Le phare qui devait guider sa bonne marche semble avoir déserté ce pays où plus rien ne se pense ou ne se conceptualise. La volte-face de Cheikh Tidiane Mbaye, qui a lâché son «ami» Idy, au Cese, à cause de quelques commentaires sur les réseaux sociaux, prouve à suffisance que nos élites sont en train d’abdiquer. Du coup, ce retrait appauvrit le débat public accaparé par des non-sachants et autres téméraires qui ne cherchent qu’à faire le buzz. Et ce délitement, on risque de le payer cher à l’avenir.
L’élite se coupe de plus en plus du peuple. La copinacratie érigée en mode de gouvernance a poussé les élites, qui doivent éclairer la marche du pays, à ne plus vouloir s’intéresser à grand-chose. Et cela semble arranger certains caciques du personnel politique sénégalais, sauf Idrissa Seck, apparemment. Droit dans ses bottes, le président du Conseil économique, social et environnemental (Cese) semble rester constant dans ses idéaux : toujours s’entourer des meilleurs dans la gestion de la chose publique. Ce qui l’a sans doute poussé à vouloir réunir une task-force assez solide dans sa chambre consultative. Mais, l’affaire vient d’être sabotée par la volte-face de Cheikh Tidiane Mbaye, ancien directeur général de Sonatel, le fleuron national dans le domaine du numérique, secteur de l’avenir pour ce pays. Ce qui confirme le gros problème du pays avec ses élites, puisque certaines compétences s’exilent à l’image du dernier mohican Felwine Sarr, tandis que d’autres comme les Professeurs de Droit Issac Yankhoba Ndiaye et Ndiaw Diouf partent à la retraite. Ce qui n’est pas sans creuser le fossé de fracture éducative citoyenne dont la masse a largement besoin dans son orientation.
Chemin balisé…
En démissionnant, quelques jours après l’annonce de sa nomination, à cause de commentaires désobligeants, le frère cadet de l’opposant au régime de Macky Sall, Abdoul Mbaye, qui avait fait fi des réactions que ce conflit d’intérêt familial pouvait engendrer, fait preuve d’une légèreté manifeste. Non pas parce qu’il a décidé de son plein gré de reconsidérer l’offre d’Idrissa Seck mais parce qu’avec sa posture d’élément de l’élite, il a cédé au chantage de quelques énergumènes cachés derrière leur clavier d’ordinateur pour l’insulter. Et avec ça, tout le mythe autour de l’homme s’effondre. En effet, loin de tout le bien que l’opinion avait sur sa personne, il démontre qu’il pouvait aussi «lâcher». Pourtant, le Sénégal a tout donné à Cheikh Tidiane Mbaye, l’un des rares à avoir réussi à être directeur national à 25 ans au temps où son défunt père, le juge Kéba Mbaye était un homme influent dans le pays. Puisqu’il était le président de la Cour suprême qui avait installé Diouf dans ses hautes fonctions.
Ainsi, ce qui est fondamental dans cette affaire, c’est le manque de courage de M. Mbaye. Car, on ne cède pas à la pression extérieure quelle qu’elle soit quand on est un leader.
Un Abdou Mbow, dauphin…
Si nos élites continuent à se taire sur ce qui est essentiel pour ce pays, elles vont laisser l’espace public à des non-sachants, disponibles pour les médias. Et adieu la qualité du débat public et national, comme à l’Assemblée nationale du Sénégal où un Abdou Mbow est premier vice-président, donc potentiel dauphin du président de la République en cas d’empêchement de Moustapha Niasse. Diantre ! Ce pays d’hommes multidimensionnels, comme Léopold Sédar Senghor et Jacques Diouf qui avait osé se braquer contre la gouvernance de Wade, où vivent encore Mamadou Lamine Loum, Pape Ousmane Sakho, Ibrahima Fall et autres mérite mieux que ça. En dehors de grands Sénégalais comme le chroniqueur Mody Niang, Mohammed Salsao, ancien du Bureau organisation et méthode (Bom) ou encore l’Inspecteur du Trésor à la retraite Mohammadou Abdoulaye Sow, entre autres, de nombreuses élites rasent les murs ou sont sous la table lorsqu’il se pose des questions cruciales liées à l’avenir de ce pays qui leur a tout donné. A la place, les Sénégalais qu’ils doivent guider sont obligés, parfois avec la complicité des médias, de se contenter du menu fretin, avec des activistes comme Guy Marius Sagna, Mame Makhtar Guèye, Dr Cheikh Omar Diagne, Omar Faye, Birima, Bouba Ndour, etc. qui défilent sur les plateaux de télévision dont la ligne directrice est l’injure et l’approximation, disséminant parfois des inepties et heurtant même la morale de ceux qui ont des cervelles.
Délit d’ambition
Pourtant, une Nation doit être dirigée par ses élites, les meilleures dans leurs domaines. Et ça, Idrissa Seck est l’un des seuls à l’avoir compris. Abdoulaye Wade s’était permis de nommer Awa Diop ministre auprès du Premier ministre en plein meeting politique (pas son chauffeur comme il disait pouvoir le faire) et que son successeur, Macky Sall avait dans son gouvernement une ministre, Fatou Tambédou, qui s’était donné en spectacle à l’Assemblée nationale en brocardant devant les médias son collègue Diène Farba Sarr. Que dire des larmes de l’ancien ministre de l’Intérieur Mbaye Ndiaye ou des insultes de Cissé Lô, tout juste réhabilité au château. Pendant ce temps, Mahammad Boun Abdallah Dione, Aminata Touré dite Mimi, Amadou Bâ, Aly Ngouille Ndiaye ou encore Mouhamadou Makhtar Cissé, à qui le «Patron» n’a apparemment rien à reprocher que d’avoir de l’ambition sont jetés après utilisation au profit de vaincus de la dernière Présidentielle. Si la ligne est claire aux yeux de Macky, l’avenir est sombre pour tout le pays. Car, si cette situation devait empirer, il est fort à craindre pour ce pays qui a tellement besoin de lumière à la place de cette coterie de gens pour qui c’est eux-mêmes avant la patrie dans une cosa nostra où les élucubrations d’un Dembourou, prêt à s’apostasier pour son chef, sont célébrées à la place de l’expertise de gens compétents.
Seyni DIOP