Aux alentours de la grande mosquée de Touba et dans certains endroits, des médicaments de la rue et des produits des tradi-praticiens s’achètent comme des petits pains. Un tour effectué dans ces lieux ce 27 septembre 2021, date de la célébration du départ en exil de Cheikh Ahmadou Bamba, a permis d’établir ce constat.
Des marchandages par ci et par là synchronisent avec le vacarme des pèlerins, des haut-parleurs des marchands ambulants et des sons de xassaïdes. On est aux alentours de la grande mosquée de Touba, en cette journée de célébration du départ en exil de Cheikh Ahmadou Bamba Mbacké, fondateur de la confrérie mouride. L’atmosphère, au-delà de l’aspect spirituel, renvoie au marché Sandaga de Dakar. Ici, des tabliers remplis de médicaments et des produits de guérisseurs traditionnels pullulent à côté d’expositions religieuses à savoir la vente d’exemplaires de Coran, des chapelets, des bonnets, etc. «S’il vous plait, ne gâchez pas mon business», se lamente un tablier entouré de clients. Un instant, après le départ de ces derniers qui se sont procurés plusieurs articles, il fait signe : «Certains clients ne veulent pas la présence de personnes inconnues à leurs côtés. C’est pourquoi je vous ai demandé de vous éloigner. Ce sont des médicaments, mais la majeure partie est constituée de produits aphrodisiaques, des comprimés très prisés», laisse entendre un marchand sous le couvert de l’anonymat.
A quelques mètres, aux abords du mur de l’ancien cimetière, sont installés trois autres étals. A deux pas, un policer régule la circulation. Ces derniers, sans gêne, écoulent en toute impunité leurs médicaments. Sur les tables, sont étalées des tablettes de paracétamol, de «vitatifs», des remèdes pour le rhume, etc. Agé d’une trentaine d’années, Moussa Diop qui ressent des douleurs et une migraine, est venu se procurer un médicament. Avec un ton taquin, il déclare: «Avez-vous des médicaments pour la fatigue et la rhume à bon prix ?». Son interlocuteur répond par l’affirmative. Quelques minutes de marchandage, le jeune homme, satisfait, reprend son chemin. Non sans manquer de s’intéresser à notre sujet. «J’ai acheté à 500 francs Cfa la tablette de médicaments pour rhume. J’ai acheté le pot contenant 10 comprimés ‘Vitafit’ à 1 500 francs Cfa. Ce sont des médicaments efficaces pour soulager de la fatigue», confie-t-il. Avant d’ajouter : «Il n’y a aucun risque. Les gens nous font croire des conneries. Les médicaments coûtent chers dans nos pharmacies». Interpellé sur la notice que lui aurait administrée son vendeur, il soutient qu’il est habitué des médicaments de la rue. Et que tout dépend de la douleur qu’il ressent. Alors que sur les deux boites contenant les comprimés, il est bien mentionné: «Pour un soulagement rapide de maux de tête, fièvre, des douleurs, le rhume et la grippe». Une ressemblance qu’il minimise. L’essentiel, pour lui, c’est qu’il soit guéri. Le reste, il s’en moque. «Ce n’est pas mon problème. En tout cas, j’ai toujours été satisfaits», déclare-t-il.
Sur la rue 28, ils sont 09 vendeurs de médicaments à ériger leur place aux trottoirs. Sur leurs tables, des tablettes d’aphrodisiaques sur lesquelles sont estampées des images d’un homme et d’une fille en câlins, occupent le plus grand espace. «Je n’ai pas l’habitude de parler dans les médias parce que je ne suis pas en règle. N’empêche, je peux t’indiquer les différents médicaments sur ma table. Les aphrodisiaques sont les plus prisés», promet un vendeur établi sur cette rue 28. Sur son étal, explique-t-il, il y a des tablettes de «Viengray», Puregrey-100, Super Gaïndé, Cobra 150, etc. Tous ces produits sont destinés à renforcer la puissance sexuelle. Seulement, ce jeune ne prend pas le risque de donner à ses clients la notice. A ses côtés, un adulte marchande des paracétamols et de la tétrahydronaphtalène. Mais, au finish, il repart avec une tablette de «Viengray» acquise à 500 francs Cfa. Quelques minutes, un autre individu pointe. En cachette, il se procure 5 tablettes du même produit à 450 francs Cfa l’unité. En allant vers Guy Mind, à 20 mètres de la grande mosquée, dans un coin trop fréquenté par des jeunes filles et garçons, des tradi-praticiens sont les vedettes. Ici, sont vendus des remèdes aux problèmes de vision, des maux de tête, de ventre, du ballonnement, les hémorroïdes, etc. Encagoulé d’un turban, un individu assis sur une natte, utilise un haut-parleur pour attirer l’attention du public. «De la poudre qui soigne des maux de tête, de ventre, soulage la fatigue, etc.», répète la bande sonore enregistrée. A côté, un autre se rabat sur une autre stratégie pour appâter des gens. Lui, son spécialité, c’est l’éjaculation précoce et la fécondité. Sur sa natte, avec un ton qui frise le langage d’un voisin des pays de la sous-région, il tient deux sachets de poudres différentes. Il est assisté par un soi-disant interprète. Les produits sont échangés contre 2 000 francs l’unité. C’est à utiliser pendant une semaine pour se départir des maladies citées. Du côté du public, certains émettent des doutes sur l’efficacité des produits, d’autres y croient. «Je suis venu pour suivre, mais je n’achète pas. Une seule poudre ne peut pas tout soigner», confie un spectateur.
Salif KA