Touba est une cité religieuse du Sénégal, siège du Mouridisme. Située à 194 km à l’Est de Dakar, c’est la deuxième ville la plus peuplée du pays, avec 753 315 habitants et également la deuxième agglomération avec 830 570 habitants, derrière la capitale.
Chaque année, le grand Magal y est célébré, correspondant au 18 Safar du calendrier musulman et commémorant l’exil forcé du Cheikh au Gabon par l’administration coloniale. Le Grand Magal de Touba regroupe des milliers de pèlerins constitués en grande partie de disciples de Serigne Touba. L’activité n’est pas du tout repos : des milliers de pèlerins s’y rendent, de site en site pour des prières, des recueillements mais également pour mieux connaître le Cheikh et ses œuvres. Trois grands sites attirent l’attention des disciples de Bamba : la bibliothèque «Daaray Kaamil», le mausolée de Khadimou Rassoul ainsi que le cimetière de Touba.
GRANDE MOSQUEE DE TOUBA
Le pôle de convergence des mourides
La grande mosquée de Touba est le pôle de la ville. Sa construction fut ordonnée par Cheikh Ahmadou Bamba lui-même et les travaux démarrèrent en 1932, sous l’égide de Serigne Mouhamadou Moustapha Mbacké, premier Khalife général des mourides. Cette grande mosquée constitue l’unique dont le Cheikh avait recommandé la construction. Serigne Abdoul Ahad Mbaké, troisième Khalife donnait les éclaircissements suivants dans son sermon prononcé à l’occasion de la Tabaski de l’année 1975. «Il est parmi les clauses rattachées à la construction d’un édifice pour l’office du vendredi (une Grande Mosquée) que partout où délibérément on ne consent pas demeurer, de ne pas y dresser un édifice pour cette office-là. Mais simplement une mosquée pour les prières canoniques. C’est pourquoi le Cheikh n’a jamais ordonné la construction d’un sanctuaire pour cette fonction, si non à Touba exclusivement. D’ailleurs, à la mosquée de Diourbel, il n’a jamais accompli rien en dehors du rituel des cinq prières, personne ne l’a vu y célébrer la prière du vendredi», lisait-il dans son sermon. Le Khalife poursuivait toujours en disant ceci: «Et même la mosquée qu’on a érigé à Diourbel, ce sont les adeptes eux-mêmes qui, brodant sa parole la poussant au paroxysme, l’ont élevée à cette dimension. Mais c’est une simple mosquée qu’il demandait qu’on lui dressât». Cette précision est d’une importance capitale car c’est à Diourbel même que le Cheikh ordonna la construction de la Grande Mosquée de Touba, débutant lui même, les premiers pas, c’est-à-dire, une demande d’autorisation auprès de l’Administration coloniale, recommandation aux disciples, début de la collecte des sommes destinées à la construction.
Diourbel constitue l’un des lieux où le Cheikh a longtemps vécu, de 1912 à 1927, soit 15 années de résidence surveillée. Il a aussi passé cinq ans au Djoloff en résidence surveillée, entre 1907 et 1912, un exil en Mauritanie d’une durée de cinq ans 1903 et 1907, et un séjour inoubliable au Gabon l’exil de 7 ans, de 1895 à 1902. Partout dans ces lieux où il a résidé soit une période de plus de 30 années, il n’y a jamais recommandé la construction d’une grande mosquée. Ce fait marquant confirme davantage la particularité de la Grande Mosquée de Touba et la singularité de son statut auprès du Cheikh. Cet édifice, lorsque Cheikh Ahmadou Bamba prédisait sa construction en 1888, année de la fondation même de la ville de Touba, nul ne songeait qu’une telle bâtisse pourrait exister. Mais le Cheikh que personne ne comprenait, a formulé des prières à l’endroit de ses futurs bâtisseurs dans son ode célèbre, Matlabul Fawzayni qui signifie, «la quête du bonheur des deux mondes». «Absous les volontaires qui ont bâti l’édifice si élevé de ma demeure, la cité bénite de Touba, de leurs pêchés du passé et de l’avenir ; absous tous ceux qui avaient la charge de l’ordonnance des travaux de l’édifice, de leurs pêchés initiaux et finals ; absous également tous ceux qui leur sont venus en aide dans cet édifice qui, par Ta Gloire s’est érigé – ô combien majestueux – de leurs pêchés premiers et derniers», disait le Cheikh.
La mosquée dont le plus haut minaret culmine à plus de 80 m, fut inaugurée le 7 juin 1963, par le deuxième calife de la confrérie des mourides, El Hadji Falilou Mbacké, en présence du président de la République du Sénégal, Léopold Sédar Senghor. Sergine Fallilou Mbaké, deuxième khalife du mouridisme, a fait une révélation de taille sur le statut de la Grande mosquée dans un de ces entretiens : «le Cheikh dit que lorsque son Seigneur lui octroya cette Grande Mosquée, c’est au moment de son exil en mer (Gabon). Cette nuit, même les anges s’adressèrent à lui en ces termes : ‘nous voulons que tu nous confies l’édification de cette Grande mosquée ; nous la construirons en or ou en argent selon ta préférence et partout où tu nous demanderas de l’édifier nous le ferons’. La réponse du Cheikh fut la suivante : ‘j’ai des disciples et je voudrais qu’ils profitent des grâces liées à sa construction. Lorsque les anges s’en allèrent, les djinns se présentèrent à lui et lui tinrent le même langage, mais sa réponse demeura inchangée. Ensuite, il fait la déclaration suivante : ‘celui qui y œuvre le plus ira toujours de l’avant et aura plus de titres de prééminence. Celui qui se fait remarquer par sa négligence sera toujours parmi les derniers», a raconté Serigne Fallou.
