les deux femmes se solde par un versement de 100 000 FCFA, dont 20 000 sont remis à Kane. Le lendemain, Ndèye Fatou Ba revient avec une nouvelle exigence : 35 000 FCFA pour la rédaction d’une lettre à adresser au juge, prétendument tapée dans un cybercafé des Parcelles Assainies.
La prétendue médiatrice évoque ensuite ses relations au sommet : un ancien gendarme affecté à la Présidence sous Macky Sall, un ami du mari de la coépouse du président Diomaye Faye, et un commerçant se présentant comme proche du procureur général. Elle réclame alors 1 million de FCFA supplémentaires pour « activer ses réseaux ». L’argent est remis, selon l’enquête, derrière un container près du tribunal de Pikine-Guédiawaye.
L’affaire implique également Serigne Sakho, commerçant, et Khady Sarr, fille de la mise en cause, qui participent aux manœuvres et reçoivent à leur tour des sommes en espèces. Ndèye Ngoné offre 30 000 FCFA à la fille de Ba et 50 000 FCFA à Sakho, croyant être sur le point de retrouver sa liberté.
Mais la promesse vire au cauchemar. Un coup de téléphone du poste de police de Yeumbeul l’informe qu’elle est convoquée dans une autre affaire, celle des 11 millions FCFA liés à Mame Diarra Dieng, une émigrée. À nouveau rassurée par Ba, elle cède une fois de plus et verse 500 000 FCFA. En vain. La mesure de bracelet est levée, mais elle est immédiatement placée sous mandat de dépôt au Camp pénal.
Réalisant qu’elle a été dupée, Ndèye Ngoné exige le remboursement. Ndèye Fatou Ba lui restitue seulement 800 000 FCFA. Relaxée le 30 juin sur le plan pénal, la TikTokeuse saisit alors son avocat, Me Brice Benoit, et porte plainte contre Ba et ses complices.
Lors du procès, tenu ce jeudi à Guédiawaye, l’ambiance est tendue. À la barre, Ndèye Fatou Ba tente de minimiser les faits, évoque un certain Moustapha Ka au lieu du procureur promis, et conteste les montants évoqués. Elle affirme que son titre d’« honorable » n’est qu’un surnom attribué par les habitants des Parcelles. Mais le tribunal brandit des enregistrements audio accablants, preuves de ses demandes financières répétées.
Le procureur, implacable, souligne la nature organisée de l’escroquerie et requiert deux ans de prison ferme contre Ba, ainsi que six mois ferme contre ses trois présumés complices. La défense plaide l’âge avancé de la prévenue (69 ans) et rappelle le dépôt de 1,2 million FCFA en guise de réparation partielle.
Dans son verdict, le tribunal décide de relaxer Assane Kane, Khady Sarr et Serigne Sakho, mais reconnaît Ndèye Fatou Ba coupable d’escroquerie. Elle est condamnée à deux ans de prison, dont trois mois ferme, et à verser 1,5 million FCFA à la partie civile au titre des dommages et intérêts.
(Avec Dakaractu)