Depuis l’annonce de la maladie mystérieuse des pêcheurs, beaucoup de Sénégalais ont arrêté d’acheter du poisson, une source de mévente pour les vendeurs de poissons frais. Par contre, les vendeurs de poissons fumés et séchés (kétiakh) voient leurs ventes augmenter considérablement.
En cette matinée de lundi, le marché Castors est bondé de monde. Les étals achalandés des vendeurs débordent jusque dans les allées étroites, empêchant ainsi les personnes de circuler tranquillement. Les acheteurs cherchent difficilement à se procurer du poisson fumé et c’est avec désolation qu’ils en achètent à des prix exorbitants. « Actuellement, ce produit est vraiment cher. Le kilo de poisson fumé et séché est à 1400 FCfa alors qu’avant, il coûtait 600 FCfa. Le poisson séché coûtait 3500 FCfa le kilo mais maintenant, c’est à 4500 FCfa », soutient Ndiaga Seck, un vendeur de poissons séchés et fumés.
Il explique les raisons de la flambée des prix par l’offre parcimonieuse du marché de Diaobé, situé dans le département de Vélingara, région de Kolda. « Le produit en stock n’est pas en quantité suffisante parce que le marché de Diaobé est fermé depuis l’élection présidentielle de la Guinée. Or depuis quelques jours, la demande est très forte à cause de la maladie des pêcheurs qui a poussé beaucoup de femmes à se détourner du poisson frais de peur d’être contaminées », regrette Ndiaga. Son collègue Khalifa Ababacar Diagne confirme cette tendance du marché. « La maladie des pêcheurs a fait que de nombreuses personnes préfèrent, aujourd’hui, le poisson fumé au poisson frais. De ce fait, la demande est supérieure à l’offre. C’est ce qui explique la cherté des prix », dit-il. Khalifa soutient que malgré tout, la vente a considérablement augmenté. « Le produit s’écoule plus facilement ces derniers jours. Même si le kilo varie entre 1300 FCfa et 1500 FCfa, les clients l’achètent », confie-t-il.
Si les vendeurs de poissons fumés se frottent les mains, tel n’est pas le cas chez les vendeuses de poissons frais. Assise toute seule, le visage empreint de tristesse, sans l’ombre d’un client, cette dame se désole de la situation. « La vente n’est plus ce qu’elle était. Même nos plus fidèles clients ne viennent plus acheter du poisson frais. Beaucoup de mes collègues ont arrêté de venir au marché, car elles n’arrivaient plus à vendre. Je suis ici depuis 8 heures du matin et les gens ne me regardent même pas. Donc, je n’espère même pas qu’ils achètent », se plaint Ndèye Khady Faye. Elle demande aux autorités de renforcer la communication sur le fait qu’il n’y a aucun risque à consommer le poisson frais. « Depuis le début, les rumeurs vont bon train et chacun y va avec son interprétation. C’est d’ailleurs ce qui est à l’origine de nos problèmes. Je demande aux autorités de réagir et de nous donner une explication plausible sur la cause de cette maladie et les conséquences qu’elle peut engendrer sur la consommation du poisson », martèle, d’un air contrarié, la quinquagénaire.
Les vendeurs de poissons ne sont pas les seuls à rencontrer des difficultés, car beaucoup de Sénégalais ont, aujourd’hui, le cerveau embrumé par cette maladie mystérieuse des pêcheurs. Certains sont même allés jusqu’à interdire la consommation de poissons ou fruits de mer dans leurs maisons. « Quand la nouvelle est tombée, j’ai exigé à ma femme d’arrêter de cuisiner tout ce qui vient de la mer. C’est plus par mesure de prudence puisque les experts n’ont pas encore trouvé les causes de la maladie des pêcheurs », confie Balla Touré, un père de famille. Rosie Sita, Congolaise vivant au Sénégal, affirme avoir peur de consommer du poisson depuis quelques jours. Elle qui est fan du riz au poisson se voit obligée de ne plus en manger pour quelques temps. « Avec tout ce qu’on entend, j’ai du mal à acheter du poisson parce qu’ayant peur de la maladie. Nous attendons que les autorités se prononcent pour savoir quoi faire. Pour l’instant, je m’efforce de manger autre chose que du riz au poisson à midi », avance-t-elle non sans regret.
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Les prix des légumes flambent
Au marché Castor, une augmentation des prix des légumes est remarquée. C’est la tendance dans presque tous les marchés de Dakar. Certains vendeurs n’arrivent plus à écouler leur marchandise et s’endettent chaque jour davantage, explique Ndiaga Seck. « Nous comprenons qu’avec les conditions météorologiques les légumes se fassent rares et coûtent cher. Le problème est que nous n’arrivons plus à vendre normalement ; ce qui fait que nous contractons des dettes chaque jour », dit-il. Pour Bassirou Ndiaye, ce n’est pas seulement le climat qui est à l’origine de cette mévente. « C’est vrai que les légumes coûtent excessivement cher, car le kilo de chou est à 800 FCfa, le manioc à 450 FCfa, la carotte à 600 FCfa. C’est un véritable souci pour nous, surtout en cette période où les gens ne cuisinent plus le poisson qui accompagnait ces légumes », dit-il.
Le Soleil