Le moine Mindar est devenu une célébrité au temple Kodai-ji, à Kyoto, où il donne chaque semaine un sermon sur le “soutra du coeur”, un texte bouddhiste. Un moine dans un temple, rien que de très banal. Sauf que Mindar est un robot de 1,95m pour un poids de 60kg, construit par A-Lab, une entreprise de Tokyo. Et la foule se presse à chacune de ses apparitions.
Les Japonais n’ont aucune peur des robots. Ils les ont adoptés depuis longtemps et en attendent beaucoup. Il y a urgence: selon l’OCDE, la productivité du pays est inférieure de 25% à la moyenne des pays développés. L’organisation note toutefois que la productivité est remontée de quatre places depuis que le Japon a accéléré son investissement dans les robots. Le pays est aujourd’hui le deuxième mondial en nombre de robots industriels par employé, loin derrière la Corée du Sud, mais juste devant l’Allemagne. Et côté exportations, il bat tous les records: il domine largement le secteur de la robotique industrielle, avec 36,6% du marché mondial, largement devant l’Allemagne (14,2%) et la Corée du Sud (3,3%), selon Top Industrial Robots Exporters.
Succès commercial
L’originalité du Japon vient de son intérêt pour les robots humanoïdes. La NHK, la télévision japonaise, a par exemple testé Erica, un modèle très réaliste, avec de vrais cheveux, s’exprimant d’une voix naturelle, développé par Intelligent Robotics Laboratory. La finalité d’Erica n’est pas de présenter le journal. “Au Japon, beaucoup de gens vivent seuls, explique Takashi Minato, chercheur à Intelligent Robotics, ils ont besoin de parler avec quelqu’un. Un robot avec une apparence humaine peut les aider.”
La NHK, télévision japonaise, a testé Erica, un modèle très réaliste, s’exprimant d’une voix naturelle.
Les Japonais ne sont pas les seuls à s’intéresser aux robots, mais ils ont su leur donner une dimension commerciale mondiale. Aldebaran, une start-up française, a mis au point Nao et Pepper, deux robots humanoïdes capables de se déplacer, de parler et d’exécuter un certain nombre de tâches. Pourtant, malgré son indéniable avance technologique, Aldebaran n’a pas réussi à percer. Flairant le bon filon, Masayoshi Son, le milliardaire japonais à la tête de Softbank, a racheté la start-up française en 2016. Devenue Softbank Robotics, elle est aujourd’hui le leader mondial de la robotique humanoïde et on peut désormais croiser Pepper à l’aéroport Haneda à Tokyo ou dans des agences bancaires de l’Archipel.
Au fil du temps, le Japon est devenu un écosystème pour la robotique. Ainsi, Kaname Hayashi, après avoir travaillé à Softbank Robotics, a créé sa start-up, Groove X, pour fabriquer un robot doté des toutes dernières technologies issues des véhicules autonomes. Lovot, son animal de compagnie, ressemble au croisement improbable d’un hibou et d’un pingouin. Recouvert d’un tissu pelucheux doux et tiède, il attire la sympathie des visiteurs et erre dans la maison à la recherche de câlins. “Son intelligence est légèrement supérieure à celle d’un hamster, explique Kaname Hayashi. Il se souvient du traitement qu’une personne lui a infligé. S’il a été traité avec rudesse, il évitera le contact avec la personne, mais s’il a été caressé, il n’hésitera pas à venir dormir sur ses genoux.” Le prix, plus de 3.000 dollars, le réserve à une clientèle haut de gamme.
Mais la vie n’est pas forcément simple pour les robots japonais. Ils peuvent connaître les affres du licenciement. C’est ce qui est arrivé aux 243 robots employés par Henn-na Hotel, “hôtel étrange” en français, où des droïdes devaient théoriquement remplacer les humains. Raté. Compte tenu des innombrables erreurs commises par les machines, la direction de l’hôtel a décidé d’arrêter l’expérience…
Assurer l’avenir
Qu’importe, dans l’ensemble, le patronat et le gouvernement croient dur comme fer à un avenir radieux grâce à la multiplication des robots. Ils sont poussés par un problème spécifique au Japon: le déclin de la natalité, qui entraîne une pénurie de main-d’oeuvre. Le secteur industriel et le BTP connaissent déjà des problèmes pour embaucher, tandis que la population vieillissante exige de plus en plus de services à la personne. Il est donc vital pour l’Archipel de combler cette pénurie par la technologie. Canne connectée, véhicule autonome… Tous les grands groupes industriels s’y mettent.
En attendant les véhicules totalement autonomes, Panasonic commercialise déjà des caissons autonomes, à équiper selon l’usage. Cela va du food truck au taxi en passant par les livraisons. Un petit caisson, de la taille d’une valise, peut suivre son propriétaire dans la rue, lui laissant les mains libres pour faire ses courses. Panasonic teste également un robot capable de cueillir les tomates, distinguant sa couleur de maturité et ne la cueillant que rouge. “Il est moins rapide qu’un humain, reconnaît son concepteur, mais il peut travailler sans faire de pause 24 heures sur 24.” Le rêve du patronat!
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