Dans certaines traditions, quand un couple bat de l’aile, il est conseillé au mari de tenter une nouvelle opération de séduction auprès de son épouse afin de remettre la relation à flot. Au sortir de ces élections, ce stratagème devrait être utilisé par la classe politique pour renouer le fil d’amour avec le peuple. Hier, le constat général était que, à la mi-journée, le taux de participation était faible, notamment par rapport à la Présidentielle. A pareille heure, il est même l’un des plus faibles depuis les législatives de 2007 qui avaient été boycottées par l’opposition de l’époque, sortie groggy d’un coup KO du Président Abdoulaye Wade à la Présidentielle précédente. Même si, en fin de journée, ce taux a sensiblement évolué. Entre l’élection du 24 mars 2024 et les législatives du 17 novembre de la même année, qu’est-ce qui s’est passé pour que l’on en arrive à ce manque d’engouement noté par tous les observateurs ? Certes, l’élection de février s’était muée en une sorte de référendum mobilisateur : pour ou contre le pouvoir sclérosé de Macky Sall. Mais, en sept mois, le changement de comportement électoral questionne. En attendant que des experts à la voix plus avisée que la nôtre y apportent des réponses, il est possible d’ébaucher quelques pistes de réflexions. D’abord, il y a cette proximité entre les deux élections de mars et novembre 2024. La lassitude faisant son effet, il y a, dans toutes les démocraties, une tendance à se détourner des urnes pour vaquer à ses occupations élémentaires. Ensuite, il y a que, depuis 2012, cette campagne de novembre 2024 a battu tous les records de violences, autant verbales que physiques. Les têtes de listes de Pastef et de Samm Sa Kaddu, respectivement Ousmane Sonko et Barthélémy Dias, n’ont rien fait pour calmer les ardeurs de leurs militants. Ils les auront même exacerbées. Ce qui s’est soldé par les affrontements de Saint-Louis où des citoyens ont été délestés de leurs biens ou, pire, de leurs membres vitaux. Ce fut le summum de cette violence qui a pointé son bout du nez dès le début de la campagne avec les échauffourées notées entre ouailles de Barthélémy Dias et celles de Abass Fall, tête de file de Pastef à Dakar puis l’incendie du siège de Taxawu à Dakar.
Il y a, également, que certains citoyens en sont venus à la conclusion que rien ne vaut la peine d’aller se bousculer devant les bureaux de vote pour des gens qui, une fois élus, tournent le dos à leurs préoccupations quotidiennes pour se livrer à leurs sports favoris : les empoignades, l’invective, les insultes et autres actes que l’on ne devrait pas attendre des élus. Il s’y ajoute que, quarante et une listes pour un corps électoral de 7 371 890 électeurs inscrits – données consolidées de la Direction générale des élections – cela en fait un peu trop. Il est clair que l’anticipation du scrutin n’a pas permis de faire jouer le filtre du parrainage que le Conseil constitutionnel a fait sauter. Il est tout autant clair que, en 66 jours, entre la convocation du collège électoral et le jour du scrutin, il était difficile de mobiliser les citoyens et les sensibiliser sur l’impératif du vote relativement à l’enjeu, sept mois après l’installation du nouveau pouvoir. Alors, pour mieux ré-enchanter le peuple et offrir une plus grande légitimité aux gouvernants, un certain nombre de correctifs s’imposent, notamment l’instauration d’un bulletin unique, le maintien de la caution et l’espacement des scrutins, à défaut d’un couplage. Le décalage des élections, outre le coût inhérent à l’organisation, donne au citoyen l’impression d’une campagne électorale permanente si ce n’est la routine qui, comme tout le monde le sait, tue l’envie. Et partant, tue la démocratie.
Par Ibrahima ANNE