CONTRIBUTION
Ainsi donc, nous avons été informés depuis le pupitre de l’Assemblée nationale que le Sénégal faisait face à une menace imminente qui à elle seule devrait suffire à justifier la nouvelle loi anti-terroriste du gouvernement.
L’Honorable Cheikh Tidiane Gadio nous dit qu’il sait qu’il y a des terroristes au Sénégal imbriqués dans des cellules dormantes. L’Honorable est même au courant des intentions de ces criminels : commettre des attentats. Et il a identifié les cibles à savoir les mausolées de nos dignitaires religieux. Tout cela déclamé avec aplomb en face du ministre de la Justice venu défendre un projet de loi sur la lutte contre le terrorisme.
Question aux juristes ? Dans notre code pénal, il doit bien y avoir une disposition qui réprime la rétention d’information. Surtout lorsqu’il s’agit d’un crime violent en préparation par une “bande de malfaiteurs” (par exemple non-signalement ou non-dénonciation de crime) ?
L’Honorable Gadio en bon législateur maîtrisant le Code pénal a donc dû fournir au préalable toutes ces informations aux autorités compétentes. N’est-ce pas M. le ministre de la Justice ?
Les services de sécurité sont donc proprement informés et diligentés et ces réseaux sont en passe d’être démantelés et présentés au public. L’Honorable pourra alors nous sermonner “je vous l’avais dit. Heureusement que j’ai été écouté”. Il rejoint la Coalition mondiale contre le terrorisme (Hey Américains vous m’entendez ?!). Mais l’a-t-il fait ?
L’Honorable député a-t-il déjà partagé toute l’information à sa disposition avec les services de sécurité ? S’est-il assuré qu’il pouvait faire cette révélation au public sans nuire à l’efficacité de l’enquête ? Donnons-lui le bénéfice du doute : il a informé qui de droit.
Mais… nous sommes au Sénégal, le pays du verbe. Imaginons un instant qu’il n’ait pas insisté auprès du Procureur pour qu’on ouvre une information contre X. Ou que devant sa réticence (pourquoi ?), il sente qu’il est de son devoir d’informer la population sénégalaise. Si l’objectif était d’alerter par rapport au manque de réactivité des forces de défense, alors il aurait dû nous donner plus d’information.
Mais peut-être qu’il ne leur a même pas parlé. Peut-être que les informations ne sont ni précises, ni crédibles, ni fiables. L’Honorable député sait que de telles affirmations si répétées en dehors de l’hémicycle sans preuve tombent sous le délit (ou crime, je ne sais plus) de diffusion de fausses nouvelles …destinées à semer la peur (=la terreur) dans l’esprit des populations.
Pourquoi vouloir semer la peur ? Pour que nous allions tous nous rallier derrière le commandant en chef, protecteur en chef ? Pathétique !
Et ce, quitte à semer une ou deux bombes ? Sans hésiter, l’Honorable nous tancerait alors « je vous l’avais dit. Mais je n’ai pas été écouté ».
Imaginez l’aubaine. Une bombe attire l’attention de la presse internationale, à la seconde détonation, les équipes de presse débarquent en anticipation de ce qui va suivre. Surtout les médias américains (vous avez dit terrorisme ?). Mais du pain bénit pour le nouveau M. antiterrorisme Afrique (Hello America, m’entendez-vous ?).
Tout cela relève de la spéculation basée sur des informations publiques non vérifiées à date. En tout état de cause, le ministre de la Justice était présent et représentait le gouvernement du Sénégal. Il n’a pas démenti le député ni confirmé ou infirmé ses dires ! Mais vis-à-vis de nous, populations sénégalaises, le ministre de la Justice nous doit des réponses précises :
1. Étiez-vous au courant de cette affaire ? Le Procureur a-t-il déjà ouvert une information contre X et convoqué le député pour l’entendre sur cette menace grave qui pèse sur nous ? Quelles dispositions ont été prises pour éliminer la menace ? Aviez-vous confirmé au député qu’il pouvait révéler son information au public ?
2. Si vous n’étiez pas au courant : pourquoi ? Quelles dispositions allez-vous prendre maintenant pour faire face à cette menace précise ?
On rejoint la coalition mondiale contre le terrorisme ? Soyons sérieux.
Pierre SANE