Sant Yaala, Al hamndoulilah, Dieu soit loué ! Vous soufflez ce 20 mars vos cent ans aujourd’hui ! Al hamndoulilah ! Notre Seigneur (Soubhaanahou wa Tahalaah) ne l’a pas accordé à tous les êtres humains !
Pour ma part, j’avais sollicité de notre Seigneur, pouvoir fêter avec vous, votre centenaire lors de la célébration de vos 90 ans en 2011 ! Il a exaucé cette prière ! Je l’avais d’abord signé dans son livre d’or le 14 mars 2011 en ces lignes : «C’est un honneur pour moi de participer au Comité pour la célébration des 90 ans du Doyen Amadou Mahtar Mbow. Il mérite qu’on lui consacre notre temps, beaucoup de notre temps. Je souhaite vivement que nous célébrions un jour et avec lui, la fête de son Centenaire. C’est un homme de convictions, de défis qui a servi le monde de la Culture de l’Education et de la Communication. Nous lui devons beaucoup. Le Sénégal et l’Afrique ont encore besoin de lui. C’est un Citoyen du Monde».
Ensuite, j’avais aussi formulé les mêmes prières en ces termes à l’Amphithéâtre Ucad II de l’Université dans mon témoignage, en sa présence, celles de membres de sa famille, celles de beaucoup de personnalités dont les regrettés Amath Danskho, Babacar Touré, Abdoulaye Bara Diop. Il y avait aussi Mamadou Lamine Loum, Ibrahima Fall, Albert Bourgi etc. Encore en ces termes : «Maintenant, je me tourne vers vous jeunes de mon pays et de mon continent. Choisissez Amadou Mahtar Mbow comme modèle pour que sa vie soit la lanterne qui éclaire les sentiers sinueux de ce monde incertain.»
Jeunes d’Afrique et du Sénégal, choisissez cet homme comme icône. Il n’est pas un vieux de quatre-vingt-dix ans. Non ! C’est un jeune de quatre-vingt-dix berges parmi vous. Et vous, Monsieur Mbow ! Vous avez quatre-vingt-dix ans, votre démarche a quatre-vingt- dix ans ; votre frêle silhouette a quatre-vingt-dix ans. Cependant, votre patriotisme refuse de vieillir, votre ambition pour le Sénégal refuse de vieillir, votre foi refuse de vieillir, votre sourire refuse de vieillir. Nous souhaitons nous retrouver en 2021 avec vous, votre épouse, vos enfants et petits-enfants, ainsi que leurs enfants pour célébrer avec plus de «bonheur» et d’«allégresse», votre centenaire. Happy birthday to you. Joyeux anniversaire, Cher Doyen».
Amadou Mahtar Mbow est né le 20 mars 1921 à Louga. Il est entré d’abord à l’école coranique en 1927 puis trois ans plus tard, à l’école française où il obtint son certificat d’études primaires. Ensuite, il est admis au cours commercial à Dakar et réussit au concours des jeunes commis. C’est exactement en 1936. En 1939, début de la seconde guerre mondiale, il est mobilisé et s’envole en Europe. 1945, à la fin de la guerre, il décida de rester en France et de préparer le baccalauréat, puis de poursuivre des études à la Sorbonne à Paris. Après cela, il obtint une licence d’histoire et le Certificat d’Etudes Supérieures de Géographie des pays tropicaux (Capes). En 1951, il est nommé professeur au collège de Rosso en Mauritanie pour deux années, puis est appelé au Sénégal où il a créé et dirigé le service d’éducation de base pour le Sénégal et la Mauritanie. Amadou Mahtar Mbow, s’est fait connaître par ses premiers textes sur l’éducation de base publiés dans l’Education Africaine.
Avant d’être auteur de plusieurs manuels scolaires plus tard, il a enseigné au lycée Faidherbe de Saint-Louis, à l’école normale supérieure ainsi qu’au Centre supérieur de pédagogie de Dakar où il a eu en charge la formation des professeurs d’histoire et de géographie de 1964 à 1966.
Après les indépendances des pays africains, il a participé aux travaux des commissions chargées de la réforme des programmes scolaires : en 1965, il a présidé la conférence des experts chargés de proposer la réforme des programmes d’histoire et de géographie des États francophones d’Afrique noire et de Madagascar.
Nous lui devons cet hommage pour services rendus à plusieurs reprises à la nation, mais aussi à l’Afrique, au tiers monde et à toute la communauté scientifique internationale. Amadou Mahtar Mbow a marqué son époque, ces derniers trois quarts de siècle grâce à un combat mené et gagné sur plusieurs fronts.
Il fut la seconde personnalité ressortissante d’un pays du tiers monde, après le mexicain Jaime Torres Bodet, à être à la tête d’une des plus prestigieuses organisations onusiennes, en l’occurrence l’Unesco. Il fut aussi le premier musulman à occuper une pareille fonction. Et comment ?
