Le Trésor public doit trouver plus de 100 milliards de francs pour compenser les prévisions de la loi de finances 2018. C’est le vilain trou que le Fonds monétaire international (Fmi) a décelé, mercredi, dans le cadre de l’Instrument de soutien à la politique économique (Ispe). Au même moment, le Fmi rabaisse la prévision de croissance du pays qu’il projette à 6 % contre les 7 % annoncés par le gouvernement.
Le Sénégal doit trouver plus de 100 milliards, selon la dernière mission du Fonds monétaire international (Fmi). «Les recettes, jusqu’en septembre, sont sensiblement inferieures à ce qui est attendu dans la loi de finances rectificative qui a été approuvée cet été par le Parlement. Lorsqu’on fait les projections dans les trois derniers mois, nos estimations montrent qu’il va manquer un peu plus de 100 milliards de francs Cfa de recettes, moins par rapport à ce qui est attendu. Pour atteindre les objectifs il y a besoin de resserrer les dépenses sur les trois derniers mois de l’année. Le manque à gagner sera de 115 milliards de francs Cfa», a estimé Michel Lazare, sous directeur Ouest 1, département Afrique du Fmi et chef de mission du Fmi pour le Sénégal. Il présentait le rapport des services du Fmi après un séjour dans le cadre de l’Instrument de soutien à la politique économique (Ispe). Revenant sur ce gap que l’Etat du Sénégal doit combler, M. Lazare précise que «ce ne sont pas des arriérées ou non payements». D’après lui, cela s’explique par les prix détails pour les produits pétroliers fixes. Ils ont fait que les impôts ont été compressés et il y a eu moins de rentrées venant de la vente des produits pétroliers. L’autre explication est que certaines mesures, dans la loi de finances rectificative, ont eu un rendement inferieur. Tout cela a pesé sur les rentrées fiscales.
Plus tôt, le Fmi a estimé qu’à cause des pressions dans le secteur budgétaire, les recettes seront inferieures de 0,9 % du Pib en décembre 2018. Selon l’institution de Bretons Woods, pour atteindre les objectifs budgétaires fixés pour décembre 2018, des efforts seront nécessaires. Pour cela, le Fmi révèle que «les autorités ont accepté de réduire les dépenses d’équipement, financés par sur les ressources intérieures, non urgentes et les dépenses courantes hors salaires afin de respecter l’enveloppe budgétaire convenue».
6 % de croissance au lieu de 7 %
Après la Banque mondiale qui table sur un taux de 6,8 %, le Fonds monétaire international annonce que «la croissance devrait se situer au dessus de 6 % en 2018», portée par l’investissement public et privé. «Elle reste remarquable dans le secteur des constructions et services, mais freinée dans le secteur agricole par une pluviométrie tardive».
Le Fmi a, en outre, relevé quelques manquements. Ses services soulignent que «le plafond dans les contrats du secteur public, signés par ententes directes n’a pas été respecté depuis décembre 2017 en raison des offres spontanées».
La Poste, un colis dur à porter
D’après le Fmi, le financement de la société nationale La Poste par le Trésor contribue à une situation budgétaire très difficile. «Cela conduit à des impayés vis-à-vis des fournisseurs et opérateurs économiques», relève la mission du Fmi. Qui estime que c’est la raison pour laquelle, pour limiter les pressions sur le budget, «les autorités ont accepté de renforcer la gestion des finances publiques en limitant le financement de Sn La Poste par le Trésor. Cela, en cessant d’utiliser diverses lettres budgétaires qui engagent l’administration centrale pour ce qui est des dépenses au-delà de l’exercice en cours ou des dépenses exécutées en dehors du budget».
Le Fmi rassure par ailleurs que la loi de finances de 2019 est conforme à l’objectif de déficit budgétaire de 3 % du Pib fixé au niveau de l’Uemoa. Mais il recommande que les autorités établissent une stratégie de politiques fiscales à moyen terme pour atteindre les 20 % fixés par l’Uemoa pour le ratio recette fiscale/Pib.
En ce qui concerne l’endettement du pays, l’équipe de M. Lazare pense que «la stratégie de la dette doit viser la part de la dette intérieure dans le totale de la dette et recourir à des emprunts concessionnels autant que possible». Cela sans manquer de souligner que la dette du Sénégal, comme celui de beaucoup de pays africains s’est accrue ces dernières années. «C’est vrai que la dette a augmenté mais il n’y a pas d’inquiétude sur la viabilité de la dette au Sénégal. A l’époque, nous jugions le risque faible et modéré. Le risque reste relativement proche de la frontière avec le modéré, entre le faible et le modéré. On est très loin d’un risque élevé. Loin d’une dette qui est en situation de crise», confie-t-il.
Emile DASYLVA