La présence militaire l’a sauvée d’une disparition certaine. Aujourd’hui, à la faveur de l’accalmie, l’école est en train de renaître à Mpack. Une renaissance qui se fait cependant dans la douleur.
(Correspondance) – Il constitue aujourd’hui une attraction. Sur la route de la Guinée-Bissau, le Cem de Mpack ne peut pas ne pas capter le regard du passant. Mais, derrière ces bâtiments neufs qui n’ont rien à envier à ceux que l’on trouve à Ziguinchor, se cache toute une histoire, celle d’un système éducatif désarticulé et qui renait dans la douleur.
Certes, l’école a résisté à l’insécurité qui sévissait dans cette bande frontalière à la Guinée-Bissau. Mais, que de sacrifices héroïques et de courages indomptables d’hommes et de femmes pour surmonter cet état de fait et maintenir les enfants à l’école. Durant les années 1990, en effet, on a assisté à des déplacements de populations fuyant la guerre en direction de la «Guinée portugaise». Dans ce village situé à quinze kilomètres de Ziguinchor, certaines familles ont préféré rester, encouragées en cela par la forte présence militaire notée sur les lieux. On constate dès lors une forte déscolarisation, conséquence de cette ambiance de guerre qui a modifié le destin envieux de Mpack. L’éducation des élèves qui sont restés avec leurs parents sera dès lors assurée par des enseignants qui ont fait de leur métier un sacerdoce, malgré l’insécurité permanente qui les plaçait pourtant dans une posture de «candidats au suicide». Du coup, l’école sera la seule institution qui fonctionne à Mpack et qui incarne l’autorité de l’Etat sur cette bande frontalière.
L’accalmie notée depuis 2012 est en train, aujourd’hui, de changer favorablement l’avenir de l’école de Mpack. Entre temps, beaucoup de familles installées depuis plusieurs années en Guinée-Bissau ont pris le chemin inverse. D’autres qui ont fini de refaire leur vie de l’autre côté de la frontière n’envisagent certes pas le retour, pour le moment en tout cas, mais envoient leurs enfants étudier à Mpack. Ce qui donne un caractère international à l’école dans cette localité dont le nom se confond au conflit qui secoue la Casamance depuis décembre 1982. Du coup, non seulement l’effectif de l’école élémentaire a augmenté, mais surtout, un Cem sera érigé à Mpack. Cet établissement, symbole de la précarité avec ses nombreux abris provisoires, s’est complètement métamorphosé pour devenir attractif avec ses bâtiments en dur, une bibliothèque, un bloc scientifique et un bloc administratif. Ces constructions traduisent le renouveau de l’école dans cette zone forestière située au sud de Ziguinchor.
Résurrection dans la douleur
Seulement, cette résurrection se fait dans la douleur avec les nombreuses difficultés auxquelles fait face le système éducatif à Mpack. Tous les goulots d’étranglement ont fait l’objet d’un forum organisé dans l’enceinte du Cem, présidé par le sous-préfet de Niaguis, en présence de l’inspecteur d’académie de Ziguinchor, de l’inspecteur de l’éducation et de la formation, du maire de Boutoupa-Camaracounda, de la communauté scolaire etc. Le but de l’exercice était de diagnostiquer les problèmes afin de proposer des solutions. Ainsi, les acteurs ont identifié comme difficulté majeure la déperdition scolaire. Un fléau qui est lié, selon le diagnostic, aux grossesses précoces, à la campagne d’anacarde et à la tyrannie des motos Jakarta. «Certes, le phénomène connait un net recul, mais les grossesses précoces sont un véritable opium dans notre zone», nous confie un parent d’élève qui regrette aussi que les enfants désertent les salles de classe pour aller récolter des noix de cajou ou pour se transformer en conducteurs de motos Jakarta. Les participants au forum ont aussi déploré la problématique de l’état civil. A l’école primaire par exemple, seuls 30 élèves sur les 105 candidats au Cfee ont pour le moment présenté un extrait de naissance. Une statistique qui rappelle l’urgence d’organiser des audiences foraines pour des enfants victimes de la situation sécuritaire dans cette zone, mais aussi, du manque de fiabilité de l’état civil dans des communes comme Boutoupa-Camaracounda. L’absence d’électricité dans cette localité plonge par ricochet le Cem de Mpack dans la précarité. «On a des ordinateurs qu’on ne peut pas utiliser parce que l’école n’est pas branchée au réseau électrique», déplore la Principale du Cem.
Tacko Koïta pointe du doigt aussi l’absentéisme et le manque d’assiduité des élèves. L’explication à ce phénomène qui est une réalité à Mpack est à chercher dans le statut de la plupart des élèves de cet établissement. «Ils viennent, dans leur majorité, de la Guinée-Bissau. Certains font plus de dix kilomètres pour venir à l’école», nous informe-t-on. C’est pour intégrer cette réalité dans les curricula de la performance que les enseignants réclament une cantine scolaire. Aussi, les populations, dépitées par le sort de leurs enfants qui font face à un problème de tutorat une fois à Ziguinchor après l’obtention du Bfem, invitent les autorités à ériger un lycée sur place.
Toutes les questions soulevées au cours de cette démarche de mobilisation sociale au profit de l’école ont fait l’objet d’une attention particulière de la part de l’inspecteur d’académie de Ziguinchor. Siaka Goudiaby a, pour sa part, invité les enseignants à redoubler d’efforts, les parents à s’approprier l’école et les élèves à se remettre au travail pour que Mpack puisse offrir un autre visage, celui-là plus reluisant, traduction d’un bel avenir pour les générations futures.
Mamadou Papo MANE