CONTRIBUTION
Les rapports des corps de contrôle se suivent et se ressemblent. Derniers en date, ceux de l’Inspection générale d’Etat (Ige), sur la gouvernance des années 2016, 2017, 2018-2019, qui ont révélé la persistance, au sein des administrations centrales et décentralisées, d’anomalies dans leur gestion administrative et financière, la violation des textes réglementaires et législatifs, précisément ceux afférents à la gestion des ressources humaines, à la commande publique, à la comptabilité des deniers et des matières, des dérives en matière de gestion financière dans l’organisation de grands évènements ou l’exécution de programmes, etc.
Le Vérificateur général du Sénégal est formel. Voici ce qu’il déclare dans le discours qu’il a prononcé en remettant ces rapports au chef de l’Etat : «L’examen de la gestion administrative et de la gestion financière des administrations, sous l’angle des constats récurrents qui ressortent des trois (03) rapports, révèle que ces entités restent confrontées à l’impératif d’un retour à l’orthodoxie».
Les instruments de lutte contre la mal gouvernance sont bien en place. On peut citer le Code de transparence portant sur les finances publiques, la réactivation de la Cour de répression de l’enrichissement illicite (Crei), la déclaration de patrimoine des personnes assujetties, l’Office national de lutte contre la fraude et la corruption (Ofnac). Il y a aussi les différents corps de contrôle dont l’Ige.
Mais en dépit des discours et des actes législatifs, nombreux sont ceux qui mettent en doute la volonté du pouvoir de jouer à fond la carte de la bonne gouvernance dans sa gestion quotidienne, confortés en cela par les rapports des corps de contrôle qui se suivent et se ressemblent.
Au sein de l’opinion, il y a un réel besoin de transparence et de bonne gouvernance des affaires publiques. Le pouvoir doit réenchanter la promesse de bonne gouvernance en donnant corps au slogan «gestion sobre et vertueuse» décliné il y a 8 ans de cela par le président de la République, fraîchement porté à la tête de l’Etat, dans un discours prononcé le 3 avril 2012, à la veille de la Fête nationale.
Dans cette allocution qui avait marqué les esprits, il disait : «Au gouvernement, je donne mission de traduire en actes la forte aspiration au changement massivement exprimée le 25 mars. Cette occasion historique constitue pour nous tous, un nouveau départ pour une nouvelle ère de ruptures en profondeur dans la manière de gérer l’Etat au plan institutionnel et économique. C’est pourquoi, je tiens à ce que toutes les femmes et tous les hommes qui m’accompagnent dans l’exécution du contrat de confiance qui me lie au peuple, comprennent et acceptent que cette mission ne crée pas une catégorie de citoyens privilégiés, au-dessus des autres et de la loi».
Pour Macky Sall, il est question de «servir et non se servir» en bannissant les passe-droits, le favoritisme et le trafic d’influence, en mettant l’intérêt public au-dessus de toute autre considération, en traitant tous les citoyens avec la même dignité et le même respect. L’Etat et ses démembrements étaient appelés à réduire leur train de vie tout en restant performants.
Concernant la gouvernance économique, le président de la République était «toujours guidé par le souci de transparence et de responsabilité dans la gestion vertueuse des affaires publiques» en mettant à sa charge «l’obligation de dresser les comptes de la Nation et d’éclairer l’opinion» et en restituant aux organes de vérification et de contrôle de l’Etat «la plénitude de leurs attributions». Un avertissement à la clé : «A tous ceux qui assument une part de responsabilité dans la gestion des deniers public, je tiens à préciser que je ne protègerai personne. Je dis bien personne ! J’engage fermement le gouvernement à ne point déroger à cette règle».
Le 31 décembre 2012, dans son adresse à la Nation, Macky Sall soutenait encore : «Dans l’exercice de toute mission de service public, personne ne peut se soustraire de l’obligation de transparence et de rendre compte. Je sais que toute dynamique de changement dérange ; parce qu’elle ébranle des certitudes, parce qu’elle bouscule des habitudes établies et que, pour certains, elle remet en cause des acquis et des privilèges indus. Mais rien ne me détournera de l’objectif de bonne gouvernance. Par conséquent, toutes les procédures engagées en matière d’audits et d’enquêtes sur des ressources et biens mal acquis seront rigoureusement menées jusqu’à leur terme. Et la justice suivra son cours».
En remettant les derniers rapports de l’Ige au chef de l’Etat, le Vérificateur général du Sénégal a souligné «l’impératif d’un retour à l’orthodoxie». Oui, à défaut de sanctionner les mis en cause, il nous faut ce retour à l’orthodoxie, remettre les choses à l’endroit, respecter les règles qui gouvernent l’action publique, pour apporter du baume à nos oreilles tympanisées par la litanie d’actes de mal gouvernance largement amplifiés par la revue de presse à la publication de chaque rapport.
Ousmane Ibrahima DIA,
Journaliste APS