Dès son arrivée à la tête de cette organisation, son premier challenge a été de rétablir le déséquilibre concernant la présence des pays africains dans les sphères de décision de l’organisation par rapport aux pays développés. Ensuite, au sein même de l’institution, il a promu la gente féminine qui était sous représentée et qui avait des compétences indéniables. Il y a lieu de rappeler ici le combat contre l’analphabétisme dans les pays sous-développés, salué régulièrement, plusieurs années durant et à juste titre par les principaux occupants du Saint Siège, Pape Paul VI et Jean Paul II.
Les treize années qu’il a eues à passer à la tête de l’organisation (de 1974 à 1987) et avec toutes les difficultés du monde (période de la guerre froide) lui avaient permis de rendre attractive cette organisation. Entre autres actions, il a soutenu avec l’Oua, tous les mouvements de libération qui existaient à l’époque tels l’Anc, le Frelimo, la Swapo et auparavant sous Senghor, le PAIGC à côté de chez nous.
A la suite, en dénonçant l’hégémonie des puissantes agences de presse de l’époque, il finira par mettre en place la fameuse commission Sean Mac Bride pour s’attaquer au déséquilibre du partage de l’information entre le Nord et le Sud. Le Nomic (Nouvel Ordre Mondial pour l’Information et la Communication) vient de bouleverser la donne. N’a-t-il pas eu raison aujourd’hui ? Oui, l’accès à l’internet est le meilleur exemple de la démocratisation de l’accès à l’information dans le monde.
Après la fin de sa mission à l’Unesco, après quelques années passées au Maroc, comme membre de l’Académie Royale, il revient au Sénégal où il méritait une retraite dorée. Mais non, la situation de son pays l’en a empêché.
Une large frange de l’opposition d’alors et de la société civile, sollicitèrent de lui la conduit des Assises nationales pour redresser la barre du «bateau Sénégal» d’alors. Ce ne fut pas facile. Avec un comité de pilotage présent partout au Sénégal et dans la Diaspora, il releva avec méthodologie et tact le défi au moment où ce n’était pas évident à cause du régime de Wade qui faisait feu de tout bois.
Quelques mois plus tard, si tout le monde a salué le gargantuesque combat citoyen mené par le Mouvement des Forces Vives de la nation (M23) pour se départir du mandat de trop de Abdoulaye Wade, il y a lieu de rendre fortement hommage et aux Assises nationales et à celui qui les majestueusement incarnées au plus haut niveau.
En effet, je suis formel : plus des 4/5 des organisations et personnalités qui ont participé au combat du 23 juin 2011 sont toutes issues des Assises nationales.
Et sans le M23, serait-il possible à Macky Sall d’accéder au pouvoir ? Personnellement, je peux le jurer.
A la demande du président de la République, il avait achevé avec brio, à la tête d’une commission formée de sommités intellectuelles du pays, une proposition de réformes de nos institutions. Les Sénégalais attendent encore que la mise en œuvre de ses conclusions ainsi que les fortes recommandations des Assises nationales soient mises en œuvre. Dans tous les cas, il avait relevé ces défis avec panache. Entouré par une équipe de très belle facture, il avait fait et bien fait le travail. Un travail qui ne mérite pas d’être enterré dans les méandres de l’histoire.
Ces deux phases de notre vie politique démontrent une fois de plus qu’il existe bel et bien «l’exception sénégalaise». En donnant son nom à une grande université, un nouveau temple du savoir et de la recherche, Son Excellence Monsieur le Président de la République, lui avait offert un beau cadeau d’anniversaire lors de ses 93 ans, en 2014. Pour ceux qui ne le savent pas encore, il va souffler il souffle, ce le 20 mars 2021 prochain, ses cent ans.
Son Excellence avait fait ce geste certes au nom de la nation, mais il l’avait fait pour sa famille, pour tous ceux qui ont pu bénéficier de ses enseignements, mais surtout pour les millions d’êtres humains qui l’ont choisi comme modèle. Il l’avait fait aussi pour montrer à la génération actuelle, aux générations futures qu’il existe des hommes de référence, des modèles, des repères qui orientent et guident sur le droit chemin et sur l’engagement vers l’excellence dans tous les domaines. Il l’avait aussi fait à cause du leadership qu’il a toujours incarné, du don de soi dont il a fait montre pour tout ce qui touche l’éducation, la formation et la communication. Dans son allocution, lors de la sortie de la dernière promotion de Lead Africa qui porte son nom, Amadou Mahtar Mbow avait déclaré ceci devant les jeunes : «Même si vous optez pour devenir maçon, faites tout pour devenir le meilleur des maçons.» Quelle belle approche de la notion de leadership! Et il a eu à pratiquer cela pour avoir toujours excellé dans les domaines qu’il a embrassé. Cela a été confirmé par son ami et ancien collaborateur, aujourd’hui disparu (Que le Seigneur l’accueille dans son paradis céleste), le doyen Souleymane Ndiaye lors de son témoignage à l’occasion de la commémoration de ses 90 ans à l’amphithéâtre de l’Ucad II : «Amadou Mahtar Mbow prêche plus par l’exemple que par la parole».
