Le «Tribunal de l’Afrique de l’ouest» n’a pas, cette fois, donné gain de cause à Karim Wade qui l’avait saisi, auparavant, contre l’invalidation de sa candidature par le Conseil constitutionnel du Sénégal. Il a tout simplement été débouté de toutes ses prétentions.
Dans les procédures pour la confiscation des avoirs financiers de Karim Wade, l’Etat du Sénégal a perdu toutes les batailles internationales qu’il a lui-même intentées contre l’ancien «ministre du ciel et de la terre». Parce qu’au total, 7 juridictions et instances se sont prononcées, à savoir : la Cour de justice de la Cedeao, le Tribunal de grande instance de Paris, la Cour d’appel de Paris, le Tribunal de Monaco, le parquet national financier de Paris, le groupe de travail des Nations-Unies contre la détention arbitraire et le Comité des droits de l’homme de l’Onu. Mais dans la bataille contre l’invalidation de la candidature de Wade-fils à l’élection présidentielle du 24 février 2019, une autre situation se présente : l’arroseur arrosé. En effet, l’ancien ministre d’Etat perd devant la Cour de justice de la Cedeao. Le candidat du Pds avait saisi cette juridiction d’un recours, suite à l’invalidation de sa candidature par le Conseil constitutionnel du Sénégal.
Dans sa requête, il s’insurgeait, en même temps, contre sa radiation des listes électorales actée par la Direction générale des élections (Dge) du ministère de l’Intérieur et de la Sécurité publique et confirmée, plus tard, par la Cour suprême. Le tribunal de la Cedeao qui avait mis l’affaire en délibéré a finalement tranché hier en faveur de l’Etat sénégalais, en déboutant le requérant de toutes ses prétentions. En réaction à cette nouvelle donne, les avocats de la défense sont d’avis que le Tribunal de l’Afrique de l’ouest n’a pas dit le droit dans cette affaire. «Cet arrêt est en contradiction flagrante avec les décisions de justice internationale qui ont déjà condamné les atteintes portées aux droits fondamentaux de Karim Wade par l’État du Sénégal. La Cour de justice de la Cedeao s’est abstenue de constater et de sanctionner les graves violations des droits du candidat Karim Wade d’être électeur et éligible à l’élection présidentielle du Sénégal du 24 février. Bien qu’ayant été saisie dès le mois de novembre 2018 par une procédure d’urgence, la Cour n’a pas statué avant le premier tour de l’élection, ce qui prive de tout objet l’arrêt qu’elle vient de rendre», lit-on dans le communiqué signé par Me Ciré Clédor Ly et ses confrères.
Les conseils de Wade-fils rappellent, en outre, que le Comité des droits de l’homme des Nations-Unies vient de juger que la condamnation prononcée par la Cour de répression de l’enrichissement illicite (Crei) contre Karim Wade avait violé le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, qui s’impose au Sénégal. C’est pourquoi, disent-ils, leur client avait saisi immédiatement le Comité des droits de l’homme des Nations-Unies, pour faire rétablir son droit fondamental de participer librement à la direction des affaires publiques de son pays car étant déterminé à lutter contre l’arbitraire et l’instrumentalisation de la justice à des fins politiques.
Nos tentatives d’entrer en contact avec les avocats de l’Etat du Sénégal sont restées vaines. Et même si la Cedeao tranchait en faveur de Wade-fils, quel sens aurait une telle décision puisque la phase de régularisation des candidatures est dépassée, avec la proclamation des résultats provisoires de la présidentielle ?
Assurément, l’affaire Karim Wade que certains qualifient de tragi-comédie politico-juridico-médiatique restera à jamais spéciale dans l’histoire du Sénégal. Tout y a été spécial : des accusations spéciales, une cour spéciale, un procureur spécial, un procès spécial, une condamnation spéciale, une libération spéciale.
Pape NDIAYE