Chronique de WATHIE
En 1960, lorsque les Français ont accepté de céder leurs bureaux à des autochtones, le Sénégal avait le même niveau de développement que la Corée du Sud et bien d’autres pays qui, en cinquante ans, ont hissé leur Peuple loin des affres de la pauvreté. En dépit de ses immenses ressources naturelles et de sa position géographique hautement stratégique, le pays s’illustre dans une diarrhée verbale incurable et, tel un navire sans capitaine, s’enfonce, chaque jour un peu plus profondément, dans l’obscurantisme, la dépravation. En cause, la gestion des affaires publiques placée sous l’apanage de politiciens dont le patriotisme s’est évaporé.
« Retournement de situation ! Le Président Directeur-général du groupe Wal Fadjri, qui a toujours soutenu que le pouvoir politique ne l’intéresse pas, a changé d’avis. Il est aujourd’hui dans une dynamique de conquête du pouvoir et entend se présenter à la présidentielle de 2019 ». Ce passage introductif d’un article intitulé : « Sidy Lamine NIASSE candidat à la prochaine présidentielle », a failli faire trembler la terre sous les pieds de nombreux hommes politiques. Pendant que certains sénégalais s’en réjouissaient, nourrissant l’espoir que cette annonce se matérialise, beaucoup de ceux qui ont fait de la politique leur métier s’inquiétaient. En moins de 24 heures, le téléphone portable de Sidy Lamine NIASS faillit exploser. Des proches aux agents de renseignements, tous cherchaient à savoir ce qu’il en retournait. Rarement un poisson d’avril n’avait suscité autant de curiosité.
Si cette annonce avait suscité appréhension et engouement, c’est parce que Sidy Lamine NIASS, en plus du patriotisme, incarne trois valeurs fondamentales sans lesquelles un leader ne peut transformer positivement sa patrie.
Il aurait fallu beaucoup de courage pour opérer l’impérieuse déconstruction qui devait suivre la décolonisation ou encore l’indépendance. La reproduction intégrale du système français nourrit le complexe d’infériorité et permet au pays de De Gaule d’avoir une main mise sur les richesses du Sénégal tout en influant sur la façon d’être et de faire des citoyens. « On ne considère que ceux qui sont issus de l’école française. Nous autres arabisants sommes comptés parmi les analphabètes ». Sidy Lamine NIASS, qui faisait cette observation, était persuadé que le Sénégal ne serait indépendant que quand ses citoyens décideront réellement pour eux-mêmes, en fonction de leur identité et de leur réalité. Seulement, la Constitution, l’hymne national, l’administration et tous les autres symboles de l’Etat moulus dans les escarbilles de la colonisation ont fini par faire du Sénégalais un citoyen autochtone vivant dans un Etat étranger. Pour avoir refusé d’être le complice d’un tel système, Sidy Lamine NIASS s’est toujours érigé en opposant des pouvoirs en place. Le courage de s’isoler, de refuser d’entonner le refrain émanant de la clameur populaire, est une caractéristique du visionnaire qu’il était. Certains se rappellent encore de l’arrivée chevaleresque de Cheikhou Chérifou au Sénégal où le tapis rouge lui a été déroulé. Le fondateur du groupe Wal Fadjri était l’une des rares si ce n’est la seule voix à s’élever contre ce qu’il qualifiait d’imposture. La sourde oreille qui avait été tendue à ses mises en gardes est la même qui n’a pas voulu entendre quand il prévenait contre les abus de pouvoir de Macky SALL. Les suites sont connues.
«C’est triste ! Tout le monde s’est tu. Personne ne réagit. Aucun guide religieux ne se prononce sur la situation actuelle du pays. Ils évoquent ce que le Président (Macky SALL) a fait dans les foyers religieux comme la construction de grandes mosquées, de maisons, etc. Qu’il enlève tout cela. Nous sommes avec Dieu. Par ces procédés, il tente d’acheter leur conscience. Devant ces choses mondaines, seule la vérité triomphera. Seule la croyance prévaut. Qu’il enlève tout et nous laisse avec nos croyances pour lui dire la vérité. Tous les religieux qui le laissent faire, un jour Dieu les punira». Sidy Lamine ne manquait pas non plus de courage quand il fallait dénoncer le silence coupable des guides religieux qui se prélassent dans le luxe pendant que la majorité patauge dans la misère.
Mais le courage, Sidy Lamine ne l’avait pas que devant les caméras et les micros. Depuis Valdiodio NDIAYE et Cie, personne n’avait plus organisé une manifestation à la place de l’Indépendance. Le 19 mars 2011, une date symbolique, il mobilisait, en dépit de toutes sortes de pression, des milliers de personnes dans cette place mythique pour dénoncer la gestion despotique du pouvoir. Une forte mobilisation avait donné le courage à l’opposition qui quittait les salons pour maintenir la pression sur le régime jusqu’au départ de Me Abdoulaye WADE battu à la présidentielle de 2012. « Sidy Lamine Niass est le pionnier du Mouvement du 23 Juin 2011. Il a déclenché la conscience des Sénégalais pour qu’on puisse aboutir à un changement de régime. Et ce rôle doit être rappelé en cette circonstance», rappelait, dernièrement l’ancien ministre Abdou Aziz TALL.
Au lendemain de sa prise du pouvoir, Macky SALL célébrait la victoire, chantant et dansant au point de faire douter Sidy Lamine NIASS qui commença à prendre ses distances avec l’opposant qu’il avait pourtant assisté à plusieurs niveaux. Et quand le nouveau président s’est engagé dans un chemin autre que celui que le leader de l’APR avait montré, le fondateur du groupe Wal Fadjri a refusé de fermer les yeux, préférant subir l’ire d’un revanchard. «On n’a pas élu le chef de l’Etat pour qu’il utilise la Justice pour en faire ce qu’il veut. Ce n’est pas normal. On doit l’arrêter avant qu’il ne soit trop tard. En 2012, il avait promis un mandat de 5 ans, lorsqu’il serait élu. Il est revenu sur sa décision en 2015, sous prétexte que la Constitution ne lui permet pas de le réduire. Il ne respecte pas les Sénégalais, il ne tient pas ses promesses», martelait Sidy Lamine NIASS lors d’un Gamou de Kouthiery à Kaolack. C’est avec cette même virulence qu’il a condamné les contrats pétroliers que Macky SALL a octroyés à FranK Timis en passant par son frère dont il rappelait le passage à WalfQuotidien en tant que pigiste. Ces ressources naturelles, qu’il percevait comme un don de Dieu, une réponse aux nombreuses prières formulées par les nombreux religieux, devraient sortir les Sénégalais de la pauvreté. Sa réaction a été à la hauteur de sa désillusion quand il apprit que le Sénégal n’en toucherait que des miettes. Sans un groupe de presse tel que Wal Fadjri, sa voix s’insurgeant contre une telle traitrise aurait du mal à résonner. Mais, 30 ans plus tôt, il avait vu l’importance que pouvait revêtir un groupe de presse dans un pays où les sans voix sont déconsidérées.
Dans ce pays où les mentalités sont formatées dans le « masla » (l’hypocrisie) qui fait loi, où dire la vérité devient de plus en plus répréhensible, il aurait fallu Sidy Lamine NIASS, courageux, intègre et visionnaire, non pas pour dénoncer – comme beaucoup qui s’écrient : “si Sidy était là” le suggèrent – mais à la tête de l’Etat, pour redresser la barre. Seulement, comme le disait Cheikh Ahmed Tidiane NIASS Oumayma, « c’est quand Sidy Lamine est parti qu’on a su… ».
Mame Birame WATHIE