Le régime de Macky Sall, avec la nouvelle affaire, qui a conduit Sonko en garde à vue, allonge la liste de ses «victimes politiques», tachant le voile de démocratie dont notre pays se targuait. Des comportements que le leader de l’Alliance pour la République (Apr) qui a subi les contrecoups de la volonté d’Abdoulaye Wade de casser de l’opposant, pour avoir osé défier son régime au nom de la démocratie et de l’état de droit.
La journée d’avant-d’hier a été dramatique à tous les niveaux après l’arrestation de Ousmane Sonko alors qu’elle aurait dû être normale pour la bonne et simple raison que des Sénégalais sont convoqués à longueur de journée par la police, la gendarmerie et les juges. Dans de nombreuses localités du pays, des innocents vont payer des pots qu’ils n’ont pas cassés. Le désastre est immense.
Pourtant, les forces de sécurité, par leur professionnalisme auraient pu canaliser Sonko et ses partisans tranquillement pour aller déférer à sa convocation chez le juge si ce dossier n’avait pas été politisé par chacune des deux parties. La responsabilité du pouvoir dans ce cas d’espèce est entière si on se limite à cette capacité et possibilité de trouver des concessions pour éviter les scènes de chaos visibles hier dans plusieurs localités du pays.
Les partisans et supporters de Sonko qui ont crié dès le début à un complot ourdi par le régime en place pour faire ombrage à un adversaire politique n’ont peut-être pas totalement tort quand on jette un regard dans le rétroviseur.
Karim Wade a été incarcéré en 2014 pour enrichissement illicite et détournements de fonds, toujours contesté par l’accusé. Gracié en 2016 par le président Macky Sall tout en restant condamné à payer une amende, il sera expédié comme un colis, dans des conditions encore ténébreuses, vers le Qatar où il vit sans véritable marge de retour dans son pays. S’ensuivra sa mise à l’écart sans ménagement de la course à la présidentielle de 2019. Là aussi, le Parti démocratique sénégalais ne cesse de crier à un complot orchestré pour se débarrasser d’un concurrent direct.
Dans la liste des victimes de Macky Sall, figure en grands caractères le nom de Khalifa Ababacar Sall. Déchu de son poste de député, l’ancien boss de la ville de Dakar sera placé par la suite dans l’éteignoir de la prison de Rebeuss. L’ancien secrétaire général adjoint en charge des élections au Parti socialiste (Ps) qui affichait des ambitions présidentielles depuis sa rupture avec la coalition présidentielle, Benno bokk yaakaar, ne pourra jamais réaliser son rêve. Pour la même rengaine d’une condamnation à une peine de 5 ans de prison ferme, assortie d’une amende pénale de 5 millions francs CFA, sans dommages et intérêts.
Pourtant Macky Sall n’aurait jamais accepté de revoir ces formes de démarches dont il a subi les contrecoups pour avoir eu outrecuidance de défier le Parti démocratique avec des convocations à la Division des investigations criminelles pour des informations qui sont toujours restées à leur état de rumeurs.
Ces formes d’oubli sont inacceptables dans un Etat qui a acquis ses lettres de noblesse en matière de démocratie, après deux alternances politiques successives. Et c’est pour cette raison que des pans entiers de la société civile et de la classe politique s’organisent aujourd’hui pour faire face.
Thialice SENGHOR