CONTRIBUTION
Thiaaxa Ndiay, Ndàgg, Madooki : que de vocables macabres ! Le nom de ces cimetières a quelque chose de mythique, d’angoissant et de foncièrement sinistre. Dès que ces noms résonnent dans l’oreille des vivants, leur élan de joie est paralysé, voire anéanti. Je ne suis pas essentialiste, mais j’ai toujours pensé que ces noms expriment des réalités funestes. Je me suis toujours dit que ce n’est pas un hasard si le mot qui sert à nommer la mort est laconique dans toutes les langues. Elle fait tellement peur et mal aux hommes qu’ils ne la nomment que du bout des lèvres.
Chaque ventre est un cimetière, une infinité de tombes. Oui, chacun de vous est une tombe. Pas seulement la tombe des ses victimes dans la chaine alimentaire ; chacun de vous est sa propre tombe. Mon Dieu, comment pouvez-vous espérer vivre longtemps si vous vous nourrissez comme des porcs ? Dans ces cimetières qui m’abritent désormais il y a plus de victimes de la bouffe que des microbes. C’est quoi ce pays où le beurre, le lait, le riz, le pain, le café, le chocolat, la viande de corne-bœuf, les maudits bouillons, etc., sont librement écoulés après avoir été enlevés des poubelles d’ailleurs ?
Ils ont une projet secret : vider l’Afrique de sa population pour en faire un énorme gisement. Et quand je dis vider l’Afrique, ce n’est pour suggérer une politique d’extermination massive. Non, ne serait-ce que pour la main-d’œuvre bon marché, ils ont besoin de quelques bras autochtones ! Et pour ce faire, ils ont également besoin de quelques valets pour gouverner ces muscles qui débordent d’énergie. Le travail est fait de manière intelligente : les meilleurs sur le plan intellectuel ou dans le sport, sont transplantés, comme au temps de l’esclavage, vers les pays du nord ; le reste de la population est préoccupée à éteindre les feux et à se débattre dans une pauvreté incompatible avec la stratégie et l’intelligence économique.
Ils vous tuent en vous nourrissant de leurs restes souillés. Arrêtez vite ce massacre ! Tous les poux d’Europe ont migré en Afrique par le biais de containers : pourquoi acceptez-vous d’être la poubelle de ces fossoyeurs de la planète ? Dans chaque coin de rue les Nèèkh-Soow sont assaillis dès le crépuscule et aucun de vos gouvernants ne songe à faire une véritable enquête ou des études sur la qualité de cet étrange mets vendu à si grande échelle. Vous voyez comment vous êtes traités par vos gouvernants !
Chaque mètre carré de cette terre que vous maltraitez avec autant d’arrogance est une tombe. Mais je vais vous dire quelque chose de plus grave : vos maisons, vos quartiers, vos rues, sont pour vous des tombes. Pourquoi cette promiscuité ? N’avez-vous pas retenu la leçon que nous, vos ancêtres, vous avons laissée ? Nos villages étaient constitués de maisons éparses, espacées. Vos villes, comme vos cimetières d’ailleurs, sont par contre de véritables labyrinthes. Peu d’espace, tout est exigu, étriqué, pratiquement sans issue ; des cuisines à ciel ouvert, des étals partout, des espaces exigus où hommes et animaux sympathisent. Et vous vous qualifiez de vivants ! Respectez vos morts. Nous avons vaincu la mort, nous vivons dans l’éternité pour l’éternité.
Nous n’avons pas besoin de votre pitié, mais plutôt de votre respect. Ayez du respect pour nos demeures. Lotissez vos cimetières si vous avez du respect pour vos morts. Ceux qui viennent nous rendre visite ont besoin de ruelles pour circuler. Rationalisez vos tombeaux ainsi que vos vies ! Le type d’organisation des cimetières est le meilleur baromètre pour mesurer la civilisation d’un peuple. Vos cimetières vous ressemblent ainsi que vos villes. Respectez les handicapés visuels qui ont besoin eux aussi de se recueillir dans les cimetières.
Post-scriptum
Il paraît que les habitants de Ndoumbélane sont élus d’office pour le paradis. Quelle aubaine alors pour les méchants aurait rétorqué Platon ! Mais peut-être que c’est une façon subtile de dire que le paradis n’existe pas. Nietzsche, ce saint qui se cachait derrière la folie, a dit que les Grecs étaient superficiels par profondeur (le génie grec est d’avoir très tôt compris que l’art pouvait être un palliatif à l’absurdité de l’existence). Nietzsche aurait étudié Ndoumbélane, il aurait dit des Ndoumbélanois l’exact contraire de ce qu’il a dit des Grecs : qu’ils sont (ou plutôt qu’ils font) profonds par superficialité ! En général, quand on prend les grands airs, c’est pour cacher une faiblesse. La mystification et la mythification de soi sont des symptômes de médiocrité.
(À suivre)
Le Casse-pieds de Ndoumbélane
Alassane KITANE