Chronique de WATHIE
Alors que la crise sanitaire et ses corolaires accentuent la pauvreté qui s’était déjà bien installée, les Sénégalais, éprouvés au point d’enjamber les barrières pour toucher leur quota infâme de riz, sont pourtant appelés à davantage se serrer la ceinture. Les jours qui profilent à l’horizon n’ont rien de rassurants. L’Etat en état de faillite, plus préoccupé par le renflouement de ses caisses, s’est déresponsabilisé laissant la main aux véritables régulateurs de l’économie qui dictent leur loi.
C’est maintenant que les Sénégalais se rendent compte des mauvaises décisions prises par le gouvernement dans le cadre de la lutte contre la pandémie du coronavirus. Le président SALL, qui a tardé à faire fermer les frontières aériennes sénégalaises, s’est par contre précipité pour décréter l’état d’urgence. Ainsi, lui qui a déclaré la guerre, a vidé son chargeur à la simple vue de l’ombre de l’ennemi. Maintenant que ce dernier est bien présent, c’est tout un pays qui se retrouve presque démuni. Si l‘on se fie aux informations du ministère de la Santé et de l’Action sociale, le virus cause chaque jour deux morts depuis que Macky SALL a décrété le relâchement national. Pourtant, la propagation fulgurante de la maladie n’est pas la seule préoccupation. La pandémie a davantage esquinté l’économie qui était déjà très mal en point. Pour lui redonner un semblant de souffle, Macky SALL, qui refuse d’assumer ses mauvaises décisions, s’est appuyé sur la contestation des religieux notamment pour revenir en arrière, en attendant…
Privées de la plupart des recettes fiscales à cause des mesures de restriction, les caisses de l’Etat se sont vidées à la vitesse de l’éclair. Pour leur renflouement qui explique en grande partie le relâchement, il n’est guère question pour le gouvernement de faire preuve d’ingéniosité. La solution la plus simple : vendre ses bijoux de famille. « Le président de la République a, dans cette dynamique, informé le Conseil, de sa décision de confier l’assiette foncière disponible de 30 hectares à l’Aéroport de Yoff à la Caisse des Dépôts et des Consignations (CDC), afin de renforcer l’aménagement durable et la valorisation équitable de la zone concernée à travers des offres publiques d’aménagement et de vente, répondant aux principes de transparence et de rentabilité pour l’Etat ». Si le communiqué du gouvernement qui entérine cette décision s’est voulu laconique, pour Abdoulaye Daouda DIALLO, c’est clair comme l’eau de roche. Un « appel d’offres sera lancé par l’Etat pour la vente des 30 hectares de l’aéroport de Yoff », simplifie-t-il assurant que l’opération pourrait rapporter un peu plus de 60 milliards de francs CFA. Désargenté avec des gouvernants dépassés, l’Etat se souvient qu’en 2015, la Cour de répression de l’enrichissement illicite (CREI) avait ordonné la confiscation de plusieurs biens appartenant à Ibrahim AbouKhalil dit Bibo Bourgi. Un patrimoine immobilier constitué de 7 appartements qui seraient vendus à 650 millions de francs l’unité. Pourtant, au même titre que Karim WADE, Bibo Bourgi a été condamné à 5 ans d’emprisonnement ferme et à payer une amende de 138 milliards 239 millions 86 mille 396 francs CFA. Allez demander à Macky SALL pourquoi l’Etat ne fait rien pour récupérer ces plus de 276 milliards de FCA.
Pendant que l’Etat est plus soucieux à rassembler de petites économies pour subvenir à ses énormes dépenses, les Sénégalais sont laissés à eux-mêmes. Même le masque dont le port est rendu obligatoire, le gouvernement ne fait rien pas pour en doter les Sénégalais. À quelques jours de l’Aïd el-Kebir (Tabaski), nombreux sont les pères de famille désemparés. Et ce n’est pas uniquement le prix du mouton qui préoccupe. Le ministre du Commerce qui peine à se faire entendre des commerçants a pris un arrêté fixant le prix détaillant du kilogramme d’oignon entre 400 et 500 francs. Un problème de plus pour de nombreux Sénégalais qui vont devoir aussi batailler pour épicer la sauce. C’est ce moment que choisit France Télécom pour davantage saper le moral national. Non satisfaite des milliards de bénéfices engrangés tous les ans, Orange presse encore les Sénégalais, décidé à leur soutirer le peu d’économie qui leur reste. Comme l’Etat du Sénégal, pour faire face à la pandémie, l’entreprise française a opté pour la solution la plus facile : augmenter ses tarifs. Une décision qui n’a guère dérangé l’Autorité de régulation des télécommunications et des postes (ARTP) dont la voix s’était pourtant élevée au moment de la baisse des prix dictée par la concurrence. Mais que peut faire l’ARTP quand c’est l’Etat qui décide de courber l’échine ? France Télécom devenu Orange cannibalise la SONATEL depuis qu’il est entré dans son capital.
La fondation de SONATEL Mobiles avec la marque Alizé florissait, faisant la fierté des Sénégalais. Alizé rapportait tellement d’argent à l’Etat du Sénégal que SONATEL était devenue l’un de ses bailleurs majeurs. Seulement, un vent d’Harmattan est passé, soufflé par la privatisation, et Orange en a fait son auge. Ainsi, le 29 août 1995, à l’Assemblée nationale, contre toute attente, les députés examinent et adoptent la loi 95-25 du 29/08/95. Celle-ci autorise l’ouverture du capital de SONATEL à des investisseurs privés. France Telecom, à la suite d’un appel d’offres parmi les plus nébuleux, rafle la mise. En effet, alors que le consortium suédo-américain, Télia, avait fait la meilleure offre financière et technique, suivi des Saoudiens qui voulaient aussi la SONATEL, celle-ci tombe dans l’escarcelle de France Telecom sans satisfaire la boulimie de l’entreprise française qui s’est très vite engagée à récupérer les fonds qu’elle a investis. Ainsi, au départ, il était question de 34 % à l’Etat, 33 % à France Télécom, 10 % aux travailleurs, 5 % retenus pour un éventuel opérateur africain dans le cadre de la politique d’intégration économique sous régionale, le reste appartenait aux collectivités locales et aux personnes physiques. Seulement, France Telecom, qui est entrée dans le capital de la SONATEL à travers sa filiale France Cables et Radio, ne va pas tarder à imposer sa suprématie. A la faveur d’une cession plus qu’opaque de 9 % d’actions faite par l’Etat du Sénégal deux ans plus tard, France Telecom devient l’actionnaire majoritaire de la SONATEL. Depuis, le groupe qui a réalisé un chiffre d’affaires de 905 milliards de FCFA en 2016, est plus français que sénégalais même en gardant son acronyme. En 2019, son chiffre d’affaires s’élevait à 1086,6 milliards F CFA soit une hausse de 6,3% (+64,6 milliards) par rapport à 2018. D’énormes moyens qui n’ont pas empêché au régime de Macky SALL de renouveler la convention de concession et l’attribution de la licence 4G pour 100 milliards de nos francs uniquement.
Ainsi, Orange continue à amasser des milliards de F CFA sur le dos des Sénégalais qui ne peuvent même pas compter sur elle en termes de résorption du chômage. Avec des emplois précaires, l’entreprise française n’a aucun lien contractuel avec la plupart de ses employés. Si à cela vous ajoutez la grande capacité d’espionnage de l’opérateur, vous comprenez pourquoi le Sénégal est loin d’être indépendant.
Mame Birame WATHIE