La requête du collectif pour le rapatriement des Sénégalais morts à l’étranger du Covid-19 a été rejetée. La Cour suprême justifie sa décision par un «risque probable et plausible de contamination». Des arguments jugés «insuffisants» par les avocats de la défense.
Le verdict est tombé, hier, suite à la requête introduite, par les avocats du Collectif des sénégalais de la diaspora, pour contester l’interdiction par l’Etat du Sénégal de tout rapatriement de ses citoyens morts du Covid-19, à l’étranger. La Cour suprême qui a été saisie pour trancher cette affaire a rejeté ladite requête. Selon les juges de siège, la Cour administratif ne peut pas apprécier le risque. Des arguments qualifiés d’insuffisants par les avocats de la défense. «Si on nous avait opposé des arguments scientifiques, sanitaires solides, la diaspora serait prête à accepter la décision. Mais là, on nous renvoie à l’incertitude en soutenant que le juge administratif ne peut pas apprécier le risque. Or, même en état d’urgence, le juge administratif conserve son pouvoir d’appréciation. C’est un recours in-concerto. Il s’agit d’apprécier concrètement si le rapatriement peut causer un dommage anormal et spécial. Et là, il faut nécessairement l’avis de l’Organisation mondiale de la santé. Il faut qu’on nous démontre que malgré tout le protocole funéraire, malgré tout ce qu’on a dit (emballement, désinfection des corps, mis en cercueil émétique, non manipulation des corps, ndlr), un risque subsisterait», démonte Me Assane Dioma Ndiaye, un des avocats du collectif de rapatriement des sénégalais décédés à l’extérieur.
La défense conteste la décision
Selon lui, les avocats de la défense ne comprend pas la démarche du juge parce que, soutient-il, il dit qu’il y a urgence, atteinte à la liberté fondamentale et revient pour encore dire que cette atteinte est illégitime parce qu’il y a un risque probable et plausible. Selon lui, le juge estime également qu’il y a controverse sur la nature de contagiosité du corps de la personne décédée. «Les scientifiques ne sont pas unanimes là-dessus. En fait, le juge renvoie les parties dos-à-dos. On aurait souhaité que cette contradiction soit purgée et qu’on retrouve une nation unie, soudée», recommande Me Ndiaye. À l’en croire, quand la Cour leur dit qu’elle ne peut pas trancher et qu’il faut admettre un risque plausible, ils estiment qu’on est dans une motivation hypothétique et dubitative. «Or, cela n’est pas possible en droit. On ne peut pas motiver de façon hypothétique», déplore-t-il. «Hélas, nous craignons que cela ne mette encore de l’huile sur des rancœurs, des frustrations. On aurait souhaité que même si les motifs n’étaient pas ordonnés, que la décision soit de nature à apaiser, à convaincre. Nous sommes d’accord au droit à la santé, à la vie, mais si nous devons sacrifier des libertés fondamentales, comme celle religieuse funéraire, il faut qu’on nous démontre que l’exercice de cette liberté serait de nature à porter atteinte au droit de la santé», ajoute l’avocat.
Abondant dans le même sens, Me Amadou Aly Kane soutient qu’au moment où la Cour suprême dit qu’elle ne sait pas, il y a une probabilité de contagion, la logique voudrait qu’elle se déclare incompétente. Selon lui, elle fait dans des suppositions et que son raisonnement peut être obsolète. «Cela est un problème en droit. Nous avons produit un dossier qui démontre clairement que le Sénégalais de la diaspora en Europe peut faire l’objet d’une préparation funéraire avec des protocoles très rigoureux de telle sorte qu’il ne puisse pas avoir de contamination. Peut-être que ce n’est pas le cas avec ceux de la diaspora qui sont dans les pays africains. L’Etat aurait pu poser des conditions techniques de rapatriement. Au lieu de cela, les autorités ont généralisé l’interdiction», souligne-t-il.
Salif KA