Entre Macky Sall et Ousmane Sonko, l’adversité sur le terrain politique, assimilée par nombre d’observateurs à «une animosité», frise la haine entre deux mastodontes de la scène politique sénégalaise.
Sauf miracle, Ousmane Sonko ne participera pas à la prochaine présidentielle. Son ambition de devenir le cinquième chef de l’Etat s’est heurtée au mûr du Conseil constitutionnel. Son opposition farouche à Macky Sall lui a valu cette déchéance. «C’est une affaire, au fond, devenue personnelle mais plus sur le côté de Ousmane Sonko que de Macky Sall», analyse Serigne Thiam. Cet enseignant-chercheur à l’Ucad affirme que la rivalité entre les deux a fini par atteindre un point de non-retour au regard du discours «jugé violent» de Sonko à l’endroit du chef de l’Etat et la détermination de Macky Sall, quitte à piétiner les textes et règlements, de l’écarter définitivement du jeu politique. «Tout cela est d’une inélégance et ne participe pas à l’amélioration de la démocratie», soutient-il.
Serigne Thiam assimile leur différend à l’opposition entre Mamadou Dia et Senghor. «Mamadou Dia a été condamné jusqu’à même perdre la vue en prison. C’est vrai, les contextes n’étaient pas les mêmes, mais le combat était farouche entre eux et avait dépassé une simple histoire politique», rappelle-t-il.
Analyste politique, Ibrahima Bakhoum voit dans cette adversité une sorte de mépris. Les deux personnes, dit-il, ont mis en avant leurs égos. La radiation de Sonko de la Fonction publique, dit-il, constitue la genèse de leur combat fatal. «Après cela, Sonko s’est engagé en politique et s’est imposé dans l’espace public. Il tenait un discours de celui qui a été agressé dans ses intérêts en tant que travailleur, mais aussi en tant qu’humain, qui prend la résolution de répondre coup par coup», analyse-t-il.
Selon lui, la réplique violente de Macky Sall s’est manifestée dans l’application de la loi alors que les réactions de Sonko se limitent à des attaques contre le système et la mise à mal du régime dans la perception que les Sénégalais peuvent avoir de ceux qui les dirigent. «Il a réussi à réchauffer l’espèce publique alors que l’essentiel de l’opposition somnolait. Si le président avait l’intention, comme il le disait lui-même, de réduire l’opposition à sa plus simple expression, il y en a un qui a refusé de se laisser enterrer. A lui tout seul, Sonko représentait dix leaders en plus et des jeunes très dynamiques dans la communication. Tout cela gênait le pouvoir», décortique-t-il.
Cette rivalité a conduit à une bipolarisation de l’espace politique. «Ce n’est même pas entre l’Apr et le Pastef entre Macky Sall et Sonko. Macky s’est abstenu très longtemps de prononcer le nom d’Ousmane Sonko. C’est une sorte de mépris», souligne-t-il. En silence, souligne Ibrahima Bakhoum, Macky Sall porte une réplique violente par rapport à ses conséquences sur la personne visée.
Salif KA