Le magistrat instructeur va boucler aujourd’hui, les auditions qu’il avait initiées dans le cadre de l’affaire Petro Tim par le principal concerné. Aliou Sall sera aujourd’hui devant le juge Samba Fall pour expliquer ce qu’il sait des contrats du pétrole et du gaz que le Sénégal a signés avec les majors pétroliers.
Les auditions initiées par le doyen des Juges relatives à l’information judiciaire dans l’affaire Pétro Tim se terminent aujourd’hui. Et cette journée pourrait être spéciale parce que c’est le principal concerné qui est attendu. Aliou Sall, sauf changement de dernière minute, sera chez le magistrat instructeur, Samba Fall pour lui expliquer ce qu’il est du dossier de Pétro Tim. Tout est parti de la diffusion des investigations faites par la chaine britannique BBC qui évoque l’implication de la corruption du frère du président sur les contrats gazier et pétrolier. Ce reportage a provoqué un tollé au Sénégal. Dans la foulée, Aliou Sall avait organisé une conférence de presse pour battre en brèche les accusations de la chaine britannique contre sa personne. D’abord, il a dénoncé la forme de l’enquête qu’il juge tendancieuse et partiale parce que la journaliste de la BBC n’a interrogé que les membres de l’opposition qui sont foncièrement contre lui et le régime. Sur le fond il a balayé d’un revers de main, les commissions qu’il percevait de ces transactions.
Mais ce démenti n’a pas empêché les partis de l’opposition, la société civile sénégalaise de saisir cette affaire pour en faire leur cheval de bataille contre le régime. L’opposition a eu l’ingénieuse idée de créer le mouvement Ar Li Niu Bokk pour organiser des manifestations chaque vendredi, non seulement pour réclamer la démission de Aliou Sall mais aussi la lumière sur cette affaire. Cette clameur n’a pas laissé le président de la République, indifférent. Après la prière de Korité, sur le perron de la Grande Mosquée de Dakar, le Président Sall avait indiqué que ce bruit fait autour du pétrole et du gaz, c’est uniquement pour «déstabiliser» et a averti que la lumière sera faite. «Nous savons que là où il y a du pétrole, certains vont tenter de déstabiliser le pays. Le gouvernement va poursuivre cette affaire. Je tiens à ce que la vérité soit rétablie. S’il faut sanctionner, nous allons sanctionner. Toutefois, nous n’accepterons pas de fausses accusations. Jamais un pays n’a pris autant de dispositions pour éviter les écueils par rapport aux ressources qui vont être exploitées dans les prochaines années».
Et comme si cela ne suffisait pas, le gouvernement sort un mémorandum que son porte-parole, le ministre Ndèye Tické Ndiaye Diop a lu. Elle souligne que le «reportage manifestement tendancieux et ponctué de graves et fausses allégations sur la gouvernance des ressources pétrolières du Sénégal». Et la dame de poursuivre : «La BBC avance, sans aucun fondement, le chiffre surréaliste de 10 milliards de dollars que l’État sénégalais aurait perdus dans une transaction entre deux compagnies privées. Ce chiffre est purement imaginaire. Il ne correspond à aucune réalité économique et financière du projet, encore moins à une quelconque perte de revenus futurs pour l’État du Sénégal».
La polémique enfle jusqu’à obliger le Procureur de la République à monter au créneau pour prendre le dossier en main. Il a ouvert une enquête dans ce sens. Et pour permettre à la justice de faire son travail, le Président sort un décret pour décharger son frère de ses fonctions à la tête de la Caisse des dépôts et consignations.
Pour revenir au reportage, la BBC a révélé que les parts du groupe de Frank Timis ont été rachetées par le géant pétrolier BP en 2017 pour 250 millions de dollars, assortis de redevances de quelque 10 milliards de dollars sur quarante ans, «privant la population d’importants revenus alors que le Sénégal figure parmi les vingt-cinq pays les plus pauvres au monde. BP a assuré avoir effectué toutes les vérifications nécessaires en matière d’éthique avant de signer ce contrat». Avant Aliou Sall, des hommes politiques, de la société civile, des ministres de l’Energie, des anciens Premiers ministres et des experts en pétrole et du gaz ont défilé chez le doyen des juges.
Mamadou GACKO