Les veilles de Tabaski sont en général une occasion pour les tailleurs de se remplir les poches. Ces derniers qui sont très sollicités pendant ces fêtes en profitent souvent pour tirer beaucoup de bénéfices. Mais cette année, avec la pandémie de la Covid-19 qui a mis tous les secteurs à genou, les couturiers se tournent les pouces en espérant des lendemains meilleurs.
Derrière le marché de friperie de Colobane, Mass Seck tient son atelier de couture. De petits morceaux de tissus de plusieurs couleurs tapissent le sol de sa cantine. Quelques tissus neufs sont rangés sur un petit placard en bois fixé sur le mur. Des pilotes de fil à coudre sont suspendus sur une barre de fer. Une longue table en bois est dressée dehors à l’entrée de la pièce. Un fer à repasser branché sur une prise est posé sur une table recouverte d’un drap. A l’intérieur, un petit espace est aménagé pour l’accueil des clients. Assis sur un banc, l’un des apprentis fait du thé. Le bruit des machines à coudre, mêlé à la musique distillée par un baffle scotché sur le mur, s’échappe de l’une des fenêtres de son atelier ouverte faisant face à la rue 37 x 34, qui mène vers la caserne Samba Diéry Diallo. Assis sur un tabouret, habillé d’un demi grand boubou multicolore à la mode «Baye Fall», un bonnet noir négligemment posé sur la tête, Mass Seck actionne, avec ses deux pieds, les pédales de sa machine qui fait vibrer la pièce. A moins de deux semaines de la célébration de la fête de Tabaski, l’heure n’est pas à la satisfaction pour ce tailleur. «Franchement, on ne note pas une grande affluence. D’habitude, à pareil moment, les clients nous envahissaient. Cette année, beaucoup ne se sont pas signalés. On ne sent même qu’on est à une dizaine de jours de la fête», confie Mass Seck.
Trouvé devant son atelier en train de repasser une tenue déjà prête, son collègue et voisin, Dame Guèye, embouche la même trompette. Ce dernier constate que les clients se font rares. Et les préparatifs de la Tabaski ne sont pas prometteurs cette année. Ce tailleur aussi ne cherche pas loin les raisons. Pour lui, les effets du nouveau coronavirus ont impacté négativement les ménages. Ce qui explique, dit-il, la faible affluence des clients notée cette année dans son atelier de couture. «L’année dernière, 15 jours avant la fête, on avait commencé à passer la nuit, ici, dans l’atelier, pour pouvoir livrer le maximum de commandes chaque jour. On travaillait sous pression. Et je retenais, ici, mes apprentis nuit et jour. Malheureusement, cette année, à cause du manque de clients, on ouvre l’atelier le matin à 10 heures pour descendre à 19 heures», explique Dame Guèye.
Contrairement à ses collègues, Abdou Karim Sylla, installé à la Gueule Tapée avoue recevoir de temps à autre des clients qui amènent des tissus à coudre pour la fête de Tabaski. Mais le hic est que, déclare-t-il, ses clients n’acceptent pas payer le prix qu’il faut pour la confection de leurs tenues. Toutefois, il dit comprendre tout de même ses clients avec la situation actuelle de la pandémie qui a plongé tous les ménages dans des difficultés. «J’ai des commandes déjà prêtes qui dorment dans mes tiroirs depuis la fête de Korité. J’ai dépensé mon argent pour faire la garniture, les boutons et tout, mais leurs propriétaires tardent toujours à se signaler. Certains d’entre eux me disent qu’ils n’ont pas d’argent pour me payer. Alors que moi je fais face à d’autres charges comme le paiement des factures d’eau ; d’électricité, la cantine et je dois donner quelque chose aussi à mes apprentis», partage Abdou Karim Sylla. Qui dit compter que sur les boutiques de vendeurs de prêt à porter qui paient cash pour leurs commandes.
Samba BARRY