Sancoung Dramé a été retrouvé mort samedi dernier en territoire bissau-guinéen non loin de la frontière avec le Sénégal. La veille, il avait quitté son village Saré Koubé situé dans la commune de Médina Elhadji à Kolda. Après le constat du décès, les militaires bissau-guinéens ont donné leur feu vert pour le rapatriement du corps. Ce que les autorités sénégalaises n’ont pas voulu entendre craignant qu’il soit mort du Covid-19. Il a été finalement enterré sur place, de la plus vilaine des manières après des tergiversations entre les deux Etats. En colère, sa famille réclame une enquête.
(Correspondance) – Malgré le couvre-feu et la fermeture des frontières, Sancoung Dramé a quitté la nuit du 15 au 16 mai dernier son village Saré Koubé dans la commune de Médina Elhadji à Kolda pour la Guinée-Bissau afin de récupérer un sac de noix de cajou. Frappé par la pauvreté, il devait vendre la récolte pour subvenir à ses besoins et pouvoir se soigner. Mais, sur le chemin du retour, il s’écroule et meurt. Son cadavre sera découvert samedi. La mauvaise nouvelle est alors annoncée aux autorités sénégalaises et bissau-guinéennes. Par peur de transmission du coronavirus, les deux Etats ont pris des mesures qui n’ont pas plu à la famille du défunt. Les conditions de l’inhumation de Sancoung ont provoqué des tiraillements entre les différentes parties sénégalaises. «Les militaires bissau-guinéens nous ont d’abord interdit d’approcher la dépouille. Ils nous ont tenu à distance au moment où ils faisaient des constats autour du mort», explique Soucouta Cissé, imam du village et oncle du défunt trouvé assis sur une natte à l’entrée du domicile du défunt à Saré Koubé adossé sur la borne frontalière entre le Sénégal et la Guinée-Bissau.
Après avoir fini de faire le constat avec l’aide d’un infirmier bissau-Guinéen, les militaires bissau-guinéens ont demandé à la famille d’enlever le corps pour son inhumation au Sénégal. Mais, selon Soucouta Cissé, le maire de Médina Elhadji qui s’était arrêté à la frontière leur a dit qu’il n’a pas reçu l’aval des autorités sénégalaises pour rapatrier le corps afin de l’enterrer en territoire sénégalais. «Il (le maire, Ndlr) nous a dit de l’enterrer sur place c’est-à-dire sur le sol bissau-guinéen. Mais, les militaires de la Guinée-Bissau ont refusé qu’on enterre notre parent dans leur pays. Le maire leur a dit qu’ils n’ont pas ce pouvoir de refus d’enterrer Sancoung Dramé là où il est mort. Refus catégorique des Bissau-guinéens», raconte le vieil imam qui verse des larmes. Il ajoute que les militaires bissau-guinéens étaient même disposés à les escorter avec la dépouille jusqu’à la frontière avant de passer le relai à leurs homologues sénégalais. Sur insistance des autorités sénégalaises de refuser à ce que la dépouille de Sancong Dramé soit rapatriée, Soucouta Cissé renseigne que les militaires bissau-guinéens sont revenus sur leur décision. «Ils nous ont demandé d’inhumer notre parent là où il est décédé, dans la brousse. Pour cela, ils nous ont remis simplement des gants. Mais, ils ont refusé qu’on procède au lavage mortuaire, ni enlever les habits et les chaussures du défunt. On l’a juste enveloppé dans un drap avant de le mettre dans le trou», affirme l’imam, ajoutant que les Bissau-guinéens disent ne pas comprendre le refus des autorités sénégalaises de rapatrier leur dépouille. Au niveau de la frontière, il y avait des policiers sénégalais à qui la famille a rendu compte du déroulement des événements. Le maire, lui, était déjà parti.
Humiliation…
Aujourd’hui, la famille se sent humiliée dans cette affaire. Elle réclame la lumière sur les circonstances de la mort de Sancoung Dramé. Et sur pourquoi les autorités sénégalaises ont refusé que le corps soit rapatrié afin de lui offrir une sépulture digne. Plusieurs membres de la famille estiment que leur parent a été enterré sans procéder au lavage mortuaire, sans purifier le corps, ni le recouvrir d’un linceul comme le veut la tradition musulmane. «Nous n’avons jamais vécu pareille humiliation car le drame s’est passé à moins de trois kilomètres de notre village. Les gens croient que Sancoung est mort du coronavirus. Ici à Saré Koubé, il n’existe pas de cas de coronavirus, ni dans la commune de Médina Elhadji», explique Ansou Sagna, membre de la famille. Ce dernier estime que leur fils a été enterré au cœur de la forêt comme un chien. «C’est insupportable, c’est un manque de considération. Nous réclamons justice sur cette affaire. Ce n’est pas du tout normal que notre parent soit enterré dans la brousse comme un chien. Pourtant, les autorités déploient des moyens pour rapatrier des dépouilles de Sénégalais morts à l’étranger et pour la santé des populations», peste Ansou Sagna.
Selon les villageois, Sancoung souffrait de deux maladies : l’asthme et une hernie, mais pas de coronavirus. Oumar Mballo tient le registre des consultations au niveau de la case de santé du village. Il est formel : Sancoung Dramé ne souffrait que d’asthme et d’hernie. D’ailleurs, c’est ce qui l’avait poussé à aller en Guinée-Bissau pour récupérer un sac de noix de cajou qu’il devait écouler afin de pouvoir se soigner et subvenir à d’autres besoins. «Ce qui est clair, il n’existe pas de cas de coronavirus au niveau du village. On connaissait bien Sancoung qui ne souffrait que d’asthme et d’hernie», précise le secrétaire de la case de santé, qui dénonce les circonstances de la mort de Sancoung Dramé et les conditions de son inhumation. Pour Oumar Mballo, les autorités devaient dépêcher une équipe médicale pour élucider la mort du villageois. A présent, la famille soutient que leur proche n’est pas mort de la Covid-19. Et pour elle, le maire doit éclairer la communauté sur la présence ou non du coronavirus à Médina Elhadji. L’affaire continue de faire couler de la salive.
Baba MBALLO