Après avoir fait l’essentiel des pays de la sous-région, le Président Bassirou Diomaye Faye a réaménagé son plan de vol. Pour son premier voyage officiel hors d’Afrique, il a ainsi fait escale à Paris. Entre le Sénégal et la France, les relations dépassent le cadre du «je t’aime, moi non plus» en vogue chez les jeunesses africaines quelque peu déboussolées par le rapport perdant avec l’ex-puissance coloniale. Ces relations sont historiques et fondées sur une dette de sang que nos ancêtres ont consentie pour ceux des Gaulois en faveur d’une France libre. Voilà, pour le côté cour.
Pour le côté jardin, c’est une relation économique intense fondée sur de lourds investissements faits par des multinationales françaises sur le sol sénégalais. Il est clair que les entreprises, ce ne sont pas de bons samaritains encore moins des Mères Thérésa. Si elles mettent leurs billes quelque part, c’est bien pour faire du profit. Mais, au bilan coût-avantages, le Sénégal ne perd pas au change. Ce sont des pères et des mères de familles qui sont employés par ces entreprises à qui elles distribuent salaires et autres avantages. Lesquels salaires et avantages participent à la création de la richesse nationale. Selon les données du Trésor public français, le Sénégal est le 56ème client de Marianne, dans le monde, et le 3ème en Afrique, derrière l’Afrique du Sud et la Côte d’Ivoire. En 2022, notre pays était le 18ème fournisseur de la France en Afrique subsaharienne. C’est dire simplement qu’un tel «pont» économique ne peut être détruit au nom d’un souverainisme que d’aucuns revendiquent sans y mettre un contenu précis. Même si elle est drapée du sceau d’une visite de travail -sommet du Gavi sur la souveraineté vaccinale- la visite du jeune et nouveau Président sénégalais confirme l’adage gaullien qui veut que «les Etats n’ont pas d’amis, ils n’ont que des intérêts». L’essentiel, aujourd’hui, n’est pas de voir en la France le colon qu’elle fut mais le partenaire qu’elle est devenue. Le plus important, ce n’est pas de continuer à pleurnicher sur les siècles de colonisation qu’aucun homme providentiel ne peut effacer mais de tirer le maximum dans la relation, au profit du Sénégal et des Sénégalais. Encore une fois, il ne s’agit pas de renégocier un contrat avec Total, avec Orange ou Eiffage par souci cosmétique ou de satisfaire des velléités panafricanistes.
Sa première visite hors du continent, Macky Sall l’avait réservée à la France. Ce qui n’était pas une mauvaise chose en soi vu le volume d’échanges économiques et culturels entre nos deux pays. Ce qui avait été critiqué, c’était le moment choisi. En effet, moins de deux semaines après son élection, le successeur de Wade arrivait à Paris en pleine transition. Sarkozy, en fin de quinquennat, n’avait pas, devant François Hollande, la faveur des sondages. La bienséance protocolaire n’avait pas voulu que, en ce moment incertain dans sa politique intérieure, le nouveau Président sénégalais pose pied en France. Douze ans après, plus de deux mois après son arrivée au pouvoir, le Président Diomaye Faye s’est rendu en France, non pas dans le cadre d’une visite d’Etat mais de travail. Et là, peu importe les concepts diplomatiques et le contexte né de la dissolution de l’Assemblée nationale française. L’essentiel est qu’il s’y est rendu, a rencontré son hôte -non pas qu’il lui a «accordé un entretien», selon le malheureux écritel du site de la Rts. Et pour leur premier échange, les deux chefs d’Etat ont exprimé leur volonté «de donner une nouvelle impulsion au partenariat entre le Sénégal et la France, fondé sur un respect mutuel, un partenariat équilibré au service des intérêts réciproques des deux peuples, unis par des valeurs démocratiques partagées, par un lien humain et une relation d’amitié». Tout le reste – qui a salué le premier ? Qui a posé sa main sur celle de l’autre ?, la qualité ou la couleur de son costume – n’est, comme disait l’autre, que pipi de chat.
Par Ibrahima ANNE