Les Sénégalais s’offrent les masques importés à coût réduit, mais avec beaucoup de risques, faute d’entretien. Cela au détriment des masques, confectionnés par les tailleurs locaux qui souffrent lors de la deuxième vague, parce qu’ils n’ont pas de marché.
Des masques, on en voit à chaque bout de ruelle, dans les grandes artères de Dakar, aux abribus, aux pieds des feux de signalisation… Ceux importés avec leur couleur flagrante de vert d’eau sautent aux yeux. Ils sont la tendance du moment. Ça s’offre en premier à la vue des piétons, passagers… Le cache nez s’arrache comme de petits pains. Les Dakarois doivent trouver de quoi tromper la vigilance du policier, le gendarme qui contrôle le port du masque. Plus en plus de jeunes se sont convertis dans la vente du masque importé qui tire profit de la deuxième vague. Les masques locaux sont quasi invisibles comme si le made in Sénégal a rendu le tablier. «On n’a pas reçu de commandes depuis le début de la deuxième vague», affirme Silèye Ba, secrétaire général de l’Association des jeunes tailleurs professionnels, joint, hier, au téléphone.
Cette désolation va avec la réalité du prix des masques locaux jugé cher par rapport à ceux venus hors du Sénégal. Les masques en tissu made in Sénégal coûte 300, 400 voire 500 francs Cfa alors que l’importé s’offre à 100 francs Cfa, 200 francs Cfa, tout au plus. «Mais vous pouvez l’utiliser plus longtemps», se défend M. Ba qui ne manque pas de jeter le discrédit pour valoriser leurs produits. «Avec le masque importé, normalement, vous devez le changer toutes les trois heures, mais beaucoup ne le font pas. Il y en a ceux qui se permettent de le laver, de le recycler», ironise-t-il, avant d’assurer que les masques locaux sont certifiés au niveau de l’Association sénégalaise de normalisation (Asn). Le manque à gagner est énorme pour les tailleurs sénégalais. «Lors de la première vague, nous avions reçu une commande de 10 à 15 mille masques de la part de la ville de Dakar, des écoles, des donateurs, des entreprises. Mais avec la deuxième vague, nous n’en avons reçu aucune», révèle M. Ba qui plaide pour le soutien renforcé des tailleurs.
Pour sa part, Sadiya Guèye, présidente de la Fédération des couturiers, créateurs associés du Sénégal, plaide pour les produits normalisés des artisans sénégalais. Ce, d’autant qu’elle doute de l’efficacité des cache-nez qui se retrouvent dans le marché sénégalais. Toutes les conditions sont réunies pour que ces masques favorisent la contamination à cause du mode d’entretien. Certains masques sont noircis à force d’être tripotés. Au lieu d’être jetés, ils sont juste recyclés, explique Sadiya Guèye. Par ailleurs styliste, elle plaide en ce sens pour le soutien du produit local qui est fait à 100 % de coton. Le mal est si profond pour les artisans que Sadiya Guèye considère qu’il n’y a pas plus impactés qu’eux, les tailleurs, couturiers et créateurs. Cet impact est accentué par l’absence de marché. «Nous avons reçu 10 millions de francs Cfa de la Der. Ça s’arrête là. Nous n’avons pas entendu aucune autre commande de masques», révèle Mme Guèye qui réitère que ce qui compte, c’est de penser aux artisans sénégalais. De l’avis de Sadiya Guèye, il y a beaucoup de problèmes au sein des foyers des artisans à cause de la crise qu’ils vivent «pendant qu’on nous bombarde de masques qui concurrencent les nôtres au détriment des locaux».
Emile DASYLVA