«Je prends congé de vous parce que, désormais, je suis le citoyen de chacun de vos pays, et le serviteur de la totalité de vos Etats», telle est aussi une des phrases, pleine de sens, dans son allocution, prononcée lors de son installation à la tête de l’Unesco en 1974, à l’endroit des pays qui avaient porté sa candidature. Il venait de remplacer, après un plébiscite historique, le français René Maheu à la tête de l’institution en 1974. De l’éducation de base qu’il a conduite en début des années cinquante (50) à partir de Saint Louis dans plusieurs contrées du pays avant l’indépendance jusqu’à la remise du rapport de la Cnri en février 2014, il a toujours été un homme de défi. Homme de science et grand visionnaire, il n’a cessé d’œuvrer pour la promotion de la paix dans le monde. Dans la citation qui suit, autant il y a démontré les progrès miraculeux de la science, autant il a mis en garde l’humanité contre sa mauvaise utilisation. «La menace n’est pas moindre – même la paix assurée – si l’on ne sait user avec sagesse du pouvoir que donne la science. La puissance de calcul et d’investigation de l’homme est aujourd’hui multipliée au point qu’il peut se pencher sur l’étude de l’infiniment petit comme de l’infiniment grand. Qu’il pénètre dans les mystères de la transmission génétique, ou qu’il se dégage de l’attraction terrestre pour explorer l’espace cosmique, qu’il progresse dans l’étude du microcosme grâce au partage de ce qui, hier encore, paraissait indivisible, ou qu’il se lance dans la conquête du macrocosme, l’homme semble bien être au seuil d’une nouvelle époque, comme si deux siècles de progrès de la science confluaient aujourd’hui pour l’arracher à toutes les servitudes de sa condition».
Parcours exceptionnel
Il est une figure emblématique de la science, de la recherche et de la culture. Plusieurs universités du monde l’ont honoré grâce à son combat permanent pour la promotion de l’enseignement de la science et celle des libertés. Il a eu tous les honneurs et a été élevé à toutes les stations et dans tous les continents. A titre d’exemple, il a reçu les distinctions suivantes :
-42 titres de Docteur Honoris Causa contre 25 pour l’illustre poète et académicien
Léopold Sédar Senghor (excusez-moi de la comparaison).
-37 décorations à travers le monde, contre 11 pour le Président Senghor.
-Une soixantaine de publications dont une trentaine consacrée exclusivement à l’éducation et à la culture.
D’ailleurs, une de ses dernières décorations fut celle tirée de la réserve personnelle de l’ex- président français Nicolas Sarkozy par le biais de son ambassadeur au Sénégal d’alors, Nicolas Normand. Qui dit mieux ?
Il est un exemple achevé de courage et de patriotisme, dès 1940, à l’âge de 19 ans, il s’était engagé comme volontaire dans l’armée. Démobilisé à la fin de la seconde guerre mondiale, avec le brevet supérieur de mécanicien-électricien de l’armée de l’air, il poursuivit ses études, se forma et engagea le combat pour l’indépendance des pays africains, encore sous le joug colonial, avec quelques étudiants africains comme, Abdoulaye Ly, Cheikh Anta Diop, Assane Seck, Louis Béhanzin (descendant et petit-fils de Béhanzin du Dahomey d’alors, actuel Bénin), François Amorin, Noé Kituklui du Togo, Joseph Ki-Zerbo… C’était légitime puisque certains d’entre eux venaient de participer à la libération de la Métropole. Il fut Président de l’association des étudiants africains de Paris, membre fondateur et premier président provisoire de la Feanf. La création du PRA Senegal et le rôle qu’il a joué pour notre accession à l’indépendance ainsi que ses relations en dents de scie avec le Président Senghor, ont démontré à merveille son sens des responsabilités. C’est un homme de vertus. Il fait partie de «immortels» africains, puisqu’il s’est tracé des sillons ineffaçables, indélébiles, partout où il est passé. Ce grand homme, à la fois témoin et acteur de son siècle et père du scoutisme au Sénégal, est entré dans l’histoire. L’histoire, c’est le temps. L’histoire est et demeure le meilleur témoin. Homme de foi et de fortes convictions, Amadou Mahtar Mbow continue de cristalliser toujours des espoirs tant ses avis et conseils issus de ses immenses et sages connaissances, sont recherchés de partout (conférences et séminaires internationaux). Malheureusement une santé fragile et le poids de l’âge l’empêchent de répondre favorablement à toutes les sollicitations dont il est l’objet. Homme de consensus, de dialogue et de symbiose, les futures générations, notamment les étudiants de cette université, n’auront à envier personne, si et seulement si ce bel exemple de probité reste leur référence. Sur ma demande, je vous informe qu’il m’a fait honneur en m’autorisant la réalisation d’un livre-entretien avec lui, d’environ 300 pages. Achevé, il est préfacé par son ami Cheikh Hamidou Kane et il sortira prochainement. For probablement, avant la fin de l’année. C’est en le citant encore que je conclue ce témoignage : «Il n’y a point d’acte sans principe et aucun principe ne peut demeurer pérenne s’il ne s’adosse pas sur des valeurs».
Alla DIENG
Président de l’UFC
(Union des Forces Citoyennes)