La question du rapatriement des émigrés clandestins, dès leur arrivée sur le sol occidental en contrepartie d’une somme de 39 milliards de francs en faveur des gouvernements sénégalais, ivoirien et burkinabé, est mal perçue au niveau de l’organisation de défense des migrants.
Pour Boubacar Sèye, président de l’ONG Horizon Sans Frontière, il s’agit là encore d’argent que vont se partager nos dirigeants au détriment de la jeunesse ravagée par le désespoir.
Interrogé par « Le Témoin », l’activiste humanitaire Boubacar SEYE, défenseur de la cause des migrants, s’est apitoyé sur le sort réservé à ces derniers dans ce contexte de résurgence de l’émigration clandestine. Les 39 milliards annoncés par l’Union européenne dans un programme de refoulement des « sans papiers » pour contrer la vague migratoire constituent, selon lui, une option qui écorne la dignité humaine. « Nous condamnons fermement le rapatriement des migrants. Et c’est une position de principe au niveau de notre ONG dont le but est la défense des migrants de quelque origine qu’ils soient », a déclaré le président de HSF.
Par rapport au Sénégal, il estime que l’Etat est en train de monnayer la dignité de ses fils. M. SEYE d’ajouter : «L’aide au développement qu’a toujours reçu le gouvernement était censée résoudre la problématique du chômage et de l’insertion socio-économique des jeunes. Mais malheureusement, force est de constater que cette manne foncière n’a jamais été consacrée aux ayants droit. Actuellement, on s’attendait à un audit sur l’utilisation de cet argent injecté par les pays européens avant même de parler d’une autre aide. «Mais malheureusement, cette manne financière va aussi être partagée et détournée par des dirigeants africains au détriment de la jeunesse qui est dans le désespoir total ».
A en croire l’humanitaire, la faute incombe à l’Union Européenne qui pense qu’on peut régler une crise migratoire avec de l’argent. « Il faudrait que l’Europe se remette en cause au lieu de se barricader avec de nouvelles normes juridiques et politiques. Parce qu’on parle de coresponsabilité Europe-Afrique et ils sont en train de violer les droits internationaux en foulant du pied les conventions », explique le patron de d’Horizon Sans Frontière qui déplore le fait que le mode de gestion de la crise soit exclusivement réservé aux pays européens qui dictent leurs lois. Le droit international peine à trouver une solution juridique appropriée. Les règles existantes sont inadaptées et insuffisantes.
Le silence de l’Etat …
L’autre désolation de Boubacar SEYE au sujet de la crise migratoire qui secoue le pays, c’est l’absence de communication de l’Etat qui, selon lui, pose un véritable problème. « Et ça, au niveau de l’ONG Horizon Sans Frontière, nous le regrettons. Le fait que l’Etat ne se prononce pas, n’ait pas voulu accompagner les familles dans la souffrance ou encore n’ait pas voulu décréter un jour de deuil national à la mémoire de ces disparus. C’est comme du mépris à l’égard de ces migrants et particulièrement de toutes familles endeuillées ! », s’insurge l’humanitaire. Cela dit, M. SEYE reste persuadé que l’émigration est pour les Africains une façon de fuir les tensions internes liées au chômage. D’ailleurs, justifie-t-il, « c’est ce qui explique le silence de l’Etat. Ce silence est l’expression de son échec concernant la prise en charge de cette question. C’est pourquoi, il faut oser parler de l’échec de l’Etat dans la problématique liée à l’emploi des jeunes. Cette jeunesse se tue en Méditerranée à cause du manque d’emplois et surtout du manque d’espoir ».
Et pour parer décisivement à ce fléau, le président de l’ONG Horizon Sans Frontière invite à un changement de paradigme dans les politiques publiques. «L’Etat doit se remettre en cause. Il faut construire ce pays sur la base d’une expertise avérée. Or, le Sénégal regorge de cadres dans tous les domaines. Aujourd’hui, la solution c’est faire de cette jeunesse une priorité, du point de vue socio-culturel. On doit œuvrer pour une relecture des perspectives, faire une révolution socio-culturelle. Il faut mettre les gens dans une dynamique de travail. Il faut revoir notre système éducatif, aller vers un autre modèle. La faille, c’est au niveau économique et il faut tout reconstruire », exhorte Boubacar SEYE.
Le Témoin