La vérité. Celle des chiffres. C’est l’exercice auquel s’est livré, le 26 septembre dernier, le gouvernement de la République du Sénégal. Déficit public, taux de croissance, budget, niveau d’endettement… Tout était donc faux, jusqu’à ce que le Bon Dieu, dans Sa Miséricorde, nous envoie le duo Diomaye-Sonko pour nous faire voir la vérité. Toutes les vérités sont-elles bonnes à dire? Ben…oui, diront certains! La transparence est à ce prix. Elle est désormais inscrite comme un principe sacro-saint dans tous les pays à pavillon démocratique comme le nôtre. Surtout que l’Union économique et monétaire ouest-africaine (Uemoa) dont le Sénégal est membre en fait une obligation pour ses Etats-parties. Alors, il est inscrit dans la logique des choses et des textes que nos gouvernants nous disent la vérité, quelles qu’en soient les conséquences. Et elles sont déjà là, lourdes. En attendant que la Cour des comptes, seul organe qualifié pour certifier les comptes publics, donne son verdict final, le Sénégal voit, en effet, sa note baisser, passant de Ba3 à B1 avec «mise sous surveillance». Ses obligations souveraines en dollars ont, également, chuté après que le gouvernement, dans son exercice de vérité, a révélé des chiffres de dette et de déficit plus importants que ceux-là, bidons, du pouvoir de Macky Sall. Ce dernier, sur Bloomberg TV, a déclaré qu’au moment de quitter la Présidence de la République, «tous les signaux étaient au vert». Qui dit vrai ? Qui dit faux ? En tout cas, le résultat est là : note baissée et obligations souveraines en chute libre. «Et après ?», s’étonne le Premier ministre, après le tollé qu’a suscité la sincérité de son gouvernement sur les vrais chiffres de l’économie sénégalaise sous la présidence Macky Sall. L’avenir immédiat permettra de répondre à l’interrogation du Premier ministre.
Au-delà du débat d’experts sur les chiffres et de la polémique politicienne qu’il allait inéluctablement provoquer, quel est l’intérêt, pour le citoyen lambda, de voir les «secrets de famille» étalés au grand jour ? En attendant une réponse, prenant le chef du gouvernement au mot, le même citoyen est en droit d’attendre de lui qu’il se livre au même devoir de vérité concernant quelques «affaires» qui ont commencé à maculer le bilan des six mois d’exercice du pouvoir du duo. Il s’agit, entre autres, de celle de l’Onas qui a vu le Président Diomaye Faye procéder à son premier limogeage d’un Directeur général, quelques semaines seulement après la nomination de celui-ci. Viré mais pas coulé dans les fosses septiques, Cheikh Dieng, le plus éphémère Dg de l’ère Diomaye, est resté droit dans ses bottes en maintenant ses accusations contre son ministre, Cheikh Tidiane Dièye. Corruption, favoritisme sont, entre autres, les griefs formulés contre son désormais ex-ministre qui, loin de se laisser démonter, accuse, via ses seconds couteaux, l’ancien Dg d’avoir bénéficié d’un véhicule acheté à 80 millions qu’il a fait muter à son nom. Silence radio du gouvernement qui a laissé l’Onas aller au casse-pipe en servant une plainte contre son ancien patron. Une bonne communication aurait permis de dissiper le brouillard de contrevérités qui la couvrent. Tout comme celle-ci aurait permis de jeter un faisceau de lumière dans et autour de la nébuleuse affaire dite «Asergate», du nom de ce marché d’électrification rurale, filé, dans des conditions jugées opaques, à une entreprise espagnole, et qui aurait conduit au limogeage du Dg de l’Autorité de régulation de la commande publique (Arcop). Une affaire dans l’affaire, aux côtés d’autres affaires, sur lesquelles un exercice de vérité est tout aussi attendu des nouvelles autorités. Ce, au nom du triptyque «Jub-Jubël-Jubbënti».
Post-scriptum : Au moment où nous mettons un point final à cette chronique, nous apprenons que le cortège de Bougane et Cie, en mode récup’, a été bloqué à l’entrée de Bakel et que le leader de Gueum Sa Bopp a été mis en position de garde à vue à la gendarmerie de la localité. En même temps, Sonko avait fini de mobiliser 15 mille militants de Pastef au Dakar Arena pour une collecte de fonds en vue de financer sa campagne pour les législatives. Moralité: nos politiques s’en f…éperdument des malheurs de ceux qui ont tout perdu dans les crues du fleuve.
Par Ibrahima ANNE