Ce qui devait arriver arriva. Fort de son imperium, le Président Bassirou Diomaye, en vertu des pouvoirs qui lui sont conférés par la Constitution, a dissous l’Assemblée nationale. Du point de vue de l’opportunité, nul ne peut lui dénier cette mesure qui n’aura surpris que ceux qui veulent bien être pris au dépourvu. Il était, en effet, inscrit dans l’Adn de cette législature que sa durée de vie pourrait difficilement dépasser le cap des deux années d’existence. Quel que fût, par ailleurs, le vainqueur de la Présidentielle, sa dissolution était dans l’ordre du plus que probable. Maintenant, Diomaye a-t-il agi sous influence de son Premier ministre ? Seuls lui et ce dernier savent. A-t-il parjuré en annonçant la tenue de la Déclaration de politique générale (Dpg) le 13 septembre avant de dissoudre le 12 ? Sa conscience l’en jugera. A-t-il manœuvré avec son PM pour lui permettre d’échapper à la DPG ? Il n’y a que lui et Ousmane Sonko pour répondre à cette question.
Maintenant que le bissap est tiré, il faut le boire. Il nous faut nous interroger sur le type de députés qu’il nous faut afin d’opérer les changements que le peuple attend. Une rupture ne serait en effet possible que si, par leur comportement, les députés de la 15ème législature posaient des actes qui les différencieraient de ceux des législatures précédentes. C’est avec l’avènement des libéraux à l’Assemblée que celle-ci a perdu, de manière progressive, sa qualité et périclité de son rang pour tomber dans les égouts. Du coup, on s’est retrouvé avec du tout-venant. Conséquence : les députés occupent plus les pages faits divers des journaux que les bancs de l’hémicycle. Des parlementaires sont cités dans des affaires de mœurs, de faux-monnayage, de faux passeports diplomatiques. Pendant que d’autres s’illustrent dans des rixes que l’on ne croyait pouvoir observer qu’à la borne-fontaine du quartier ou à orner de leurs déhanchées les pages glacées des magazines people. S’y ajoute des députés qui ne comprennent de leur rôle que le désir de celui qui a eu la «gentillesse» de les investir à une position d’éligibilité.
On se surprend à éprouver quelque nostalgie pour ces années où, lycéens, on suivait avec délectation ces joutes verbales tout en finesse et élégance entre Abourahim Agne, Président du Groupe socialiste à l’Assemblée, et Me Ousmane Ngom, son alter ego de l’opposition. Ou ces débats de haute facture entre Me Abdoulaye Wade, député Pds, et Mamoudou Touré, ministre de l’Economie et des Finances de Abdou Diouf. Ou même un Lobatt Fall qui, malgré le fait qu’il était illettré en français, avait marqué son passage dans les travées de l’hémicycle.
Malheureusement, le temps risque d’être trop court pour aborder ces problématiques de fond en vue d’une rupture profonde avec le passé récent du parlementarisme sénégalais. Le député de 2024 devrait être élu dans sa circonscription et n’avoir de compte à rendre qu’aux mandants de cette circonscription. Le député qu’il nous faut, après le 17 novembre 2024, devrait être celui-là qui pense plus à ce que l’histoire retiendra de son passage à la Place Soweto que le salaire et les autres avantages liés à sa fonction. Ce député devrait avoir une claire conscience de ce qu’il est envoyé à l’Assemblée pour défendre les intérêts des populations, qu’importe son étiquette politique. Nos politiques, pouvoir comme opposition, sont-ils prêts à envoyer au Parlement ces députés de type nouveau ? Il n’y a rien de moins sûr !
Par Ibrahima ANNE