Ce charmant pays est assurément à nul autre pareil avec ses particularités, paradoxes et contradictions que l’on ne trouve nulle part ailleurs dans le monde qu’au Sénégal. C’est d’ailleurs ce qui fait son charme avec cet art de déconstruire les pensées les plus hermétiques qu’on ne trouve que chez nous. A peine 21 jours depuis la formation du gouvernement et ça commence à râler avec des jugements de valeur qui nous paraissent vraiment surréalistes. 21 jours ! Bien maigre pour dresser le bilan d’un gouvernement dont le Premier ministre n’a pas encore délivré sa déclaration de politique générale et alors que des centaines de postes de direction d’établissements publics restent à pourvoir. Alors aussi que les ministres n’ont même pas fini de constituer leurs cabinets. Et le Président lui-même d’ailleurs tandis que des satrapes de l’ancien régime sont encore partout aux commandes.
Ces contempteurs du nouveau pouvoir avaient trouvé trop famélique la présence féminine dans l’attelage gouvernemental pendant que d’autres dissertaient sur le statut matrimonial de Seugn Bass et Oscar Sierra. Des intellectuels dont on ne doute point de la rigueur avaient même publié une tribune pour s’en désoler appelant à l’application de la parité qui nous a donné à l’Assemblée nationale des calamités du genre Coura Macky. Ils ergotent également sur une promesse électorale qui consisterait à faire des appels à candidatures pour certains postes comme si ça peut se faire d’un coup de baguette magique sans au préalable mettre en place de procédures, sélectionner des cabinets (qu’il faut bien payer alors que les nouvelles autorités ne disposent même pas encore de leurs budgets !), rédiger des termes de référence etc. Y en a également qui sont allés ouvrir des caniveaux pour disserter sur la vie privée de nouveaux promus. Qu’ils soient homos, athées ou alcooliques, coureurs de jupons ou moines, on s’en fiche royalement dès l’instant que ce sont des résultats qu’on attend d’eux. Et tant qu’ils ne font pas de tort à la communauté, on se fiche de leurs inclinaisons. Confidence pour confidence, nous on préfère un ministre ou directeur général « saï-saï », aimant les meufs comme nous, levant le coude ou mécréant s’il le veut, pourvu qu’il soit compétent et intègre, travailleur et faisant des résultats, à un dirigeant rat de mosquée ou imam, bon musulman comme on dit, mari modèle et tout ce qu’on voudra, mais incompétent et laxiste avec les finances publiques ! Car il ne s’agit pas d’une désignation d’imams mais de nommer de bons managers pour sortir ce pays de sa situation déplorable. Seugn Bass a la légitimité octroyée par le peuple souverain de nommer aux emplois civils et militaires qui il veut, de s’appuyer sur des hommes (et des femmes, pardonnez-nous mesdames les féministes !) qui lui paraissent dignes de confiance. Ce, dès lors que pour ceux qui ont lu le projet, il n’est nulle part écrit qu’il fallait faire recours à un appel à candidatures pour toutes les fonctions. Ce qui, de toute façon, nécessite du temps à être mis en place alors que les urgences sont là aggravées par la racaille de l’ancien régime. Ce doux pays est également le seul au monde où l’on parle de partage de gâteau quand un nouveau président accède au pouvoir et applique ce que les Américains (qui s’y connaissent en efficacité !) appellent spoil system. Ce qui ne peut être une sinécure pour des personnes dont l’ambition est de sonner la rupture pour ne plus jouir de privilèges indus. Cette façon de voir l’exercice du pouvoir, on doit également se l’approprier. Surtout nous autres des médias prompts à considérer toute promotion comme une portion de gâteau reçue. Ce nouveau pouvoir et ses hommes, on les jugera dans quelques mois sur leurs actes. Rien que sur leurs actes et comportements. Tout le reste n’est que bavardage stérile !
Le Témoin