On s’achemine vers des journées sans pain. Les meuniers déclarent officiellement un arrêt provisoire de production. Ils estiment qu’appliquer la baisse des prix reviendrait à contrevenir à la loi qui interdit la vente à perte.
Les meuniers ne veulent pas se faire enfariner. L’Association des minoteries du Sénégal (Amis) refuse en effet d’appliquer les nouvelles mesures concernant la baisse des prix sur la farine que vient de décider le gouvernement. Ils estiment qu’ils ne peuvent pas s’engager dans un dispositif de vente à perte, et déclarent officiellement un arrêt provisoire de production. Et sans farine, intrant principal dans la panification, les boulangers seront dans le pétrin, puisqu’ils ne pourront pas produire du pain. En plus, sachant que le prix du pain est tributaire de celui de la farine, les boulangers ne pourront pas baisser les prix à 150 francs si les meuniers refusent de diminuer le prix de la farine, comme l’a décidé le gouvernement sous la houlette du Secrétaire général de l’attelage Ahmadou Al Aminou Lô, curieusement frère de Moubarack Lô, ex-Directeur de cabinet adjoint du Président Macky Sall, qui avait maladroitement piloté la baisse des prix de l’époque avec tous les dommages que son patron a dû rattraper. Le gouvernement a discuté avec eux avant de fixer le prix de la baguette de pain à 160 francs, soit une baisse de 15 francs que personne n’a applaudi. Puis, à la suite du Conseil national de la consommation, le ministre du Commerce s’est réveillé un beau jour pour finalement annoncer que la baguette de pain coûtera 150 francs. Un affront qui a provoqué l’affrontement. Car, depuis hier, ces industries de la farine sont sur le pied de guerre.
La loi interdit de vendre à perte
Le gouvernement a annoncé le prix du sac de 50 kg de farine normale à 15 200 francs Cfa et celui de la farine améliorée à 15 700 francs Cfa. Selon eux, actuellement, la hausse continue des prix du blé est ignorée par les autorités. «L’Amis, souligne-t-on, a alerté le ministère de l’Industrie et du Commerce, sur les effets d’une mesure hâtive au regard des stocks de blé déjà dans le circuit de production, et des volumes de farine en vente dans les réseaux de distributeurs. Mais malgré ces alertes sur l’impréparation du secteur, le prix de revient de la farine annoncé au sortir du Conseil national de la consommation est bien en-dessous du prix de vente réel, et la date d’entrée en vigueur est un coup porté à l’activité des parties prenantes». Aussi, ajoute ladite association, ajourd’hui «chaque sac de farine boulangère livré depuis les unités de production constitue une infraction manifeste à la loi sénégalaise, en plus d’amplifier les pertes des entreprises productrices». Selon l’Amis, l’application des prix annoncés oblige indirectement les meuniers à subventionner le prix du pain. «Une situation qui mènera inéluctablement les sept entreprises vers une faillite programmée et collective», alerte-t-elle.
Pourtant, il nous revient que, lors d’une réunion avec les industriels concernés, le Premier ministre Ousmane Sonko a eu l’intelligence de dire qu’il ne leur «impose rien» mais qu’il fallait que chacun fasse un effort pour soulager les populations. Ce que tous les acteurs étaient prêts à faire. Mais, hélas, les choses ne sont finalement pas passées comme prévues.
Quoi qu’il en soit, l’Etat devra sortir une autre corde de son arc pour éviter aux Sénégalais des jours tristes comme un jour sans pain. Et cela ne passerait sans doute que par des hausses de salaires, de l’emploi aux millions de jeunes qui ont réalisé la révolution électorale du 24 mars 2024 ou encore un élargissement de la base de l’assiette fiscale.
Charles Gaïky DIENE