Malgré la pandémie de la Covid-19 qui paralyse le monde, la 8e édition du Forum global sur la nicotine (Global Forum on Nicotine), qui s’est tenu cette année à Liverpool les 17 et 18 juin, a connu un immense succès.
Cette 8e édition du cycle de conférences sur «l’Avenir de la nicotine» qui n’était pas en présentielle a tout de même enregistré la participation de 1 100 inscrits venant de 87 pays pour écouter 30 conférenciers. A l’issue de ces deux jours de débats, Gerry Stimson, professeur au Imperial College de Londres, a déclaré sa satisfaction et son optimisme : «Ce que j’ai vu et entendu ces deux jours sont encourageants. J’ai l’impression que nous sommes sur la bonne trajectoire. Les consommateurs du monde entier sont au courant qu’il y a des opportunités offertes par des produits avec une façon de consommer la nicotine plus sûre et que les innovations qui sont sur le marché vont rendre obsolète la cigarette à combustion. La question est comment accélérer le processus vers les politiques de réduction des risques liés au tabac pour atteindre tous les fumeurs partout dans le monde et le plus rapidement».
Cet optimisme du Professeur Stimson se fonde sur le fait que l’idéologie recule de plus en plus devant la science. Ce qui permet d’espérer un dialogue plus sain moins dogmatique et passionné entre les responsables de santé publique et ceux qui veulent réduire les risques liés au tabac car au fond ils ont le même objectif : faire disparaître à moyen terme la cigarette à combustion, responsable de millions de morts chaque année alors que les alternatives comme le tabac chauffé permettent de réduire drastiquement le nombre de morts et les maladies liées au tabac.
Ces alternatives sont devenues une urgence de santé publique, surtout pour les pays en développement. Car, selon l’Organisation mondiale de la santé (Oms) le nombre de fumeurs en Afrique a augmenté de 73 millions en 2018 alors qu’il était de 64 millions en 2000. Et 80 % des consommateurs qui utilisent les cigarettes viennent des pays en développement. C’est pourquoi le Kenyan Joseph Magero, Président de Campagne pour des alternatives plus sûres, une organisation régionale pour l’adoption des politiques de réduction de risques liées au tabac en Afrique, pense que «le premier challenge est de rendre disponible les alternatives et le deuxième est de lutter contre la désinformation et le manque de recherche car il n’y a simplement pas de recherche sur ces produits en Afrique».
Les pays émergents comme l’Inde sont aussi confrontés aux mêmes problèmes. Selon Sree Sucharita du Tagore Medical College and Hospital, à Chennai (Inde), «le premier obstacle à la politique de réduction de risques liés au tabac est le manque de volonté politique dans un pays où il y 300 millions de fumeurs et le deuxième problème est le manque de sensibilisation sur ces politiques et sur les alternatives existantes. On rate ainsi une occasion pour sensibiliser les populations sur les opportunités qui s’offrent à elles». Ce défaut de sensibilisation de la part des pouvoirs publics et la présentation caricaturale de l’industrie de tabac empêchent un grand nombre de consommateurs à aller vers les alternatives.
David Sweanor de l’Université d’Ottawa pense, lui, que «le chemin le plus simple pour encourager les pays émergents à aller vers des campagnes de réduction des risques liés au tabac est d’arrêter d’interdire les alternatives lorsque même l’Oms ne le leur exige pas, comme en Inde. Ces pays ont un immense potentiel en terme de marché et toute personne qui pense que les nouvelles technologies auront du mal à y pénétrer devrait prendre l’exemple des smartphones».
Les conférenciers ont aussi insisté sur la nécessité d’arrêter d’opposer mécaniquement profit et santé. Les deux peuvent coexister et même être complémentaires en termes d’objectif commun. Une grande entreprise comme Philip Morris International (Pmi) est en train de faire sa révolution pour atteindre l’objectif d’un monde sans fumée. Et les chiffres prouvent sa détermination car Pmi tire aujourd’hui 30 % de ses revenus dans la commercialisation des produits non combustibles. Et ce chiffre était en deçà de 1 % et l’objectif est d’atteindre 50 % en 2025. La science qui est à l’origine des alternatives et les chiffres sont souvent d’une clarté brutale contre l’idéologie.
Seyni DIOP