La manière avec laquelle les dossiers judiciaires sont traités au parquet de Dakar n’agrée guère l’ancien Bâtonnier de l’ordre des avocats du Sénégal, Me Mame Adama Guèye. Il l’a fait savoir, hier, lors d’un panel sur la place des droits humains dans la politique pénale du Sénégal. «La règle basique impose à la justice de respecter la loi avant d’aller vers des réformes profondes. L’affaire Alioune Sané est emblématique. Il est en prison au gré du procureur. Juan Branco, interpelé pour des faits aussi graves, a obtenu une liberté provisoire alors qu’il ne dispose d’aucune garantie de représentation. Alors que la condition sine qua non d’accorder une liberté provisoire à un individu, c’est d’abord qu’il présente une garantie de représentation. C’est-à-dire de pouvoir se présenter quand on a besoin de vous», déplore-t-il. L’activiste, par ailleurs coordonnateur du mouvement Y en a marre, a été renvoyé en prison en novembre dernier, suite à un appel du parquet de Dakar contre la liberté provisoire qui lui a été accordée par le juge d’instruction.
Selon lui, Alioune Sané est bien représenté à Dakar. Mais l’avocat Franco-espagnol n’habite même pas au Sénégal. «Ce dernier, soutient-il, n’est même pas localisable». Pour se justifier, d’après Me Mame Adama Guèye, l’ancien Garde des Sceaux avait évoqué l’adage selon lequel la prison est l’exception, la liberté, la règle. «De qui se moque-t-on ? La politique pénale au Sénégal, c’est l’instrumentalisation de la justice pour terroriser des citoyens. On a tendance à mettre en exergue les dossiers de personnalités publiques. Tous les jours, dans les brigades de gendarmerie, des commissariats de police, au niveau des parquets, on pénalise des dossiers qui n’ont rien de pénal pour terroriser de simples citoyens», déplore la robe noire.
Selon l’avocat, on emprisonne des gens pour des dossiers de droits commerciaux. «Tous les jours, des citoyens lambda souffrent. Il y a une pénalisation à outrance de dossiers commerciaux. Nous n’avons plus un Etat de droit. La ligne de rupture a été consommée», constate-t-il. Salif KA