La course est lancée pour l’accès aux vaccins anti-Covid-19. Toutefois, en Afrique, seuls deux pays se sont véritablement positionnés auprès des laboratoires pour l’achat de ces doses. Les autres comptent sur l’OMS et le programme Covax. Décryptage.
La course à l’accès aux candidats vaccins contre le Covid-19 est rude. Chaque fois qu’une annonce est faite, les pays riches réservent leur part du gâteau en passant des accords bilatéraux avec le laboratoire concerné, afin d’être parmi les premiers servis. Une course qui tend à écarter d’office de nombreux pays en développement, notamment africains, qui n’ont pas les moyens de rivaliser avec ces grandes puissances. A titre d’illustration, juste après l’annonce par le laboratoire Pfizer et BioNTech d’un vaccin efficace à 90%, l’Union européenne a annoncé sa volonté d’acquérir 300 millions de doses, après que les Etats-Unis aient sécurisé 100 millions de doses.
Du coup, rares sont les pays africains qui semblent accorder un intérêt à l’accès au vaccin qui est pourtant crucial. D’autant que la vaccination semble être le moyen le plus sûr d’immuniser la population, de stopper la propagation du virus et de relancer durablement les économies.
Pourtant, selon Cyril Ramaphosa, président sud-africain et président en exercice de l’Union africaine, «l’Afrique aura besoin d’environ 12 milliards de dollars et 750 millions de doses d’un vaccin efficace». En sa qualité de président de l’Union africaine, il a créé une équipe africaine spéciale pour diriger l’effort d’acquisition de vaccins anti-Covid-19.
Quelques rares pays africains se sont toutefois lancés dans la mêlée avec les grandes puissances de ce monde pour acquérir des vaccins en cours d’élaboration par les firmes pharmaceutiques. Deux pays en particulier se sont distingués.
Il s’agit notamment du Maroc, second pays le plus touché par la pandémie de Covid-19 en Afrique avec 256.781 cas officiels, pour 209.801 guérisons et 4 .272 décès, qui s’est positionné dans la course aux côtés des Etats-Unis, de l’Union européenne, du Royaume-Uni, du Japon, du Brésil, etc.
Le laboratoire chinois a promis 10 millions de doses au Maroc, avant la fin de l’année, voire davantage en 2021. Certaines sources avancent qu’une première commande de 5 millions de doses devrait parvenir au Maroc dans les prochains jours. Le Maroc a également commandé 17 millions de doses auprès du laboratoire Astra-Zeneca, avec 3 millions supplémentaires en option.
Mieux, le Maroc a conclu en août dernier deux accords de coopération avec Sinopharm, sixième plus grand fabricant de vaccins au monde, à travers sa filiale CNBG. Outre la coopération en matière d’essais cliniques de phase 3 du vaccin anti-Covid-19, les deux parties ont signé un accord de coopération globale devant permettre au Royaume de fabriquer lui-même le vaccin pour ses propres besoins et d’exporter le reste vers le continent africain.
Et le Royaume est très en avance dans sa stratégie de vaccination. D’ailleurs, le roi Mohammed VI a donné, lundi 9 novembre, ses instructions en vue du lancement, dans les prochaines semaines, d’une opération massive de vaccination contre le Covid-19. L’opération, d’envergure inédite, devrait concerner près de 24 millions de Marocains entre novembre 2020 et avril 2021.
Cette décision a été prise après que les résultats des études cliniques, déjà achevées ou toujours en cours, ont prouvé la sécurité, l’efficacité et l’immunogénicité du vaccin chinois Sinopharm. Quelques 600 «beta-testers» marocains ont d’ailleurs pris part à l’essai vaccinal du chinois Sinopharm en phase 3 en août dernier au CHU Ibn Rochd de Casablanca et au CHU Avincenne de Rabat. La fin de la 3e phase de test de ce vaccin est prévue pour le 15 novembre.
En se positionnant parmi les premiers et les grandes puissances mondiales, le Maroc commande les vaccins au prix fort. Mais ne dit-on pas que la santé n’a pas de prix. En plus, en vaccinant sa population rapidement, le pays compte sur une immunité qui permettra de relancer l’économie marocaine.
Outre le Maroc, l’Egypte s’est engagée très tôt pour acquérir des vaccins et des médicaments contre le Covid-19. L’Autorité égyptienne des médicaments a rapidement signé un accord avec le géant pharmaceutique anglo-suédois AstraZeneca pour accéder au vaccin de l’université d’Oxford.
Selon la ministre égyptienne de la Santé Hala Zayed, l’Egypte a réservé suffisamment de candidats vaccins produits par la société pharmaceutique américaine Pfizer pour couvrir 20% de ses besoins. De même, l’Egypte, en accord avec l’université d’Oxford au Royaume-Uni, s’emploie à produire le vaccin que développe celle-ci avec l’objectif de couvrir 30% des besoins du pays.
L’Egypte a également participé aux essais cliniques du vaccin du chinois Sinopharm. Outre la mise à disposition de millions de doses du vaccin, la holding Vacsera d’Egypte a signé une convention pour la production du vaccin en Egypte, de concert avec le gouvernement chinois. L’objectif est d’assurer sa propre production et celle des pays africains, sachant que l’entreprise égyptienne sera l’un des centres de production du vaccin sur le continent africain.
Dans cette optique, en juin dernier, les égyptiens Eva Pharma et Rameda Pharmaceutical avaient annoncé avoir obtenu l’autorisation de l’américain Gilead Sciences pour produire l’antiviral Remdesivir, ainsi que l’antiviral japonais Favipiravir (sous la marqué Avigan) pour les marchés du Moyen-Orient et d’Afrique.
De même, fin septembre dernier, le Fonds souverain russe (RDIF) a signé un accord avec l’entreprise égyptienne Pharco pour fournir 25 millions de doses du Sputnik V, son vaccin en développement contre le Covid-19.
Bref, l’Egypte a sécurisé ses approvisionnements en vaccin contre le Covid-19 en diversifiant les sources de provisionnement et surtout en s’assurant auprès d’un certain nombre de laboratoires la possibilité de fabriquer localement les vaccins.
Le Maroc et l’Egypte sont ainsi les seuls pays africains à s’engager à fond dans l’acquisition et la fabrication des vaccins candidats contre le Covid-19. Chose étonnante, l’Afrique du Sud, seconde puissance économique du continent, ne s’est positionnée sur aucun vaccin candidat. Pire, le pays le plus touché par la pandémie du Covid-19 avec 737.278 cas officiels dont 679.688 guéris et 19.809 décès, a laissé passer la première date limite pour s’engager dans le mécanisme de financement Covax, coordonné par l’Organisation mondiale de la Santé (OMS). Le porte-parole du ministre de la Santé Popo Maja a confirmé que l’Afrique du Sud n’avait conclu aucun accord sur les vaccins, mais que des négociations supplémentaires avec les fabricants et Covax étaient en cours.
Le360 Afrique