CIMETIERE DE TOUBA
L’antichambre du paradis
Considéré alors comme «l’antichambre du paradis», il est dit que tous les mourides sont appelés à y être enterrés. En moyenne, 75 personnes y étaient inhumées par jour, ce qui fait une chiffre de prés 27 000 par an. D’une superficie de 11 hectares, le cimetière de Touba est situé à l’Est de la Grande mosquée. Ouvert de 6 heures à 19 heures, il abrite les ultimes demeures de croyants anonymes et célébrités qui ont marqué l’histoire de notre pays. Chaque famille des descendants de Khadim Rassoul dispose d’un espace dénommé «Keur gou mack», Grande concession, espace réservé aux disciples. Il y a aussi l’autre espace désigné par le vocable «wanag-wi» ou le vestibule aménagé à l’intention des mourides communs dont on ignore le guide spirituel. Serigne Bara Mbacké, fils de Serigne Touba, et Cheikh Ibra Fall y sont enterrés. Sokhna Maïmouna Mbacké, fille de Serigne Touba, repose à l’entrée du cimetière. Le grand cimetière de Touba fait partie des sites de pèlerinage qui reçoivent le plus de monde lors du grand Magal. C’est la famille de Cheikh Issa Diène qui en assure la garde et l’entretien.
On rapporte que ces cimetières ont été tracés par Cheikh Ahmadou Bamba lui-même, quand la population était d’environ 500 personnes. Il aurait tracé les grands axes de la ville sainte et l’organisation de l’espace. En 1930, les Français, maîtres du Sénégal à l’époque, avaient accordé à la famille de Serigne Touba un titre foncier qui englobait la mosquée et s’étendait sur 400 ha autour. Avec un vertigineux taux de croissance démographique, Touba est actuellement la deuxième ville du Sénégal. Une population estimée à plus de deux millions d’habitants et une superficie qui dépasse les 12 000 ha. Aujourd’hui, le cimetière est saturé. Il y est pratiquement impossible de ne pas marcher sur des tombes. L’entassement est tel que les morts sont souvent superposés. Par ailleurs, les petites stèles en ciment sur lesquelles sont écrits les noms des défunts les moins nantis se cassent ou s’effritent au bout d’un certain temps et on ne retrouve plus l’emplacement des siens.
Un nouveau cimetière ouvert aux talibés
Le nouveau cimetière de Touba inauguré à la suite de la fermeture de l’ancien situé à l’Est de la grande mosquée, vient est baptisé «Bakhiya», par le défunt Khalife général des mourides, Serigne Cheikh Sidy Moukhtar Mbacké. Ce nom est symbolique à plus d’un titre explique un interlocuteur. Car il rappelle le patrimoine du monde musulman que représente le cimetière de Médine où reposent des Compagnons du prophète de l’islam, Mouhammad (Psl). Le choix de ce nom révèle une fois de plus l’héritage culturel et de la civilisation de l’Islam que Serigne Touba a toujours revendiqué et préservé et vient conforter ce qui a toujours prévalu quand il s’agit de choisir un nom de baptême à un quartier ou à un site quelconque dans la ville sainte de Touba. A titre d’exemple, on peut citer le célèbre marché «Okass» de Touba, les quartiers de «Oumoul khoura», «Taïf», «Médinatoul», etc.
BIBLIOTHEQUE
La mémoire de la cité de Bamba
Plus connue sous le nom de «Daaray Kaamil», la bibliothèque Cheikhoul Khadim est aussi un des lieux les plus visités, pendant le Magal de Touba. Daaray Kamil est fondée en 1977 par Serigne Cheikh Abdoul Ahad Mbacké, le 3e khalife de Serigne Touba Khadimou Rassoul. Elle est répartie en trois salles dont une qui contient uniquement des livres coraniques écrits par les fils, petits-fils et cheikh de Serigne Touba. Une seconde salle contenant la documentation écrite par Serigne Touba même et des témoignages faits sur lui, par des érudits mauritaniens et autres guides religieux sénégalais comme Cheikh El Hadji Malick, Mame Limamou Laye, Cheikh Abdoulaye Niass, entre autres. Et, enfin, une troisième salle contient des documents de culture générale, avec plusieurs livres de Mathématiques, de Chimie, d’Histoire et de Géographie, d’Observation. La bibliothèque ne se limite pas seulement à l’Islam et l’enseignement de Cheikh Ahmadou Bamba, mais aussi elle dispose de livres de culture générale et plusieurs genres de documentation à fournir aux chercheurs. Les buts visés sont de vulgariser l’œuvre de Cheikh Ahmadou Bamba, mais également d’aider les chercheurs, élèves et étudiants à approfondir leurs études et d’y trouver une bonne documentation.
Aujourd’hui, la bibliothèque dispose d’un site internet où «les œuvres du Cheikh sont évaluées, selon des sources concordantes, à près de 7,5 tonnes embrassant tous les domaines du savoir (Tawhid (foi), Fiqkh (droit), Tassawouf (soufisme) et autres poèmes dédiés à Dieu et au Prophète Mohamed (Psl). Une raison suffisante pour construire cet édifice majestueux où cohabitent toutes sortes d’exemplaires du Coran rédigés par le Cheikh, ses enfants, petits enfants et autres. Cette bibliothèque est un vieux projet mouride. En effet, dès 1949, le lieutenant Merles des Isles faisait remarquer qu’une bibliothèque était prévue à l’Est de la Mosquée. Touba a eu l’honneur de réaliser cette œuvre colossale qui dispose de 200 000 ouvrages d’une valeur de 150 millions de FCfa. L’édifice a coûté 225 millions de FCfa. Baye Lahad repose dans le jardin de l’édifice, sur recommandation de son successeur Cheikh Abdou Khadre Mbacké.
Par Najib SAGNA